
Le ministère de l’Éducation lance un appel à la réintroduction de composantes structurées de lecture et de calcul dans les écoles maternelles. Une initiative qui relance le débat sur les méthodes pédagogiques au préscolaire : faut-il revenir à des bases plus académiques ou préserver une approche centrée sur le jeu et le développement global de l’enfant ? Le dialogue s’annonce animé.
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«Honorable Minister emphasized the urgent need to reintroduce structured components of Numeracy and Literacy in Pre-Primary Schools operating under the purview of the ECCEA. » Cette déclaration contenue dans une lettre officielle adressée la semaine dernière aux responsables des écoles maternelles relance le débat sur l’approche pédagogique au préscolaire. Cet appel à réintroduire des composantes structurées de lecture et de calcul a surpris plus d’un acteur du secteur.
La lettre, signée par Devika Gunness, responsable de l’Early Childhood Care and Education Authority (ECCEA), invite les directeurs d’écoles maternelles à encourager leur personnel à suivre un cours de remise à niveau au Mauritius Institute of Education (MIE). Celui-ci porte sur des « stratégies pédagogiques adaptées à l’âge et axées sur le jeu pour enseigner la lecture et le calcul, en accord avec les meilleures pratiques internationales ».
Cependant, plusieurs responsables d’écoles s’interrogent : « Pourquoi réintroduire quelque chose qui se fait déjà au sein de nos écoles à travers le National Curriculum Framework (NCF) qui a été revu l’année dernière et connu comme le National Curriculum Framework Pre-Primary 2024 (3-5 Years) ? »
« Déjà en place »
Dans les milieux concernés, on déplore le manque de visites ayant trait à la pédagogie, de la part des Coordinators et des Assistant Coordinators dans les cinq unités qui gèrent les établissements. « Si les visites avaient été faites comme il se doit, les responsables auraient su que c’est déjà en place », souligne la manager d’une école de la capitale.
Elle ajoute que les enfants qui sortent du préscolaire ont suivi tout le programme pédagogique voulu. D’ailleurs, dit-elle, ils arrivent en Grade 1, avec le Development Learner Profile (DLP) qui est un document montrant les forces et les faiblesses de l’enfant. Il est conçu pour fournir un résumé du progrès et du développement de l’enfant au cours des années 1 et 2 de l’éducation pré primaire. Il propose une vue d’ensemble générale et globale, basée initialement sur une évaluation thématique systématique, suivie d’un examen couvrant tous les domaines d’apprentissage.
Pour justifier cette démarche, le ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, pointe du doigt un problème récurrent : « Certains écoliers quittent l’école primaire sans savoir lire et écrire. Après analyse, nous pensons que cela vient du préscolaire. Certaines familles peuvent donner ces bases à leurs enfants, mais d’autres non. Il faut donc que les puéricultrices s’assurent que tous les enfants apprennent ces fondamentaux. » Il admet toutefois que l’apprentissage à travers les jeux ne doit pas être pour autant négligé.
Reedha Rajendra Coomar, ancien responsable de l’ECCEA, souligne qu’il est temps de renforcer les fondements de l’éducation préscolaire afin de mieux préparer les enfants à leur avenir scolaire et social. « Le préscolaire ne se limite pas à une simple initiation aux apprentissages académiques. Il doit être un environnement stimulant où l’enfant explore, crée, interagit et développe sa personnalité », explique-t-il.
Approche holistique
Il souligne qu’aujourd’hui, les spécialistes de l’éducation s’accordent à dire que la pédagogie traditionnelle, axée sur l’apprentissage du « lire, écrire et compter », ne suffit plus. Il faut désormais aller plus loin et adopter une approche holistique, qui tient compte tous les aspects du développement de l’enfant : physique, cognitif, social et émotionnel.
Il rappelle que depuis l’introduction de l’Early Childhood Care and Education (ECCE) en 2005, Maurice a connu une transformation importante des 45 dernières années, appuyée par des partenaires comme l’UNICEF, la Banque mondiale, l’Inde, la France et le Danemark. Ce virage éducatif a permis la mise en œuvre du National Curriculum Framework en 2010. « Ce cadre pédagogique a permis de standardiser les apprentissages et d’introduire une approche structurée, en phase avec les meilleures pratiques internationales », souligne Reedha Rajendra Coomar.
« C’est grâce à ces collaborations que nous avons pu créer une structure éducative mieux adaptée aux réalités locales et aux besoins de nos jeunes enfants », rappelle-t-il. Les avancées en neurosciences confirment l’impact des premières années de vie sur l’architecture cérébrale de l’enfant. L’environnement éducatif joue un rôle-clé dans son développement, influençant son apprentissage et ses comportements futurs.
Reedha Rajendra Coomar ajoute que « la qualité des expériences vécues par l’enfant durant ses cinq premières années aura une incidence directe sur sa capacité à apprendre et à interagir avec son environnement ». D’où l’importance, dit-il, de proposer des programmes qui encouragent la découverte, la créativité et le développement émotionnel.
Rs 2 750 par enfant
Lors de la présentation du Budget 2025-26, il a été annoncé que le financement de l’enseignement préprimaire serait revu. Si aucun détail précis n’a encore transpiré, le per capita grant sera, semble-t-il, de Rs 2 750 par enfant. Une déclaration du ministre Mahend Gungapersad est attendue à ce sujet. Pour mémoire, l’éducation gratuite au préprimaire est en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Les parents n’ont pas de paiement à faire pour les activités extracurriculaires pendant les heures de classe qui s’étalent de 8 h30 à 15 heures.
Le Pedagogical Project on Grocery en suspens
Autre initiative éducative attendue : le lancement du projet « Pedagogical Project on Grocery ». L’ECCEA comptait lancer ce projet en novembre 2024. Mais cela ne s’est pas fait. Il devait être alors introduit dans toutes les écoles préprimaires en janvier 2025. Ce programme vise à initier les enfants aux concepts des mathématiques et des achats. Il nous revient que tout l’aspect de la présentation – à savoir des photos et une vidéo – est déjà prêt et attend d’être lancé.

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