
Ils sont nés après l’an 2000, hyperconnectés, réactifs et surtout intolérants à l’injustice. De Santiago à Katmandou, de Varsovie à Manille, la génération Z a secoué des gouvernements, fait vaciller des institutions et imposé de nouvelles valeurs politiques. Leur arme : la rue et les réseaux sociaux. Leur credo : la méritocratie, la transparence et la bonne gouvernance. Leur approche, souvent spontanée, a parfois viré à la confrontation. Mais partout où elle s’est levée, la jeunesse a marqué un tournant historique.
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Dans plusieurs pays, les mouvements menés par des jeunes ont renversé des régimes ou provoqué des réformes profondes. Au Népal, la « jeunesse des lampes torches » a défié la corruption enracinée, tandis qu’aux Philippines, les mobilisations contre les inégalités sociales ont redéfini le rapport entre dirigeants et citoyens. En Europe, les marches pour le climat ont accentué la pression sur les gouvernements pour des engagements concrets. Ces mouvements, bien que différents, portent un message commun : celui d’une génération qui refuse de subir.
Pour l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low, cette vague rappelle certains épisodes de l’histoire mauricienne : « La Gen Z ressemble un peu au mouvement de la grève estudiantine de mai 75. Si les jeunes sont très souvent silencieux, le mouvement qui sévit actuellement dans le monde démontre que parfois, c’est aux jeunes de prendre les choses en main et de faire un changement. »
Nous avons une population vieillissante, une jeunesse souvent à l’étranger pour ses études ou le travail, et sans oublier le fléau de la drogue qui touche une partie de cette génération»
Mais il souligne une différence de contexte : « À Maurice, les révolutions ne sont pas vraiment d’actualité, en raison d’une démographie particulière. Nous avons une population vieillissante, une jeunesse souvent à l’étranger pour ses études ou le travail, et sans oublier le fléau de la drogue qui touche une partie de cette génération. La plupart des pays qui ont connu des manifestations massives sont des pays jeunes à 80 %, souvent marqués par un passé révolutionnaire et une démocratie fragile. Chez nous, malgré le contexte difficile, notre démocratie fonctionne. »
Rupture idéologique
S’il reconnaît que le mouvement mondial de la Gen Z pousse vers plus de transparence et nourrit l’espoir d’une meilleure gouvernance, l’historien avertit aussi des effets secondaires : « Le mouvement lutte pour un changement, mais très souvent ce n’est pas la Gen Z qui prend les commandes. Les crises sociales et les perturbations nationales laissent parfois des séquelles invisibles. Il y a beaucoup d’inégalités à Maurice, où la jeunesse ne se retrouve pas, mais nous nous adaptons à une politique qui tourne en boucle. »
Pour l’avocat et militant Dev Ramano, ce mouvement s’inscrit dans une rupture idéologique plus large. Il évoque même le drapeau du manga One Piece, création d’Eiichiro Oda, devenu selon lui un symbole mondial de résistance face au clientélisme politique.
« La Gen Z, à travers son mouvement, a démontré que les jeunes peuvent décider de leur avenir et que le néolibéralisme n’est plus ce qu’il était autrefois. La plupart de ces pays ont connu des années de dictatures, de corruption et de crises sociales sans qu’aucune solution durable ne soit trouvée. Causer un changement dans le monde et sa politique, c’est bien, mais what’s next ? » analyse-t-il.
Pour lui, le vrai changement ne réside pas dans le remplacement des élites, mais dans la refonte du système lui-même : « Le changement, ce n’est pas remplacer nos hommes et femmes politiques par d’autres, mais apporter une vision claire, systémique, avec toutes les dimensions requises. À Maurice, nous avons nos jeunes, mais peuvent-ils provoquer un réel changement ? Seul l’avenir nous le dira. Avant de penser à des actes révolutionnaires, il faut d’abord restaurer la confiance envers nos institutions, nos travailleurs et mettre fin à cette barbarie longuement tolérée dans notre système. »
Au fond, la Gen Z n’est peut-être pas encore descendue dans les rues mauriciennes, mais elle façonne déjà les mentalités. Dans les campus, les bureaux et les espaces numériques, elle redéfinit les codes du débat, de l’engagement et de la responsabilité citoyenne.

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