Raj Dayal a été poussé à la démission par le Premier ministre. SAJ a agi après avoir pris connaissance, mardi matin, de l’existence d’une bande sonore qui implique l’ex-ministre dans une affaire de demande de faveurs à un homme d’affaires. L’Icac a déjà mené plusieurs perquisitions.
Raj Dayal perd son siège de ministre à peine 12 heures après qu’une déposition eut été faite contre lui par l’homme d’affaires Saheed Nawab Soobhany à l’Independent Commission against Corruption (Icac). Mercredi, à la mi-journée, il a dû démissionner de son poste de ministre de l’Environnement à la demande du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth (SAJ). Une mise à pied temporaire « le temps que l’Icac mène et termine son enquête dans cette affaire », souligne le Bureau du Premier ministre.
Dix-neuf ans après avoir été révoqué comme commissaire de police par SAJ, Raj Dayal est une nouvelle fois incité à faire ses valises par le même SAJ. Mais, il y a une grosse nuance. Le PM a opté pour un « remplaçant temporaire » en la personne d’Alain Wong, déjà ministre de la Fonction publique. Si Raj Dayal est trouvé innocent, il pourra éventuellement retrouver son siège de ministre. « Nous évitons ainsi que Raj Dayal ne décide de démissionner de toutes ses fonctions. Nous nous retrouverions avec une partielle dans la circonscription Flacq-Bon Accueil (No 9) et nous ne voulons pas de ça », confie un cadre du Mouvement socialiste militant (MSM).
La commission anti-corruption a, pour sa part, déjà commencé à enquêter dans cette affaire dans le cadre de son enquête préliminaire. Les enquêteurs sont en train d’éplucher les documents saisis au ministère de l’Environnement et au ministère du Logement et des Terres lors d’une descente des lieux mercredi.
Une des prochaines étapes serait l’interrogatoire de la secrétaire confidentielle de Raj Dayal pour vérifier s’il a bien rencontré Saheed Nawab Soobhany à son bureau lundi et mardi matin.
L’Icac devrait aussi s’intéresser à ceux qui avaient accompagné Raj Dayal pour une visite à Gros-Cailloux pour y rencontrer l’homme d’affaires. C’est pour les besoins d’un morcellement dans ce village que Saheed Nawab Soobhany avait besoin d’un permis Environmental Impact Assessment (EIA). Il nous revient que Raj Dayal pourrait être sommé de se rendre à l’Icac d’ici le début de la semaine prochaine.
Rencontre
Au départ, la commission anti-corruption voulait prendre Raj Dayal la main dans le sac lors d’une rencontre qui devait avoir lieu entre les deux hommes au domicile de l’ex-ministre à 17 h 30 mercredi. Or, l’avocat de Saheed Nawab Soobhany s’y est opposé, estimant que trop de gens étaient déjà au courant. L’opération pouvait donc capoter. Toute l’affaire a éclaté mardi après-midi quand le promoteur immobilier s’est rendu à l’Icac, accompagné de son homme de loi, pour y déposer un enregistrement. Sur cette bande sonore, on peut entendre une conversation d’une dizaine de minutes entre Saheed Nawab Soobhany et une personne que ce dernier a affirmé être Raj Dayal. Le businessman soutient que son projet de morcellement est bloqué depuis trois ans, faute du permis EIA. « C’est moi qui approuve le EIA. Mwa ki get sa (…) Pena problem, mo pou trouv enn solision pou twa », répond son interlocuteur. Saheed Nawab Soobhany avance qu’il n’a pas d’argent disponible, mais peut offrir un terrain. Son interlocuteur lui répond alors qu’il ne « veut pas de terrain ». « Je ne veux rien. Je fais des activités politiques. (…) Tu dois soutenir. Pou fet Holi, mo bizin 50 bal kouler (…) Sa ban zafer la to bizin finanse », peut-on entendre sur la bande. Ayant pris connaissance du contenu de cet enregistrement par le biais de la presse, SAJ a donc décidé de demander à Raj Dayal de step down en attendant que les conclusions de l’enquête. Dans un communiqué émis mercredi, le Premier ministre a réitéré « sa foi dans les institutions du pays » et rassure la population que « la justice et la vérité primeront en toutes circonstances ».Réactions
Bérenger : « Le pays est sous le choc » Le leader de l’opposition n’a pas tardé à réagir après l’éclatement de l’affaire Dayal. Il a tenu une conférence de presse dans l’après-midi, réclamant la démission des ministres Raj Dayal et Vishnu Lutchmeenaraidoo. Paul Bérenger estime que Maurice « veut déjà se débarrasser de l’alliance Lepep ». « Le pays est sous le choc après avoir entendu la bande sonore », a-t-il déclaré. Selon le leader du MMM, « c’est la première fois que la population entend de tels propos venant d’un ministre ». Paul Bérenger a aussi réclamé la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo. « Là où en est le pays, je ne suis pas en faveur d’élections partielles », a-t-il dit à la presse. « Le pays est mûr pour changer de gouvernement. » Roshi Bhadain : « Le gouvernement sera intransigeant » « Raj Dayal a step down à la demande du Premier ministre. Il a eu la bonne réaction », estime le ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain. Ce qui est, selon lui, tout à son honneur. Il ajoute que le gouvernement fait tout dans la transparence. « Nous serons intransigeants. Nous avons promis au peuple de nettoyer le pays. Avec sir Anerood Jugnauth, nous allons continuer le travail pour que le pays devienne une plateforme propre et saine.. » Jack Bizlall : « Je salue le courage de celui qui a enregistré la conversation » « Comment Raj Dayal a-t-il pu être candidat aux dernières élections générales ? Nous sommes un des rares pays à avoir nommé un ancien commissaire de police ministre. Il est un homme autoritaire. Un militaire. Je tiens donc à saluer le courage de celui qui a eu l’audace d’enregistrer la conversation qu’il a eue avec lui et la faire diffuser sur une radio (que je félicite au passage pour avoir osé diffuser cette bande sonore). Dans pareille situation, bien souvent, personne ne veut prendre une telle responsabilité. Tout le monde pensait qu’avec le MSM au pouvoir en 2014, il y aurait eu un changement en ce qu’il s’agit de la corruption et de passe-droit. Il y a eu l’affaire MedPoint, Lutchmeenaraidoo et maintenant Dayal », dira le syndicaliste. Alan Ganoo : « Une accusation sérieuse contre un ministre » « Il semblerait qu’il y ait un prima facia evidence contre le ministre Dayal. La bande sonore que nous avons pu entendre est accablante. Il n’avait d’autre choix que de démissionner, d’autant que le Premier ministre lui-même lui a demandé de step down. Au-delà de l’aspect juridique de l’affaire, il y a le côté éthique, moral et professionnel où une accusation sérieuse a été faite contre un ministre. Il faut laisser la commission anticorruption faire son travail. A la lueur de ce qu’elle découvrira, il appartiendra au Premier ministre de prendre la décision de le réintégrer ou pas. » Anil Bachoo : « Je n’ai jamais vu autant d’arrogance » « Raj Dayal est peut-être mon adversaire politique, mais c’est triste qu’il ait eu à démissionner. La question que l’on doit se poser est la suivante : pourquoi Dayal et pas Lutchmeenaraidoo ? Les deux auraient dû s’en aller. Il faut aussi toujours avoir en tête qu’il ne faut pas violé la confiance dont vous témoigne le peuple. En politique, il faut avoir l’esprit de service et de l’humilité si l’on que le pouvoir reste entre ses mains. Ce qu’on a vu, c’est qu’il y a une politique de vengeance qui a été menée par ce gouvernement. En 38 ans de carrière politique, je n’ai jamais vu autant d’arrogance. » Pravind Jugnauth, leader du MSM : « Nous sommes solidaires de lui » « C’est une bonne décision qui a été prise, vu la teneur des allégations formulées contre Raj Dayal. D’ailleurs, cela permettra de ne pas gêner l’enquête qui est en cours. Il pourra fournir toutes les explications nécessaires. Je souhaite que l’enquête se fasse dans les plus brefs délais. J’ai pu lui parler depuis que j’ai vu des articles publiés dans les médias. Je ne vais pas divulguer la teneur de notre conversation, mais je lui ai bien entendu demandé la raison de ces allégations. Nous sommes solidaires envers lui. Nous faisons confiance aux institutions. » Navin Ramgoolam : « Pourquoi Lutchmeenaraidoo est resté ? » « La décence veut que Monsieur Dayal démissionne. Je m’interroge, toutefois, sur la raison qui fait que Vishnu Lutchmeenaraidoo soit resté. » Xavier-Luc Duval espère une enquête rapide « Je fais entièrement confiance aux institutions du pays qui doivent travailler en toute indépendance. J’espère que l’enquête va se faire rapidement. Entre-temps, le travail doit continuer ». Philippe Hardy, de Transparency Mauritius : « Envoyer un signal fort » « Je crois qu’il est important que les choses se fassent rapidement pour envoyer un message fort. C’était la bonne chose à faire pour lui de démissionner. Un ministre est un représentant de l’État et il faut protéger l’intégrité de l’État. Il devait démissionner rapidement et c’est bien qu’il l’ait fait. Pour la suite, il faut restaurer la moral avec toutes ces affaires que nous avons entendues ». Ashok Subron : « La corruption qui touche la politique exposée » « Les informations sur la bande sonore témoignent du fléau de la corruption qui touche la politique et le processus démocratique d’un pays. Elles mettent en exergue la relation malsaine qui existe entre l’argent, les businessmen et le pouvoir politique. Ce qui se passe en ce moment vient donner raison à des mouvements, comme Rezistans ek Alternativ, qui affirment, depuis plusieurs années, qu’il faut une séparation totale entre pouvoir économique, politique et sociétés socioculturelles. »Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !