La Financial Crimes Commission (FCC) sera un « monstre » qui s’en prendra aux opposants du gouvernement, selon les intervenants de l’émission « Au cœur de l’Info », animée par Ruth Rajaysur et Patrick Hilbert, sur Radio Plus lundi. Le FCC Bill sera présenté en première lecture à l’Assemblée nationale ce mardi 5 décembre.
À l’exception de Me Sunil Bheeroo, tous les autres intervenants, notamment Mes Gavin Glover, Senior Counsel, Shakeel Mohamed et Richard Rault, ainsi que l’avocat constitutionnaliste Parvez Dookhy, ont exprimé leurs craintes devant la création de la Financial Crimes Commission (FCC). Si Me Bheeroo voit dans ce projet de loi « le comblement d’un retard en regroupant diverses instances comme l’Independent Commission against Corruption (Icac) et la Financial Intelligence Unit (FIU) sous une même plateforme », sa constitutionnalité a été contestée par Mes Mohamed et Rault.
Selon Me Rault, la nouvelle commission aura à sa tête un « super homme » nommé par le Premier ministre, détenteur des pouvoirs des responsables de diverses institutions comme l’Icac, la Financial Crimes Investigation Unit (FCIU), la Financing of Drug Dealing Investigation Unit (FDDI) ou encore l’Asset Recovery Unit (ARU) de l’Asset Recovery and Management Division.
Face à l’« échec » de l’Icac dans la lutte contre la corruption, confier cette nouvelle instance à un nominé politique serait répéter « les mêmes erreurs », surtout s’il peut agir à sa guise, notamment lorsque des membres du gouvernement sont concernés. Me Rault a cité, entre autres, les affaires « Angus Road », « Kistnen » et « Pack & Blister ». Selon lui, la nouvelle FCC ouvrirait la boîte de Pandore « avec des conséquences inimaginables », tout en « retirant les pouvoirs d’une instance indépendante comme le bureau du DPP, créant ainsi une institution sous le contrôle de l’exécutif ».
L’avocat et député du Parti travailliste Shakeel Mohamed, craint, quant à lui, les dérapages potentiels de cette nouvelle instance, qui n’aurait pas besoin d’obtenir l’autorisation d’un juge pour mener des opérations de surveillance (écoute de conversations et filature, entre autres) sur n’importe qui.
Pour lui, une telle Commission ne peut être dirigée par une personne nommée par le Premier ministre, car elle en deviendra redevable. Me Mohamed affirme que cela va créer « une mauvaise perception » selon laquelle « aucun membre du gouvernement ne sera poursuivi ». Il estime que, plutôt que de corriger les imperfections des institutions existantes, « le gouvernement aggrave la situation avec une loi qui renforcera encore davantage son contrôle », d’autant que « le Premier ministre nomme sans consultation et à sa guise ». « C’est inacceptable que n’importe quel Premier ministre de n’importe quel gouvernement puisse nommer le responsable d’une institution qui, finalement, sera sous son contrôle », a martelé Me Mohamed. Il considère que « la démocratie sera en péril si ce projet de loi était voté ».
Me Bheeroo, de son côté, a soutenu qu’il ne faut pas craindre la création de la FCC, car « l’instance va contribuer à faire progresser la lutte contre la corruption », entre autres. Il a affirmé que « les pouvoirs du DPP resteront intacts » et qu’il y aura une régulation pour veiller au bon déroulement du travail de la Commission.
Cependant, ces arguments n’ont pas convaincu Mes Mohamed et Rault. Ce dernier a annoncé que le Bar Council se réunira ce jeudi pour donner son avis sur ce projet de loi. Il a également affirmé que la plupart des légistes ne sont pas favorables au FCC Bill.
Consolidation des « inepties », selon Me Parvez Dookhy
Le nouveau projet de loi ne vient pas corriger ce qui n’a pas fonctionné à l’Icac, mais consolide les « inepties », a soutenu l’avocat Parvez Dookhy. Il a déploré le manque de professionnalisme des enquêteurs de la police, ainsi qu’une confiscation des pouvoirs du DPP par le Premier ministre, ce qui constitue, selon lui, un abus. « La FCC va grignoter les pouvoirs du bureau du DPP, mais aussi de la police et du judiciaire. Cela pose un certain nombre de questions sur la constitutionnalité de la nouvelle commission », a-t-il dit. L’avocat a également soutenu qu’il existe une faille dans notre système qui fait que nos institutions ne fonctionnent pas. « On doit trouver des moyens pour les faire fonctionner », a-t-il ajouté.
Me Gavin Glover s’interroge sur « l’empressement » entourant ce projet de loi
« Je ne dis pas que le projet de loi n’est pas bon, mais je ne comprends pas l’empressement à le passer sans discussion préalable. Y a-t-il un agenda politique derrière ? » s’est demandé Me Gavin Glover lors de l’émission. Il est d’avis qu’il y aura une trop grande concentration de pouvoir entre les mains du directeur général de la FCC.
Le Senior Counsel estime que cette loi violera les principaux fondements de la Constitution de Maurice et entrera en conflit avec le système légal. Selon lui, le projet de loi ne respecte ni le peuple ni la Constitution.
Il soutient que cette nouvelle loi, si elle est votée, ne réussira pas le test de la Constitution. Il s’est également interrogé sur les pouvoirs qui resteront entre les mains du Directeur des poursuites publiques et s’il aura son mot à dire sur les « Provisional Charges ». Me Gavin Glover a plaidé en faveur de débats sérieux autour de ce projet de loi avec tous ceux concernés, y compris les avocats et les membres de la société civile, afin que tout le monde puisse trouver ensemble la meilleure solution possible. Selon lui, il est « extrêmement mauvais » que le directeur général de la nouvelle instance soit nommé par le Premier ministre.
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