Après chaque changement de gouvernement, l’une des premières institutions à être restructurée est la fonction publique. Le Premier ministre amorce ainsi une nouvelle ère en réorganisant les postes stratégiques pour placer des hauts fonctionnaires de confiance aux commandes. Cette transition, bien que courante, entraîne des bouleversements notables : les favoris du régime actuel montent en grade, tandis que les fonctionnaires associés à l’ancien pouvoir sont mis à l’écart.
Comme il est de coutume, dès son installation au Bâtiment du Trésor, le nouveau Premier ministre, Navin Ramgoolam, va donner la priorité à la nomination du Chef du Service civil et Secrétaire au Cabinet, un poste clé à la tête de la fonction publique. « C’est la pièce maîtresse du grand remaniement. Seul le Chef du cabinet a le pouvoir d’autoriser les transferts et les promotions. Il travaillera en premier lieu sur ces listes, principalement en fonction des demandes du Premier ministre et des ministres. Traditionnellement, beaucoup d’entre eux privilégient le choix de leurs Permanent Secretary et Deputy Permanent Secretary », explique un ancien Senior Chief Executive (SCE). Quant au poste de SCE, il précise que le choix est souvent limité, car ils ne sont qu’une demi-douzaine, et sont destinés à diriger les grands ministères.
Dans la fonction publique, on se demande si Navin Ramgoolam va déroger à la règle « d’un haut fonctionnaire de confiance » à « un fonctionnaire performant sans aucune couleur politique apparente » pour le poste de Chef du Service civil et Secrétaire au Cabinet. Si c’est le cas, le nouveau Premier ministre va devoir choisir entre les SCE, nommément Devi Chand Anandi Rye Seewooruthun, qui était affectée au PMO lorsqu’il était Premier ministre, Maheswaree Naraini Madhub, Moheenee Nathoo, Mohammad Salim Ferhat Joomun, Dr Dhanandjay Kawol et Mohummad Shamad Ayoob Saab.
Le Premier ministre va donc d’abord se concentrer sur les postes clés de la fonction publique :le Secretary for Home Affairs, le Financial Secretary, le Secretary for Public Service, le Secretary PSC & DFSC, et le Secretary to the President. Par la suite, environ une vingtaine de promotions et de transferts de masse affectant les Deputy Permanent Secretaries, Permanent Secretaries, et Senior Chief Executives devraient suivre. Selon les estimations de cet ancien haut fonctionnaire, cette grande réorganisation pourrait avoir lieu d’ici la fin de la semaine.
Incertitudes et attentes
Les hauts fonctionnaires qualifient souvent les premiers jours suivant l’installation d’un nouveau gouvernement de « phase du grand inconnu ». « Nous devons nous préparer à tout, qu’il s’agisse de promotions, de mise à l’écart, ou de transferts », confie un haut fonctionnaire au Défi Quotidien. Un autre ajoute : « Lorsqu’un nouveau gouvernement prend le pouvoir, la gestion de la fonction publique passe entre les mains de personnes de confiance. Elles deviennent les incontournables du service. »
Cependant, plusieurs voix s’élèvent pour déplorer que cette étape cruciale ne suive pas les principes de méritocratie. Certains dénoncent une période marquée par des injustices, profitant à ceux qui entretiennent des relations « incestueuses » avec des politiciens. « Ces hauts fonctionnaires se positionnent pour obtenir les meilleures promotions, souvent au détriment de collègues méritants », s’indignent plusieurs fonctionnaires. Ils estiment que cette pratique se fait au détriment des fonctionnaires honnêtes et intègres qui, eux, se tiennent à distance de l’influence politique et servent loyalement tous les gouvernements.
La situation se complique lorsqu’il s’agit d’un exercice de « zet labou » où des fonctionnaires proches du pouvoir en place prennent des mesures de représailles contre certains collègues, particulièrement dans les processus de promotion.
Des cas marquants
L’histoire récente regorge d’exemples de promotions accélérées dans la fonction publique. En janvier 2015, après l’accession au pouvoir de l’alliance Lepep, Nayen Kumar Ballah, cousin de Lady Sarojini Jugnauth, a été nommé Secretary for Home Affairs, puis Secrétaire au Cabinet et Chef du Service civil en septembre 2016.
Un autre cas souvent cité est celui de Premode Neerunjun, qui a gravi les échelons de manière spectaculaire pour atteindre le poste de Chef du Service civil et Secrétaire au Cabinet. Lorsque Pravind Jugnauth est devenu Premier ministre en 2017, Neerunjun a été promu Permanent Secretary, « en surpassant une quinzaine de Deputy Permanent Secretaries sur la liste de l’ancienneté ». Par la suite, il a rapidement accédé au rang de Senior Chief Executive avant d’atteindre le sommet en janvier 2023, succédant à Nayen Kumar Ballah. Ce dernier, après sa retraite, a bénéficié d’un contrat en tant que Senior Advisor auprès de Pravind Jugnauth.
Cette situation soulève des interrogations sur les critères de promotion et d’avancement au sein de la fonction publique, dans un contexte où la méritocratie semble souvent céder le pas à des alliances politiques. Ce climat de défiance, voire de frustration, semble devoir perdurer tant que le recrutement et les promotions demeureront influencés par les affinités politiques.
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