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Govinden : quand Maurice se purifie au rythme de la flûte de Krishna

Dans les temples comme dans les foyers, les fidèles se réunissent pour prier ensemble, chanter et méditer.

Pendant un mois entier, les Mauriciens de foi hindoue se plongent dans une spiritualité ancestrale qui transforme l’île en un véritable temple à ciel ouvert. Plongée dans une tradition millénaire mêlant ferveur spirituelle et cohésion sociale.

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Aux premières lueurs de l’aube, les temples mauriciens s’animent d’une mélodie particulière. C’est le temps de Govinden, ce mois sacré où Krishna, l’éternel joueur de flûte, guide les âmes vers la purification. Dans les cours des maisons comme dans les sanctuaires, la fumée d’encens s’élève tandis que résonnent les bhajans, ces chants dévotionnels qui semblent suspendre le temps.
Pour comprendre l’intensité de cette dévotion mauricienne, il faut d’abord saisir qui est Krishna dans l’imaginaire hindou. Loin de l’image figée d’une divinité lointaine, Krishna incarne paradoxalement l’accessibilité du divin. Ce jeune berger à la peau bleue, souvent représenté une flûte aux lèvres, fascine par sa dualité : à la fois enfant espiègle et sage cosmique, amoureux passionné et guide spirituel suprême.

Krishna est aussi Govinda, celui qui protège les vaches et la nature, celui qui assure l’abondance et le bien-être de ses fidèles, rappelle la tradition. Cette dimension écologique prend une résonance particulière dans l’île Maurice contemporaine, où les questions environnementales se mêlent naturellement à la spiritualité ancestrale.

Le carême Govinden transforme la privation en art spirituel. Pendant quatre semaines, des milliers de Mauriciens embrassent un jeûne qui dépasse la simple abstinence alimentaire. C’est un temps où l’on se rapproche du divin, où l’on cherche non seulement la prospérité matérielle, mais surtout la paix et la lumière spirituelle, explique cette tradition séculaire.

Les prières quotidiennes deviennent alors de véritables performances spirituelles : chants dévotionnels, récitations de mantras et offrandes de fleurs, de fruits et de lait se succèdent dans un ballet codifié où « chaque geste symbolise la pureté et la gratitude ». Le jeûne se mue en purification globale, « une manière de purifier le corps et l’esprit pour accueillir la grâce de Krishna »

Cette approche holistique de la spiritualité fait écho aux préoccupations contemporaines du bien-être et de la pleine conscience, donnant au carême Govinden une modernité insoupçonnée.

Mais c’est peut-être dans sa dimension communautaire que le carême Govinden révèle sa spécificité mauricienne. Au-delà de la pratique individuelle, le carême Govinden est aussi un temps de communauté et de partage. Dans une île où le vivre-ensemble constitue un défi permanent, ces rassemblements prennent une dimension particulière. 

Dans les temples comme dans les foyers, les fidèles se réunissent pour prier ensemble, chanter et méditer, créant un réseau de solidarité qui transcende les clivages socio-économiques. Les cérémonies mettent systématiquement en avant la solidarité, la bienveillance et l’unité des croyants, transformant chaque temple en laboratoire du lien social. 

La fin du carême est célébrée dans la joie, avec des prières spéciales et des repas offerts aux proches et aux démunis. Cette conclusion festive révèle l’essence même de la spiritualité krishnaïte : la joie comme aboutissement naturel de la discipline spirituelle.

Car c’est là que réside peut-être la plus belle leçon de Govinden : honorer Krishna, c’est aussi honorer l’humanité dans son ensemble. Dans une époque marquée par l’individualisme et la fracture sociale, cette tradition millénaire rappelle que la quête spirituelle trouve son accomplissement dans le service d’autrui.

En observant les fidèles mauriciens durant le carême Govinden, on saisit comment une tradition vieille de plusieurs millénaires continue de nourrir l’âme contemporaine. Krishna, l’éternel jeune homme à la flûte, semble ainsi danser au rythme des préoccupations du XXIe siècle mauricien. Dans ses mélodies ancestrales, l’île trouve les accords d’une harmonie qui transcende les époques, prouvant que certaines sagesses traversent les siècles sans prendre une ride.

Govinden révèle Maurice sous un jour particulier : celui d’une société qui sait puiser dans ses racines spirituelles les ressources pour affronter les défis contemporains. Une leçon de sagesse que Krishna, du haut de ses cinq mille ans d’existence, continue de dispenser avec la même grâce juvénile.

 

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