
Face au gel des recrutements et à l’attente d’une nouvelle loi, les entreprises mauriciennes font face à des pénuries de main-d’œuvre, des pertes financières et des retards de production. Le secteur se mobilise, entre sous-traitance, formation et diversification, en attendant un cadre légal clarifié et éthique.
En attendant la publication de la nouvelle loi sur le recrutement des travailleurs, toutes les demandes via les agences sont suspendues. Pendant ce temps, les entreprises subissent les conséquences : retards dans la livraison, risque de perte de clients et baisse de compétitivité sur le marché international
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Nitish Rama, directeur de V Formula, entreprise textile orientée vers l’exportation, ne cache pas son inquiétude. « Cela fait plusieurs mois que j’ai fait une demande pour 25 travailleurs étrangers, notamment d’Inde et du Sri Lanka, mais je suis toujours bloqué », déplore-t-il. Entre-temps, sa compagnie perd des commandes importantes. « Nous avons 65 employés, mais ce n’est pas suffisant pour honorer toutes les commandes. Au lieu d’encourager les entreprises mauriciennes qui contribuent à l’économie, les autorités mettent des bâtons dans les roues », ajoute-t-il.
Selon Nitish Rama, le gouvernement avait promis un système « fast track » pour accélérer les procédures d’importation de main-d’œuvre étrangère. « Avant, même si cela prenait du temps, nous avions des travailleurs. Maintenant, il n’y a plus rien, et la situation ne fait qu’empirer », déplore-t-il .
Pour pallier ce manque de main-d’œuvre, Nitish Rama doit solliciter d’autres usines pour sous-traiter certaines commandes. « Mais la qualité n’est pas toujours assurée et cela coûte beaucoup plus cher. Cette situation met en péril la compétitivité de Maurice sur le marché international », souligne-t-il.
Un autre opérateur du secteur de la construction fait le même constat. « J’avais fait une demande pour une dizaine de travailleurs étrangers, mais l’agence avec laquelle je travaille m’a indiqué que les recrutements étaient suspendus jusqu’à la mise en vigueur de la nouvelle loi. Entre-temps, mes projets connaissent des retards, et je me retrouve avec des coûts supplémentaires et la perte potentielle de contrats », explique-t-il.
Le manque de main-d’œuvre ne concerne pas uniquement le textile ou la construction. Le secteur de la boulangerie est également en difficulté. Nasser Moraby, président de l’Association des propriétaires de boulangeries, avance que le secteur était déjà en tourmente avec l’augmentation constante des coûts et un prix du pain maison qui n’a pas été revu. Mais selon lui, le véritable casse-tête demeure le manque de main-d’œuvre. « Avec le gel des recrutements, beaucoup de boulangeries risquent de ne pas survivre. Récemment, trois boulangeries de l’Est ont fermé leurs portes. Les Mauriciens ne veulent pas travailler dans ce secteur, il faut donc trouver rapidement une solution », alerte-t-il.
Le ministre du Travail, Reza Uteem, indique que la nouvelle réglémentation sur le recrutement a déjà été approuvée au Cabinet et devrait être publiée « dans quelques jours ». Selon lui, le secteur a longtemps souffert de pratiques peu éthiques. « À mon arrivée, j’ai reçu de nombreuses critiques sur la façon dont les recrutements se faisaient, surtout pour les travailleurs étrangers. Beaucoup de travailleurs devaient payer, parfois en mettant en gage leur maison, pour venir travailler à Maurice. Ce n’est pas éthique », explique-t-il dans l'émission au Coeur de l'info mercredi.
La nouvelle législation introduira un code de conduite obligatoire pour tous les recruteurs. Les travailleurs devront connaître toutes les conditions de leur emploi : salaire, hébergement, horaires, mais aussi leurs recours en cas de problème. Elle obligera également les recruteurs à s’assurer que les travailleurs soient correctement formés pour le poste qu’ils occuperont.
Le ministre Uteem cite plusieurs dérives passées : infirmiers sans formation médicale, machinistes inexpérimentés dans le textile, ou Mauriciens surpris par le nombre d’heures travaillées sur les bateaux de croisière. « Cette loi vise à protéger les travailleurs, à clarifier les obligations des recruteurs et à sécuriser le marché du travail mauricien », insiste-t-il.
Des entreprises en attente de solutions rapides
Entre-temps, les entreprises continuent de subir les effets du gel. Les retards dans les commandes, la sous-traitance coûteuse et la perte de contrats créent un cercle vicieux qui affecte leur compétitivité et fragilise l’économie locale. Pour Nitish Rama, « le temps presse. Les entreprises mauriciennes qui contribuent à l’économie doivent pouvoir recruter rapidement pour rester compétitives. Chaque jour de retard représente une perte financière et un risque de clients perdus », dit-il.
Avec la publication imminente de la nouvelle loi, le gouvernement espère rétablir un cadre légal clair et éthique pour le recrutement de travailleurs étrangers et locaux. Cette mesure devrait non seulement protéger les travailleurs, mais aussi permettre aux entreprises de retrouver la main-d’œuvre nécessaire pour répondre aux besoins du marché.

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