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Gaza : un trésor archéologique sauvé in extremis d'une opération militaire israélienne

Près de 30 ans de fouilles archéologiques ont été déplacées jeudi d'un immeuble de Gaza-ville menacé par un bombardement de l'armée israélienne pour être mises à l'abri, selon l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem (Ebaf), chargée de ce depôt.

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"C'est une opération à haut risque, dans un contexte extrêmement dangereux pour tous les acteurs, c'est vraiment un sauvetage de dernière minute", a expliqué à l'AFP Olivier Poquillon, le directeur de l'Ebaf.

Mercredi matin, les autorités israéliennes somment l'Ebaf -institution académique réputée fondée par les frères dominicains à la fin du XIXe siècle - d'évacuer leur dépôt archéologique situé au rez-de-chaussée d'une tour d'habitation gazaouie qu'elles pourraient cibler sous peu, raconte à l'AFP le frère Poquillon

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne, n'a pas confirmé, mais plusieurs sources ont indiqué que la France (notamment à travers son Consulat général à Jérusalem), l'Unesco et le patriarcat latin de Jérusalem avaient été en première ligne pour voler au secours de ce trésor archéologique, permettant d'obtenir un répit de plusieurs heures afin de mettre à l'abri le fonds.

"Mais il n'y a quasiment plus d'acteurs internationaux sur place, il n'y a plus d'infrastructures, et donc il a fallu trouver des solutions, des moyens de transport et des ouvriers alors que plus rien ne fonctionne", décrit le frère Poquillon, sans vouloir révéler où les objets ont été mis à l'abri.

"On l'a fait dans la plus grande discrétion, d'abord avec le souci, en tant qu'organisation religieuse, de ne pas mettre en danger les vies humaines", précise-t-il alors que l'armée israélienne poursuit ses opérations dans Gaza-ville où elle détruit une à une, depuis une semaine, des tours d'immeubles utilisées selon elle à des fins militaires par le Hamas.

Le dépôt totalisait environ 180 mètres cube d'éléments collectés sur les cinq principaux sites archéologiques de la bande de Gaza, notamment le monastère Saint-Hilarion classé au patrimoine mondial de l'humanité.

Tous ces sites ont été endommagés, selon l'Ecole biblique qui s'inquiète de l'avenir de mosaïques "uniques", laissées à l'air libre, malgré leur fragilité.

"Très précieux" 

Car, rappelle le frère Poquillon, "c'est un patrimoine extrêmement ancien, très précieux pour la région, qui montre la succession et la coexistence de peuples, de cultures et de religions."

D'autant que des deux musées de la bande de Gaza, l'un a été totalement détruit et l'autre lourdement endommagé depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur Israël .

Selon plusieurs chercheurs avec lesquels s'est entretenu l'AFP, il ne reste dans le territoire que des vestiges, particulièrement vulnérables en raison des combats et des bombardements, et ce dépôt abritant des milliers d'artefacts.

Ce patrimoine avait commencé à être redécouvert dans le sillage des accords de paix israélo-palestiniens d'Oslo (1993).

En 1995, le tout nouveau service des antiquités de Gaza avait ouvert ses premiers chantiers archéologiques avec le concours de l'Ebaf.

Au fil des années ont notamment été mis au jour les vestiges de l'antique port grec d'Anthédon ou d'une nécropole romaine.

Les fouilles à Gaza  ont été freinées avec la prise de pouvoir du Hamas en 2007 et l'instauration du blocus israélien, avant de reprendre, notamment autour d'un projet du British council et de l'ONG Première urgence internationale (PUI).

"Forcément de la casse" 

Aujourd'hui, alors qu'Israël envisage une conquête de Gaza et que les négociations en vue d'un cessez-le-feu sont au point mort, la reprise des fouilles est un lointain horizon.

"On a sauvé une belle partie, mais dans un sauvetage, il y a forcément de la casse, et forcément des choix, il y aura toujours des regrets", rapporte René Elter, archéologue, associé à l'Ebaf et coordinateur scientifique du projet de PUI.

Il souligne que le dépôt archéologique est particulièrement important car des collections de trouvailles y avaient été classées de manière scientifique.

"Il y a beaucoup de choses qui ont été cassées ou perdues, qui avaient été photographiées ou dessinées, donc l'information scientifique est conservée", assure-t-il.

"Or peut-être que ce sera la seule trace qui restera de l'histoire de l'archéologie de Gaza, par des livres, des publications, dans des bibliothèques."

Si un inventaire précis est pour l'heure impossible, l'Unesco, en se fondant sur des images satellites, a déjà constaté des "dommages" sur 94 sites patrimoniaux dans la bande de Gaza, dont le palais du Pacha érigé au XIIIe siècle.

© Agence France-Presse

 

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