Grâce à un homme de loi établi en Angleterre : Il sauve sa mère des griffes de 4 escrocs mauriciens accusés de lui avoir volé Rs 25 M

Laval Nallacouty (à dr.) et sa mère Lucienne doivent une fière chandelle à Me Bushan Deepchand, de Lambeth Solicitors.

Comment réagiriez-vous si des étrangers vous interdisaient tout contact avec votre mère, se comportant comme s’ils étaient ses enfants, alors que c’est vous, le fils de l’octogénaire, son unique enfant même ? Quel serait votre état d’esprit si vous sentiez que votre chère maman était en grave danger dans un pays étranger et que vous n’aviez pas les moyens pour la sortir de ce guêpier ? Un Mauricien d’une soixantaine d’années a vécu tout ce calvaire. Voici son histoire.

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Marie Lucienne Norga Anodin, 82 ans, d’origine mauricienne, s’établit en Angleterre dans les années 60. Elle se remarie et elle et son mari, décédé depuis, deviennent propriétaires d’une maison en 1969.

Le fils unique de Marie Lucienne, Laval Nallacouty, 65 ans, est lui resté à Maurice, où il travaille, pendant plus de quarante ans, dans une propriété sucrière. Souvent, il va voir sa mère en Angleterre grâce à des billets qu’elle lui offre.

En 2016, il apprend une terrible nouvelle : la maison de sa mère, qui vit seule depuis la mort de son mari, a été vendue par un groupe de personnes après qu’ils l’ont manipulée. Ensuite, ils l’ont emmenée avec eux dans une autre ville pour la séquestrer ou presque.

Les médias interviennent

Laboureur de son état, Laval n’a pas les ressources nécessaires pour se rendre en Angleterre et se porter au secours de sa chère maman. Il décide alors d’alerter les médias locaux. Le Dimanche/L’Hebdo en fait sa une le 8 mai 2016.

Me R. Bushan Deepchand, un homme de loi établi à Londres – il est Solicitor of Senior Courts of England & Wales / Practice Director chez Lambeth Solicitors – apprend la nouvelle à travers l’article publié dans notre journal. Par coïncidence, il se retrouve à Maurice quelques jours plus tard. Il fait la connaissance de Laval, qui lui expose toute l’affaire de manière plus personnelle. L’avocat est touché par le désarroi de Laval. Il décide, de son propre gré, de lui venir en aide pour le soulager de son fardeau. 

Me Deepchand s’arrange pour que Laval se rende en Angleterre. Il lui paie ses billets d’avion. Celui-ci y débarque le 10 septembre 2016. Le lendemain, grâce à un contact, il fait des arrangements pour que Laval rencontre sa mère. Mère et fils parviennent incroyablement à se retrouver au restaurant Nando’s. Mais ceux qui ont séquestré Marie Lucienne l’apprennent rapidement et, pendant que mère et fils prennent leur repas, tout heureux de se retrouver, celui qui est le chef de la bande entre dans le restaurant et vient s’asseoir à la table d’à-côté. Il écoute leur conversation. N’appréciant pas les questions que Laval pose à sa mère, il intervient et commence à le menacer. « N’imaginez pas que vous pouvez prendre votre mère et partir avec elle. Cela n’arrivera jamais ! Elle restera avec nous jusqu’à ce qu’elle meure », lui  lance l’individu pour l’intimider.

Menacés par 15 individus

Laval prévoit quand même une nouvelle rencontre avec sa mère dans un café de Crawley, le quartier où elle est tenue en captivité par les quatre Mauriciens et leurs complices. Mais le chef de la bande revient vers lui pour lui intimer l’ordre de partir sur le champ, s’il ne veut pas être tabassé par une quinzaine de personnes qui se sont massées en dehors du café, des hommes à sa solde. Laval et son homme de loi n’ont d’autre choix que de quitter rapidement les lieux.

Histoire à dormir debout

Avant que Laval ne puisse réagir en suivant les conseils légaux, le chef de la bande raconte à la police que le Mauricien est venu en Angleterre pour… kidnapper sa mère. Heureusement que son homme de loi intervient pour convaincre la police que cette histoire ne tient pas debout. Étant donné la gravité de la charge de kidnapping, Laval est tout soulagé de ne pas être arrêté par la police.

Entre-temps, après leur rencontre dans le restaurant, Laval ne voit plus sa mère. Son avocat tente de faire la paix avec la bande et de négocier la libération de la Marie Lucienne qui, apprend-il, vit dans des conditions extrêmement pénibles pour une personne de son âge. Elle reste enfermée dans une pièce pendant qu’ils sortent s’amuser avec son argent. On lui demande même de veiller sur un bébé d’un an.

Comme les négociations échouent, Me Deepchand décide alors de saisir la Court of Protection. Il avance comme arguments que Marie Lucienne est quelqu’une de vulnérable, souffrant très probablement de démence, donc sujette à une déficience de capacité mentale. Il explique aux juges que la Court of Protection a le devoir, entre autres, d’assurer la protection et la sécurité de personnes vulnérables et qui n’ont pas toute leur capacité mentale.

Le cas est logé en cour le 26 septembre 2016, mais à cause des complications (allégations d’influence et de coercition indues), l’affaire est entendue devant cinq cours différentes (Londres, Redhill, Guilford, Worthing et Brighton), alternant entre juge expérimenté et juge ayant acquis une plus longue expérience.

Libération

Après 10 mois et quelque 20 audiences, deux évaluations par deux médecins experts dans le domaine, ainsi que diverses évaluations soumises par des infirmières spécialistes et des travailleurs sociaux spécialisés, la Court of Protection ordonne la libération de la mère de Laval de la bande d’escrocs. Dans un premier temps, la cour ordonne que Marie Lucienne aille vivre chez le cousin de Laval. Finalement, en décembre 2017, la cour acceptera la demande de Me Deelchand pour que l’octogénaire rentre à Maurice pour aller vivre avec son fils Laval.

Le dimanche 29 avril 2018, après des mois de lutte engagée par son équipe légale, Laval et sa mère rentrent à Maurice.

Dans cette affaire, Marie Lucienne aura été escroquée, selon Me Deepchand, de quelque 25 millions de livres (la valeur de la maison inclue). Si l’argent en liquide qu’ils lui ont volé ne sera pas récupéré, Me Deepchand essaie de voir s’il y a une possibilité de récupérer la maison, mais les chances sont minimes, vu que la maison a été vendue non une fois, mais deux fois.

Plainte logée auprès du Metropolitan Police Service

Après sa libération, Marie Lucienne a logé une plainte auprès du Metropolitan Police Service, soit le 12 juillet 2017.

Sa carte bancaire était en possession de J. M., le chef présumé de la bande d’escrocs. Son compte a été mis à plat. Selon toute probabilité, J. M. a ouvert un compte bancaire en ligne et a utilisé l’argent de Marie Lucienne pour faire des paris et autres mises. Elle possédait plus de 60 000 livres sur son compte et l’argent a été dépensé en un mois.

J. M. s’était présenté à la dame comme son neveu, affirmant qu’il avait été adopté par sa sœur. Il a été arrêté le 11 août 2017 sous une charge de fraude. Des preuves a été trouvées en sa possession et saisies. Les trois autres Mauriciens incriminés, A. A. V., M. D. et Y. H., ont été interrogés en novembre 2017. L’enquête progresse.

Un plan diabolique

Marie Lucienne et son mari Claude ont acheté leur maison à 3 Beauchamp Road, Forest Gate, Londres, le 13 août 1969. Ce dernier est décédé en 2008 et Marie Lucienne est devenue l’unique propriétaire de la maison. Par la suite, elle a rédigé un testament pour faire de son fils Laval Nallacouty l’unique héritier après son décès. Héritage qui comprenait la maison, les meubles, les raccords et l’argent en banque.

Toutefois, toute cette situation a tourné au drame, lorsque J. M. a fait son entrée   dans la maison de Marie Lucienne en janvier 2016 et a gagné sa confiance. J. M. vivait alors avec sa petite amie dans une maison que possédait le père de cette dernière à Crawley. Cependant, il a perdu la maison parce qu’il n’honorait pas le montant du loyer. J. M. s’est ainsi retrouvé sans toit. C’est alors qu’il s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup d’argent sur le compte de Marie Lucienne. Comme cette dernière ne pouvait ni lire ni écrire l’anglais, il a utilisé cette incapacité à son avantage. Il a ouvert un compte bancaire en ligne sur le compte existant de Marie Lucienne et a commencé à utiliser son argent, sans la mettre au courant. Il a commencé à miser énormément au jeu et à dilapider l’argent sur l’achat des vêtements de marque. Il a même organisé des fêtes pour les Mauriciens de passage ou établis en Angleterre, y compris de célèbres ségatiers.

Selon Laval, une fois l’argent dépensé, J. M. a pris sa mère et l’a conduite à Crawley pour passer quelques jours de vacances. Et la vieille dame n’est jamais revenue à Londres.

Entre-temps, J. M. a introduit à Marie Lucienne un certain A. A. V., leader d’une communauté qui milite pour ses droits, comme étant un homme de loi. Se donnant belle allure pour faire bonne impression, A. A. V. a déclaré à la dame qu’il allait s’occuper de ses affaires juridiques en lui faisant signer un Power of Attorney à son nom (celui de A. A. V.) pour lui donner autorité pour la représenter. C’est lui qui a organisé la vente de la maison de Marie Lucienne. Une maison vendue à 300 000 livres sterling, alors que sa valeur réelle était de 450 000 livres. A. A. V. aurait empoché 30 000 livres comme commission, réclamée comme fees pour négocier la vente. À noter que les fees d’un agent immobilier s’élèvent  normalement  à  1 % du prix de vente.

Selon les informations recueillies, A. A. V. ne travaille pas et vit grâce à des benefits et autres assistances sociales qu’il touche en Angleterre. Pourtant, il est le propriétaire et le directeur d’une compagnie connue comme E. Limited, ayant comme partenaire une certaine D.  Quand il a fait la connaissance de Marie Lucienne, la compagnie était inactive.

À son insu

J. A. et A. A. V. ont disposé de tous les biens de Marie Lucienne, y compris les cendres de son défunt mari et d’autres souvenirs. Tout cela s’est effectué à son insu, bien entendu.

A. A. V. s’est aussi arrangé pour que sa partenaire et celle de J. A. obtiennent un Power of Attorney illimité pour gérer les fonds et biens immobiliers de Marie Lucienne jusqu’à son décès. Ces documents ont été subséquemment annulés par la justice britannique.

Marie Lucienne a révélé que lorsqu’elle s’est retrouvée à Crawley, elle était retenue dans un appartement dans lequel vivaient trois adultes et trois enfants, y compris  J. A., sa partenaire et son père. Ils l’enfermaient dans la maison quand ils sortaient pour retourner vers 2 heures du matin. On la laissait sans manger et boire et elle dormait à même le sol. Ses effets personnels et ses vêtements étaient conservés dans des sacs en plastique.

Chaque semaine, ils l’emmenaient à la banque pour la forcer à effectuer un retrait tournant autour de 500 livres. Argent qui lui était subtilisé une fois qu’elle quittait la banque.

 

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