À la voir derrière les fourneaux, nul ne se douterait que Leela, âgée de 70 ans, est une « die-hard » d’un parti politique. Pourtant, cela fait des années qu’elle baigne dans cet univers. Rencontre avec une fervente partisane qui clame haut et fort qu’elle prêtera toujours allégeance au parti qu’elle soutient depuis des années.
Plus que quelques jours avant les élections générales. Dès leur annonce, les partis politiques ont enclenché la machinerie de séduction pour rallier le maximum d’électeurs à leur cause. Si les candidats des 20 circonscriptions de l’île poursuivent leur porte-à-porte, brandissant un éventail de promesses, les agents politiques, eux, font pousser des « baz » comme des champignons dans les villes et villages. Leela, 70 ans, en fait partie.
La « baz » qu’elle a fait installer devant sa maison grouille d’agents et de volontaires depuis quelques jours. Ils sont là pour assister aux réunions nocturnes qui s’y tiennent. Leela confie que c’est son époux Raj, un ex-commerçant, qui a mis cet espace à la disposition des partisans. La première fois qu’ils ont installé une « baz » devant leur domicile remonte à 1998. C’était à l’occasion d’une élection partielle.
Depuis, la « baz » arbore à chaque élection les couleurs du parti qu’elle représente, qu’il s’agisse de villageoises, de partielles ou de législatives. En véritable passionnée de politique, Leela qui habite un petit village lointain avoue que c’est elle qui a entraîné son mari dans cet univers après leur mariage. « Monn amenn li get enn meeting. Depi sa li swiv mwa », explique-t-elle avant d’éclater de rire. Raj, âgé de 72 ans, acquiesce timidement en hochant la tête avant de lancer un sourire à sa femme.
Dans une poêle en fonte noircie par le temps, Leela fait frire des « bajjas » qui grésillent dans l’huile chaude. Ces beignets, elle en fabrique par centaines depuis le Nomination Day. Sans doute attiré par le doux fumet émanant de la cuisine, Raj s’approche, accompagné d’un agent. Leela leur remet un gros bol de « bajjas » et un autre contenant de la salade. Les deux hommes prennent la direction de la « baz » pour assister à la réunion avec le chef des agents et des bénévoles.
Leela, quant à elle, se lave les mains. Puis elle s’installe confortablement dans un sofa pour regarder la télé. Sur l’écran défilent, tour à tour, des candidats qui adressent leurs discours à la population. La
« die-hard », qui baigne dans la politique depuis qu’elle a 13 ans, n’en rate pas une miette. Pour ce qui est de cette tradition consistant à offrir un repas, à titre personnel, aux agents et candidats du parti qu’elle défend, elle indique qu’elle ne date pas d’hier.
Qu’y-a-t-il en général au menu ? Leela répond que cela dépend des jours et de ce qu’elle a en cuisine. « Me kot mwa toultan meni legim akoz nou vezetarien. Lerla bann azan ki vini amenn zot gajak ek zot boutey. » Mais s’il y a un de ses mets qui trouve grâce aux yeux des agents c’est son fameux assortiment de curry accompagné de « faratas » fraîchement cuisinés.
Depuis qu’elle est membre du parti politique qu’elle soutient, la septuagénaire confie qu’elle a accueilli et nourri chez elle pas mal de gens, des vieux aux plus jeunes. Elle précise, en souriant, qu’elle n’entend pas s’arrêter de sitôt. Mais elle concède que rien n’est plus comme avant. « Aster lanbians inn sanze. Aster la bann la bwar koka ek zi. Lor latab bizin ena poul, pwason ek laviann. Lontan, avek mwayin de bor, ti pe fer enn de gajak kouma somon, sardinn ou kornn mouton dan bann baz. Ti pe bwar dite osi ek koz koze », se remémore-t-elle.
Bien que l’âge commence à lui faire défaut et que sa santé se fragilise de jour en jour, Leela ne baisse pas pour autant les bras. Elle continue à alimenter le folklore des campagnes politiques. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’elle adore cela.
Active dans le social
L’intérêt de Leela, ancienne enseignante du primaire, pour la politique remonte à sa tendre jeunesse. Originaire de Pamplemousses, elle était très active dans le social. Elle jouait aussi au volley-ball. Elle s’impliquait beaucoup dans les Youth Councils. Puis elle a intégré le parti politique qu’elle soutient toujours aujourd’hui. Depuis que sa cousine a épousé un politicien, elle est devenue encore plus active sur le terrain.
Un brin nostalgique, Leela se remémore les nombreuses campagnes électorales auxquelles elle a participé au fil des années. « Pa pou bliye zame sa. Mo ti pe mobiliz bann dimounn dan plizyer vilaz pou al fer rali ek pou al vote kan ena eleksyon. Boukou eleksyon monn travay. Kan ti ena portaport ou renion, nou ti pe bwar dite dan lamok partou kot nou ti pe ale. Sa enn lot lepok sa. »
Après l’accession de Maurice à l’indépendance, Leela a été très présente sur le terrain pour faire élire les candidats ainsi que le leader du parti auquel elle adhère. Elle a ressenti une profonde tristesse lorsque ce dernier est mort. Quand en 1990 elle a appris que le fils de celui-ci reprenait les rênes du parti, elle a sauté de joie. Elle a sillonné plusieurs circonscriptions pour aider le nouveau-venu à se faire accepter par les habitants. Un soutien indéfectible que Leela continue à lui apporter. « Mo garson sa. Tonbe leve mo pou touzour la pou li. Eli, pa eli. »
Quels sont ses pronostics pour les législatives de 2019 ?
« Byensir li (le leader du parti qu’elle soutient ; NdlR) ki pou eli », rétorque-t-elle catégoriquement. La « die-hard » se dit heureuse que sa fille reprenne peu à peu le flambeau qu’elle a longtemps porté. « Nou ena sa dan disan. Nou bann die-hard. » Leela insiste qu’elle ne changera pour rien au monde de couleur politique. « J’accorderai mon soutien à ce parti jusqu’à mon dernier souffle. »
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