À son âge vénérable, Anne Souavé est passée par bien des épreuves. Mère de dix enfants, elle a perdu deux nourrissons et plus tard le destin s’est de nouveau acharné contre elle. Elle a perdu une fille et un fils, âgés de 47 et 46 ans respectivement, emportés par la maladie.
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Le jour même où elle devait souffler ses 83 bougies, Anne Souavé a enterré son fils Gaëtan. Celui-ci était tombé dans la délinquance. Il a perdu la vie alors qu’il tentait de cambrioler un commerce à Sainte-Croix. Malgré la douleur et la tristesse qui l’accablent, l’octogénaire a su rester stoïque.
Assise dans son salon, Anne tente de comprendre. « Mo pa kone ki pe ariv mwa. Koma dir enn boul dan mo lestoma », lâche la vieille dame en pleurs. Il y a une soixantaine d’années, elle n’aurait pas imaginé passer par de telles tragédies.
« J’ai vécu et grandi à Bambous. À l’époque, je travaillais dans les champs », nous explique Anne. C’est à 21 ans qu’elle fera la connaissance de Simon, âgé, lui, de 19 ans. « Je l’ai rencontré à un mariage auquel je n’étais même pas invitée », se souvient-elle. Ce soir-là, Anne dit avoir accordé deux danses à Simon. « Alors qu’il m’invitait pour une troisième danse, il était temps de partir. Je lui ai donné un faux nom », ajoute-t-elle.
Finalement, c’est grâce à un ami que Simon avait pu revoir Anne. « Nous avons commencé à nous fréquenter et nous nous sommes mariés », poursuit Anne. Son époux était éboueur à la municipalité de Port-Louis. « Nous avons pu économiser sou par sou en participant à un ‘cycle’ et nous avons acheté un lopin de terre à Cité la Cure. »
Famille nombreuse
De leur union sont nés dix enfants. « Je me rappelle que j’ai eu d’abord trois filles, puis des garçons, dont Gaëtan. Malheureusement, j’ai perdu une fille alors qu’elle avait sept ou huit mois. Elle était malade. » Cela ne l’a pas empêché d’avoir d’autres enfants. Elle perdra un autre nourrisson. « Cette fois, c’était un garçon, le dixième enfant », nous dit-elle.
Malgré sa famille nombreuse, Anne est parvenue à s’occuper de tout le monde. « Ils n’ont pas fait de grandes études, mais ils ont su se débrouiller », reconnaît-elle.
En ce qui concerne Gaëtan, elle explique qu’il a étudié jusqu’à la troisième au cycle primaire. Mais en grandissant, dit-elle, il a eu de « mauvaises fréquentations ».
C’est à l’âge de 17 ans que le jeune Gaëtan a commencé à avoir ses premiers démêlés avec la police. Il s’était rendu coupable d’avoir participé à un vol commis avec l’aide d’un complice. Il avait pris deux ans de surveillance policière, sentence infligée par la cour intermédiaire. Ce chapitre dans la vie du jeune homme a marqué une autre étape dans la vie d’Anne, rythmée d’angoisse. Les frasques de Gaëtan dans les abords de Sainte-Croix et de Cite la Cure lui vaudront le surnom de Ti-demon.
Dix ans plus tard, Gaëtan continue à faire parler de lui. Il est l’auteur d’au moins quatre vols avec violence. Arrêté, il écopera d’une peine de prison de cinq ans. Après quelque temps à l’ombre, il revient de nouveau et ses ennuis avec la justice ne cessent de s’aggraver. « Monn fatige koz ar li », se lamente Anne.
En 2005, Gaëtan est envoyé en prison pour sept ans pour une affaire de drogue. « Sanla banla inn piez li. Li ti inosan », affirme la mère.
Anne fera face à deux autres drames familiaux. « J’ai perdu une de mes filles. Elle avait 46 ans. Je me rappelle lui avoir parlé au téléphone le matin de sa mort, elle était en bonne santé. Puis au cours de la journée, j’ai appris qu’elle avait été emportée par une trombose. Cela m’avait sérieusement affectée », nous dit-elle. Et quelques années plus tard, c’est un de ses fils âgé de 46 ans qui est mort. Une autre dure épreuve pour la vieille dame.
Mauvaises habitudes
À sa sortie de prison, Gaëtan avait repris une vie normale. Il habitait chez sa mère, mais les mauvaises habitudes ont la vie dure. En 2016, il est arrêté en deux occasions pour vol.
« C’était un fils attentionné. Quand il était à la maison, c’est lui qui m’aidait dans toutes les tâches ménagères », nous dit Anne. « Il me demandait seulement de l’argent. Je lui disais : ‘ Gaëtan je ne suis qu’une veuve et une retraitée. Je ne reçois qu’une pension’. »
Tout dernièrement, Anne raconte que son fils était allé chercher un boulot. « Il travaillait à la foire et a essayé de trouver de l’emploi chez un entrepreneur. On lui a demandé de passer un peu plus tard. » Et d’ajouter : « En décembre j’étais malade, j’ai cru mourir, mais Gaëtan était là pour m’aider. Il s’occupait de tout. »
Le 6 janvier dernier, Gaëtan a fêté ses 50 ans. « Il était content d’être à la maison pour son anniversaire après ses va-et-vient à la prison. On a passé un bon moment », se remémore l’octogénaire.
Le 12 janvier devait être un autre jour mémorable pour Anne. Après l’anniversaire de Gaëtan, elle fêtait ses 83 ans. Mais alors que ses proches lui préparaient une surprise, c’est un tout autre scénario qui s’est joué. Le matin de ses 83 ans, elle a appris que son fils avait été passé à tabac jusqu’à la mort alors qu’il s’était introduit dans le restaurant des frères Leung Fook Sen à Sainte-Croix. « Malgré tous ses défauts, il restait une personne sur qui je pouvais compter », pleure désormais Anne.
Le dernier casse de Ti-demon
Ti-demon a été surpris aux petites heures de vendredi par Alex et Marlen Leung Fook Sen, âgés de 65 et 68 ans respectivement. L’intrus avait pénétré dans le restaurant des deux frères, à la rue Canal Bathurst, Sainte-Croix. Aux dires de ces derniers à la police, Ti-demon était venu pour les voler. Muni d’une barre de fer, l’intrus aurait essayé de se débarrasser des deux frères, mais à la place, il s’est fait tabasser par les deux hommes qui avaient été alertés par le bruit. La police criminelle a procédé à l’arrestation des deux hommes. Marlen Leung Fook Sen a été inculpé provisoirement de meurtre alors que son frère a été admis à l’hôpital pour recevoir des soins après avoir été blessé en essayant de maîtriser le voleur.
L’autopsie a révélé que Gaëtan Souavé a succombé à une hémorragie causée par des coups reçus au visage.
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