Interview

Gaëtan Siew, président du Port-Louis Development Initiative (PLDI) : «L’abandon de Heritage City aidera Port-Louis»

Gaëtan Siew

Le président du PLDI a présenté le projet de développement public-privé pour  Port-Louis en Espagne et a été primé pour cela. Il explique les détails de ces changements qui visent à refaçonner la capitale.

Publicité

Le projet de modernisation de Port-Louis a été récompensé en Espagne récemment. De quoi s’agit-il ?
Un congrès mondial pour les Smart Cities se tient tous les ans à Barcelone. Les organisateurs ont pensé qu’il serait bien de tenir un congrès pour les îles. J’étais invité indépendamment de la délégation de la mairie de Port-Louis. Le fait que le projet mêle à la fois les initiatives du gouvernement et du privé a fait la différence. Autre atout : notre réelle volonté d’être international, c’est-à-dire ouvert sur le monde. Maurice regarde l’Afrique et l’Asie et un peu partout. Cette volonté est inscrite dans notre ADN. Ce que nous pouvons exporter, ce sont les idées. On a présenté ce projet de Port-Louis comme un laboratoire pour tester des idées et les exporter ailleurs.

Vendre aux gouvernements du continent africain donc ?
Vendre au privé. Exemple : il existe des espaces de parking privé en plusieurs lieux à Port-Louis. Admettons qu’un jeune Mauricien crée une application qui reliera tous ces parkings entre eux et dira en temps réel combien d’espaces libres compte chaque parking. L’utilisateur, de son Smartphone, pourra réserver un parking et payer en direct avant même de sortir de chez lui. 40 % du trafic à Port-Louis sont constitués de gens qui cherchent un espace pour se garer. Une telle idée pourrait être exportée dans le monde.

En quoi consiste votre rôle au milieu de tous ces projets, dont celui de Port-Louis?
L’État joue son rôle avec la réalisation d’infrastructures routières et de trottoirs, etc. D’un autre côté, les propriétés privées gagneraient en valeur si les ordures étaient ramassées comme il se doit, s’il n’y avait plus de marchands ambulants et ainsi de suite. Le rôle du PLDI, c’est de coordonner les projets du privé à ceux du gouvernement. Les rues appartiennent au gouvernement, mais le secteur privé possède des terrains qui donnent sur ces rues. Le gouvernement n’a peut-être pas le budget pour transformer ces rues. Là où le PLDI peut jouer un rôle, c’est en contactant les 20 propriétaires de cette rue, leur demander de financer le projet qui bénéficiera à leur business.

Globalement, quelle est la vision du privé et du public pour la capitale ?
D’abord, quand le gouvernement a pris la décision de ne pas réaliser Heritage City, cela a redonné espoir et courage aux propriétaires portlouisiens. Si tout le monde allait à Ébène et Bagatelle, pourquoi investirait-on à Port-Louis ? Le deuxième élément essentiel a été le métro léger qui connectera toutes les zones urbaines à Port-Louis. L’accès à la capitale en serait facilité et cela encouragerait beaucoup d’activités. Business will be much better in Port-Louis. L’abandon de Heritage City et le métro aideront Port-Louis.

«Nous avons proposé d’encourager la construction ou le réaménagement d’appartements à la portée des jeunes. Ils coûteront Rs 3 millions ou moins.»

Heritage City n’est plus, mais le gouvernement a toujours le projet de Highlands...
C’est autre chose. Cela ne veut pas concurrencer Port-Louis. Il s’agit d’un projet qui a une vocation plus sportive et résidentielle.

Tous ces projets ressemblent beaucoup à ce que vous proposiez quand vous  présidiez la SLDC. S’agit-il d’une continuation des mêmes idées ?
Ces idées ont peut-être mis du temps à convaincre les gens. Deux ans après, cinq ou six Smart Cities ont reçu leur certificat. Regardez autour de vous : les choses bougent. La gare Victoria est appelée à grandir, accueillant à la fois le métro, les bus et des milliers de parkings pour les automobilistes. Ce ne seront plus les 100 000 passagers actuels, mais bien plus qui redonneront vie à ce lieu. L’autre signal fort envoyé par le gouvernement : la construction de la nouvelle Cour suprême à Port-Louis. Cela signifie que tout le judiciaire demeurera à Port-Louis. Toutes les professions associées, notaires, avoués resteront dans la capitale et cela renforcera son rôle.

Vous dites qu’il y aura plus de gens à Port-Louis. N’est-ce pas là le problème au départ ?
Il n’y aura pas que Port-Louis. N’oubliez pas qu’il y aura cinq Smart Cities avec d’autres activités. Le PLDI veut inciter les gens à habiter Port-Louis. Si on travaille et on habite en même temps à Port-Louis, plus besoin de se déplacer en voiture ou en bus. Il y a 25 ans, sa population s’élevait à 180 000. Elle est retombée à 140 ou 150 000. Si on pouvait y attirer 20 000 jeunes, ce serait suffisant pour animer la ville 24/7.

On parle souvent de logement pour les jeunes et on propose des appartements à Rs 4 M ou plus. Les promoteurs réalisent-ils que les jeunes de la classe moyenne ne disposent pas de ces sommes ?
Je suis d’accord, c’est trop cher. Le PLDI a émis une série de recommandations budgétaires pour régénérer Port-Louis. Nous avons proposé d’encourager la construction ou le réaménagement d’appartements à la portée des jeunes. Ils coûteront Rs 3 millions ou moins. Parmi les projets : le Caudan construit son théâtre, Eclosia bâtit son aquarium, United Docks a son projet PDS. Autant de signes qui montrent que le privé a repris espoir.

Concrètement, quels sont les projets que le PLDI peut réaliser avec les autorités ?
Des pourparlers ont eu lieu avec Mauritius Telecom pour l’aménagement de ses 48 points Wi-Fi et la connexion à nos projets. De nombreux propriétaires de bâtiments veulent travailler avec le PLDI pour redynamiser la ville. Les rues piétonnes, par exemple. Vous aurez trois points de parking au Champ-de-Mars, à la gare Victoria et la place de l’Immigration. Ce sera une offre de 3 000 espaces parking. Ce qui permettra de supprimer les parkings, comme à la rue Labourdonnais, pour réserver cet espace à une ligne d’autobus circulaire reliant ces trois points de parking. Les compagnies UBS et Rose-Hill Transport sont déjà intéressés. Le ticket du parking vous donnera accès à ces petites navettes qui feront le tour de la ville. Au cœur de la cité, on pourra aménager des rues piétonnes ou limiter la vitesse à 10km/h pour décourager la circulation automobiliste. Nous négocions pour le lancer sur 100 ou 150 mètres près de la Jummah Mosque, dans la zone de l’Aapravasi Ghat. Autant de projets que nous lancerons dans les 12 premiers mois.

La consultation avec les habitants fait l’objet de controverses dans ce genre de projet. Le PLDI a-t-il fait l’effort de consulter les Portlouisiens ?
Les opérateurs privés ont été contactés. Les compagnies, les magasins, etc. Il est difficile de mettre tout le monde d’accord. C’est pourquoi, il importe de lancer des petits projets visibles qui convaincront les gens. Nous avons déjà sondé près de 3 000 personnes.

Que vous a enseigné ce sondage ?
D’abord, il nous a confirmé ce qu’on savait déjà sur les problèmes de Port-Louis. Nous avons appris deux ou trois autres choses. Que 56 % des jeunes entre 25 et 38 ans seraient prêts à vivre à Port-Louis. Ils font partie du Middle Income Group. Il y a donc un intérêt. C’est l’offre qui manque.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !