Grossesses précoces : deux filles de 13 ans accouchent à quelques heures d’intervalle

Deux adolescentes de 13 ans ont accouché à quelques heures d’intervalle à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo le vendredi 17 août. Deux autres, âgées de 16 et 17 ans, ont accouché durant le week-end. Quelque 150 cas de grossesse précoce ont été enregistrés depuis le début de l’année.

Iris et Manuelle, âgées de 13 ans, ont accouché à quelques heures d’intervalle à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, le vendredi 17 août 2018. Si le bébé d’Iris se porte bien, l’enfant de Manuelle lutte, quant à lui, pour sa survie à la Neonatal Intensive Care Unit de l’hôpital SSRN à Pamplemousses. Il ne faisait que 1,5 kg à la naissance. 

Sur son lit d’hôpital, Manuelle a reçu la visite de ses proches, dont la grand-mère de son petit ami (âgé de 17 ans). La mère de l’adolescente était également présente. Elle n’a pas souhaité faire de commentaires sur la grossesse de sa fille. Idem pour la maman du copain de Manuelle, qui a toutefois laissé échapper : « Les deux familles sont au courant de cette grossesse. » 

Quant à Iris, elle a accouché d’un petit garçon à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo à Port-Louis. Hospitalisée, l’adolescente se remet de la césarienne qu’elle a subie. Son bébé est en bonne santé. Glorienne Collet (55 ans), la grand-mère d’Iris a accepté de se confier : « L’erreur est humaine. Je ne vais pas rejeter ma petite-fille et son enfant. » 

Une grand-mère comblée 

En voyant son arrière-petit-fils pour la première fois, elle n’a pas pu contenir ses larmes. Glorienne Collet se dit comblée d’avoir eu la garde de sa petite-fille Iris. Le 9 août, la cour de Pamplemousses a tranché en faveur de Glorienne Collet après que la Child Development Unit s’est assurée qu’elle pouvait accueillir et prendre soin d’Iris et de son enfant. 

Il était 18 heures le lundi 20 août lorsque la grand-mère d’Iris nous a accueillis à son domicile à la route Paille-en-Queue, Baie-du-Tombeau. La nettoyeuse se dit ravie d’accueillir sa petite-fille et son arrière-petit–fils chez elle. « Mo tifi viv ek so bann zanfan dan enn sel lasam. Iris ek so zanfan pou pli alez kot mwa. » 

Elle raconte qu’Iris est venue vivre chez elle il y a quelques jours. Et c’est accompagnée de sa tante que l’adolescente est allée à son rendez-vous à l’hôpital. Elle a été admise pour donner naissance à son enfant. Prise de peur, la jeune fille a insisté pour que sa grand-mère l’accompagne jusqu’à la salle d’opération. Glorienne Collet a tenu la promesse qu’elle avait faite à Iris. Le lendemain de l’accouchement, Iris avait les yeux gonflés, selon sa grand-mère. Elle affirme que l’adolescente avait pleuré toute la nuit et qu’elle voulait voir son fils. 

Si le nom du bébé n’a pas encore été choisi, Glorienne Collet est impatiente à l’idée de l’accueillir à la maison. « Bann-la ti pe rod met li dan shelter. Monn signe pou pran so responsabilite. Tank ki mo la, mo pou get li. Mo ti strese kan monn aprann ki mo tizanfan inn ansint a 13 ans. Me aster-la mo get lavenir. Nou aprann ar nou erer. » 

Parlant de Calvin (19 ans), le père de l’enfant d’Iris, Glorienne Collet déclare : « Papa zanfan-la pa pou gagn kontak ar Iris. Mwa kinn pran so responsabilite ziska li gagn 18 ans. » Si elle affirme qu’elle fera tout son possible pour acheter le lait et les couches pour le bébé, elle lance toutefois un appel à solidarité à toute personne qui souhaiterait aider Iris et son enfant. 

L’adolescente avait été placée sous observation médicale après avoir ressenti d’atroces douleurs dans la soirée du lundi 2 juillet. Sa mère Daniella (36 ans), qui n’avait plus de nouvelles de sa fille et qui était à sa recherche, avait alors reçu un appel lui disant qu’elle était hospitalisée. La mère de cinq enfants était soulagée de retrouver Iris. Dans une déclaration faite au Défi Quotidien, elle avait dit qu’elle ne voulait pas que sa fille reste dans un shelter jusqu’à ses 18 ans. 

Les deux tourtereaux s’étaient disputés. Dépassée par la situation, Iris avait mis un terme à leur relation. Quelques jours plus tard, Calvin l’a appelée, lui demandant de venir déposer les vêtements qu’il avait laissés chez elle. Mais elle se serait fait gifler. En pleurs, elle a regagné son domicile. L’adolescente avait le visage enflé. Remontée, Daniella a conduit Iris au poste de police de Baie-du-Tombeau. Calvin a été arrêté puis placé en détention. Iris a été conduite à l’hôpital.

Vidya Charan : «Il y a 200 cas chaque année» 

Environ 200 cas de grossesse précoce impliquant des filles de moins de 16 ans sont enregistrés chaque année. Et depuis début janvier 2018, près de 150 cas ont été répertoriés. C’est que qu’affirme Vidya Charan, directrice exécutive à la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA). « C’est une réalité de plus en plus en plus criante que les jeunes sont sexuellement actifs et que les filles se retrouvent enceintes à un âge où elles devraient être sur les bancs de l’école. » Pour Vidya Charan, il faudrait voir ce qui incite les jeunes à avoir des relations sexuelles de plus en plus tôt alors que de l’autre côté l’éducation sexuelle dans le milieu scolaire tarde à se mettre en place. Elle estime que c’est une situation sérieuse qui demande beaucoup de réflexion.

Suivi de la CDU 

La Child Development Unit (CDU) suit de près la situation des quatre jeunes filles qui ont accouché à l’hôpital Dr. A G. Jeetoo. Selon le protocole établi, le ministère de l’Égalité des genres, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille va rechercher une ordonnance de protection provisoire pour chaque cas auprès de la Cour. Cela afin qu’elles soient retirées de leur environnement familial et placées dans un autre lieu « plus sécurisant ». Une source proche du dossier auprès du ministère concerné nous a fait comprendre qu’il n’est pas normal qu’une fillette tombe enceinte alors qu’elle est sous la responsabilité de ses parents. « Nous estimons qu’elles n’étaient pas dans un environnement adapté », nous a expliqué notre interlocuteur. Les quatre jeunes filles bénéficieront d’un encadrement psychologique ainsi que leurs proches. Les quatre géniteurs risquent des poursuites pour avoir eu des relations sexuelles avec des filles de moins de 16 ans.

Renforcement des lois

« Les provisions de la loi doivent être renforcées afin de prévenir les grossesses précoces », soutient Ismail Bawamia, enquêteur au bureau de l’Ombudsperson for Children. Très concerné par ce type de situation, il ajoute que l’organisme considère qu’une enfant ne peut s’occuper d’un bébé et que sa place doit être à l’école. Tout doit être mis en œuvre afin que la jeune maman puisse reprendre le chemin de l’école pour qu’elle puisse plus facilement subvenir à ses besoins par la suite. Il souligne que c’est un délit d’avoir des relations sexuelles avec une mineure de moins de 16 ans. Des recommandations concernant les grossesses précoces figureront dans le prochain rapport de l’Ombudsperson for Children, a conclu l’enquêteur.