Législatives 2019

Fièvre électorale et promesses : quels impacts sur notre économie ?

Il pleut des promesses depuis le début de la campagne électorale. Il semblerait que les grands partis mettent la dernière main à leur programme électoral. Si la population se laisse séduire par les vagues de promesses populistes, les observateurs économiques et politiques ont des craintes et se demandent si notre économie peut absorber les coûts de ces mesures.     

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Pierre DinanPierre Dinan : « Des conséquences très graves pour notre économie »

L’économiste Pierre Dinan se dit très étonné par les différentes mesures annoncées par les partis politiques. Il les questionne et pense que cela aura sans doute des conséquences très graves sur notre économie. Selon lui, la première question est de savoir d’où viendra l’argent pour financer toutes ces promesses. « Il faut demander à ces politiciens comment ils vont financer toutes ces promesses. Toutes ces annonces ont un effet direct sur les prochains Budgets. Avec ces mesures, il y aura plus de dépenses dans le budget national », dit-il.

Il précise qu’abolir la taxe municipale réclame tout un débat, car les municipalités ont besoin de revenus pour financer leur fonctionnement et leurs projets. « Le gouvernement subventionne déjà les municipalités. Et maintenant, en abolissant la taxe municipale, le gouvernement doit impérativement subventionner plus. Cela concerne aussi l’allocation pour les chômeurs », ajoute-t-il.

Selon notre interlocuteur, l’augmentation de la pension sera un poids additionnel sur le budget. Il fait ressortir que les dotations budgétaires pour la pension dépassent celles de la Santé et de l’Éducation et maintenant avec cette augmentation, cela sera encore plus. « Afin de pouvoir réaliser ces promesses, le gouvernement devra trouver des revenus additionnels. Les deux façons de les obtenir, c’est en augmentant la TVA ou les impôts. Il faut se demander si le prochain gouvernement pense augmenter la taxe », lance-t-il. 

Néanmoins, l’économiste ajoute que si les barèmes de la taxe ne sont pas augmentés, le déficit budgétaire connaîtra une hausse et la dette publique grimpera encore plus. Ainsi, selon lui, le gouvernement aura moins de moyens pour assurer le développement du pays. « La dette publique en soi n’est pas mauvaise si l’argent est utilisé pour le développement du pays et non pas pour donner des ‘cadeaux’ aux gens. Les mesures annoncées auraient dû prendre en considération la demande des divers secteurs déjà en difficulté. Cela aurait pu avoir des conséquences sur la croissance économique », précise Pierre Dinan. 

Un autre point qui a choqué l’économiste, c’est d'entendre certaines personnes dire qu’en donnant plus d’argent aux pensionnaires et aux jeunes cela va apporter un effet multiplicateur et encourager la consommation qui va aider le pays à progresser. Pierre Dinan explique que c’est vrai que quand les gens ont plus d’argent ils ont tendance à dépenser plus, mais à Maurice c’est très différent. « Il ne faut pas oublier que nous sommes un pays où nous ne produisons pas autant. Nous importons plusieurs produits, notamment de la nourriture, des vêtements, des matériaux de construction, des véhicules, entre autres. Donc si nous dépensons plus, une partie de cet argent part à l’étranger. Notre balance commerciale est négative. Nous puisons déjà dans nos réserves », souligne-t-il.  

En outre, Pierre Dinan fait ressortir que donner de l’argent aux récipiendaires de la pension de vieillesse ou aux jeunes ne va pas augmenter notre Produit intérieur brut (PIB). « Si nous voulons que notre PIB s’améliore, il faut que les industries progressent », explique-t-il.

D’ailleurs un autre effet de ces mesures que l’économiste prévoit est l’inflation. « Le taux d’inflation risque d’augmenter considérablement. Une des raisons c’est que nos produits ne sont pas compétitifs, donc nous sommes obligés de baisser nos prix au niveau international. De ce fait, notre roupie est dépréciée. En même temps, ce que nous achetons nous coûte plus », dit-il. Il considère qu’il est nécessaire d’avoir un programme à long terme pour une économie durable en prenant en considération les spécificités de notre pays.     


VenkatasawmyKumarasawmy Venkatasawmy : « Ce sont  les citoyens eux-mêmes qui devront payer »

Kumarasawmy Venkatasawmy, aussi connu sous le nom de Pitch, de Think Mauritius, confie que les mesures proposées par les différents partis sont une insulte à l’intelligence des citoyens mauriciens. « Les partis ne réalisent pas qu’ils offrent n’importe quoi. C’est clair qu’il y a un manque de responsabilité parmi des leaders politiques »,soutient l’observateur.

Selon lui, notre situation économique ne permet pas de réaliser de telles promesses. « Notre économie va mal. Au fil des années, il n’y a pas eu d’amélioration. Comment va-t-on réaliser ces mesures. C’est bien de donner plus aux retraités et d’augmenter le salaire minimum. Mais au final, comment notre économie va soutenir de telles dépenses additionnelles », ajoute-t-il.

L’observateur explique que si les politiciens font des promesses, à la fin de la journée, ce sont les citoyens qui devront payer pour cela à travers la TVA et la taxe. « Si la taxe municipale est abolie, cela fera sans doute des heureux, mais il ne faut pas oublier que les municipalités doivent continuer à fonctionner. La question est de savoir où elles auront de l’argent pour financer leurs projets. Pour un pays comme Maurice, on ne peut puiser dans nos réserves. Par rapport à d’autres pays, il ne faut pas oublier que nous n’avons pas beaucoup de ressources », précise-t-il. 

Un autre élément qui a surpris Pitch Venkatasamy est le fait que les experts de ces partis n’ont pas pris en considération le déficit commercial auquel Maurice fait face. « C’est catastrophique. Notre pays est déjà endetté et nous ne pouvons pas continuer ainsi. Au lieu de venir avec de telles mesures, il fallait apporter des solutions pour améliorer la production locale », conclut-il.  


Les trois grands partis ont annoncé plusieurs mesures populaires durant cette semaine. Certaines de ces mesures, qui ont non seulement attiré l’attention des observateurs politiques et économiques mais aussi du commun des mortels, sont énumérées ci-dessous. 

L’Alliance Nationale 

  1. Réduction de 25% sur le prix de l'électricité pour usage domestique et pour les PME. 
  2. La bonbonne de gaz passera de Rs 210 à Rs 150, soit une baisse de 28 %. 
  3. Abolition de la taxe municipale sur les résidences pour mettre sur un même pied d'égalité villes et villages.

MMM

  1. Verser une allocation de chômage de Rs 5 000 par mois aux jeunes de 18 à 25 ans. 
  2. Rs 1 000 par mois aux mamans ayant des enfants âgés de trois mois à trois ans pour les aider à envoyer leurs enfants dans des crèches afin que les mères puissent prendre de l’emploi. 
  3. Augmenter de Rs 200 à Rs 1000 l’allocation versée aux parents dont les enfants âgés de trois à cinq ans fréquentent des établissements privés. 
  4. Aligner la pension de vieillesse sur le salaire minimum immédiatement après les élections. 
  5. Introduire un système de remboursement à l’intention des personnes âgées pour l’achat de médicaments non disponibles dans les hôpitaux.

Alliance Morisien

  1. Augmentation de la pension de vieillesse à Rs 9 000 à partir de décembre 2019 et à Rs 13 500 durant le prochain mandat.
  2. Révision du salaire minimum dès janvier 2020.
  3. Introduction d’un ‘Grant’ de Rs 100 000 aux propriétaires de taxi lors du renouvellement de leur véhicule. Cette mesure s’appliquera aussi aux nouveaux détenteurs de patente de taxi.
  4. Manuels scolaires et e-books gratuits aux étudiants du secondaire public jusqu’au Grade 9.
 

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