Des milliers de civils palestiniens ont une nouvelle fois fui le nord de la bande de Gaza en ruines où les bombardements et les combats au sol entre l'armée israélienne et le Hamas font rage, au moment où des pourparlers pour une trêve humanitaire ont lieu à Doha.
Publicité
Après plus d'un mois de frappes israéliennes meurtrières, en représailles à l'attaque sanglante menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre, plusieurs centaines de milliers de civils, selon l'ONU, restent piégés dans une situation humanitaire désastreuse dans le nord de la bande de Gaza.
En Israël, au moins 1 400 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre, selon les autorités, en majorité des civils tués le jour de l'attaque, d'une violence et d'une ampleur inédites depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948. En outre, 239 personnes ont été enlevées et sont retenues à Gaza.
Dans la bande de Gaza, les bombardements israéliens ont fait 10 812 morts, essentiellement des civils incluant 4 412 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Alors qu'Israël exclut tout cessez-le-feu sans la libération préalable des otages, les chefs du Mossad israélien David Barnea et de la CIA américaine Bill Burns ont discuté avec les responsables qataris à Doha d'une "éventuelle trêve humanitaire" dans le territoire, selon un responsable au fait des pourparlers.
La trêve verrait en change "la libération des otages et davantage d'aides entrant à Gaza", a dit à l'AFP ce responsable, sous couvert d'anonymat. "Les pourparlers ont bien progressé vers un accord", a-t-il ajouté.
Une source proche du Hamas à Gaza avait indiqué mercredi à l'AFP que des négociations menées par le Qatar portaient sur la libération de douze otages, parmi lesquels six Américains, en échange d'une trêve humanitaire de trois jours.
Le Hamas a également annoncé que son chef, Ismaïl Haniyeh, basé au Qatar, s'était rendu jeudi en Egypte pour des discussions avec le chef du service de renseignement égyptien, le général Abbas Kamel, sur Gaza où la situation humanitaire se dégrade de jour en jour selon les ONG.
"Pauses" quotidiennes
Jeudi, comme la veille, une foule d'hommes et de femmes à pied, portant leurs enfants dans les bras, les mains vides ou emportant de petits baluchons, ont envahi la route menant vers le sud, selon un journaliste de l'AFP.
Israël a ouvert pendant plusieurs heures un nouveau "couloir" d'évacuation, après le départ mercredi de 50.000 personnes fuyant les combats au sol dans le nord, notamment dans Gaza-ville.
Un porte-parole de la Maison Blanche a annoncé l'accord d'Israël pour "des pauses" quotidiennes "de quatre heures dans certaines zones du nord" de ce territoire.
Le terminal de Rafah, entre Gaza et l'Egypte, a lui rouvert jeudi pour permettre l'évacuation d'étrangers, de binationaux et de blessés bloqués dans le sud.
Israël bombarde sans répit le petit territoire depuis le 7 octobre et a juré "d'anéantir" le mouvement au pouvoir dans la bande de Gaza.
L'armée y mène aussi depuis le 27 octobre une opération terrestre qui a fait 35 morts dans ses rangs, resserrant son étau sur la ville de Gaza.
Opérant depuis quelques jours au coeur de la ville près du grand hôpital al-Shifa, l'armée a affirmé jeudi avoir "éliminé plus de 50 terroristes lors d'intenses batailles". Des "entrées de tunnels, des ateliers de fabrication de missiles anti-chars et des sites de lancement de roquettes anti-aériennes ont été détruites", a-t-elle ajouté. Selon l'armée, la zone abrite le "quartier militaire" du Hamas retranché dans un vaste réseau de tunnels souterrains.
Le région a subi de lourds dégâts. Mahmoud al-Masri, un agriculteur de 60 ans, a enterré à la hâte ses trois frères et ses cinq neveux dans son verger, avant de fuir sa maison de Beit Hanoun, dans le nord-est du territoire, près de la barrière de séparation avec Israël.
"Nous avons été contraints de les inhumer dans le verger car le cimetière se trouve dans la zone frontalière où les chars effectuent des incursions et la situation y est très dangereuse. Je transférerai les corps après la guerre", a raconté à l'AFP cet homme réfugié avec sa famille dans un hôpital de Khan Younès, une ville du sud de la bande de Gaza.
Lampes frontales
Un chirurgien du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Tom Potokar, a décrit une situation "catastrophique" à l'Hôpital européen de Khan Younès.
"Durant les dernières 24 heures, j'ai vu trois malades avec des asticots dans leurs blessures", a-t-il raconté à l'AFP.
Selon l'ONU, 1,5 million de personnes sur les 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza ont été déplacées par la guerre. Des centaines de milliers de réfugiés en détresse s'entassent dans le sud, où les réserves alimentaires baissent dangereusement, selon l'ONU.
Israël a cependant nié l'existence d'une "crise humanitaire" à Gaza, tout en reconnaissant les "nombreuses difficultés" auxquelles font face les civils alors que l'aide internationale arrive au compte-gouttes depuis l'Egypte via le terminal de Rafah.
De multiples appels à une trêve ont été lancés en vain pour permettre d'acheminer de l'aide à la population du territoire de 362 kilomètres carrés privée d'eau, d'électricité, de nourriture et de médicaments par le siège total imposé par Israël depuis le 9 octobre.
Dans le nord de la bande de Gaza, des centaines de milliers de personnes se trouvent toujours au nord du Wadi Gaza, le cours d'eau qui traverse le territoire d'est en ouest, "dans une situation humanitaire désastreuse", "luttant pour obtenir les quantités minimales d'eau et de nourriture nécessaires à leur survie", selon le Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha).
Les hôpitaux qui n'ont pas encore fermé manquent de médicaments et de carburant pour faire fonctionner les groupes électrogènes.
Le docteur Ahmad Mhanna, un médecin de l'hôpital Al-Awda de Jabaliya, a décrit une situation "triste et tragique". Dans la maternité, "les médecins utilisent des lampes frontales", tout comme au bloc opératoire, où les chirurgiens opèrent "sous anesthésie locale", faute d'électricité pour faire fonctionner le matériel nécessaire aux anesthésies générales.
"Crise de l'humanité"
Lors d'une conférence internationale humanitaire organisée par le président français, Emmanuel Macron, jeudi à Paris, l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a lancé un nouveau cri d'alarme.
"Le cauchemar que traverse Gaza aujourd'hui est plus qu'une crise humanitaire, c'est une crise de l'humanité", a-t-elle déclaré.
Le gouvernement israélien n'est pas représenté à cette conférence et les pays arabes n'y ont pas envoyé de représentant du plus haut niveau. Emmanuel Macron a appelé à "une pause humanitaire très rapide" et à "oeuvrer à un cessez-le-feu".
L'Egypte a dénoncé le "silence international sur les violations du droit" commises par Israël.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, où les violences se multiplient, 15 Palestiniens ont été tués jeudi lors d'un raid de l'armée à Jénine, selon le ministère palestinien de la Santé.
Selon des journalistes de l'AFP à Jénine, "des combats intenses" accompagnés de tirs et d'explosions ont été entendus pendant près d'une heure dans cette ville.
Au moins 170 Palestiniens ont été tués par des tirs de soldats ou de colons israéliens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, d'après l'Autorité palestinienne.
© Agence France-Presse
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !