Sentiments mitigés, en cette période, pour ces enfants dont les parents sont séparés ou qui vivent dans des familles monoparentales. Les fêtes sont traditionnellement synonymes de rassemblements et d’unité familiale mais c’est rarement le cas pour ces gosses… Les festivités sont même souvent source de tensions. Comment vivre et surpasser tout cela ?
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Shania a 16 ans. Le 24 décembre, elle a réveillonné chez son papa. Pour le Nouvel An elle sera avec sa maman. « L’année dernière c’était le contraire et l’an prochain, je n’ai aucune idée de leurs arrangements », lâche-t-elle visiblement agacée. « C’est eux qui décident de tout. Parfois même si je préfère être chez ma mère pour Noël, elle me demande d’aller chez mon père. J’ai alors l’impression qu’on se débarrasse de moi ou qu’ils font ce qui les arrange sans me demander mon avis. »
Deux fois plus mal…
Pour Harvi, 15 ans, et ses frères, tous les évènements se célèbrent en double car leurs parents ne veulent rien manquer avec leurs enfants. Si pour les parents, ça semble une solution appropriée, Harvi se questionne de plus en plus sur ce mode de fonctionnement. « C’est vrai que petit, j’étais plutôt content de faire deux fêtes d’anniversaire et bien sûr, d’avoir tout plein de cadeaux mais aujourd’hui, cela me fait moins plaisir. »
Ses parents sont séparés depuis huit ans. « J’ai fini par comprendre qu’ils ne vont jamais se remettre ensemble et je m’y habitue. Je sais aussi que c’est pour limiter la casse qu’ils veulent tout célébrer deux fois mais nous ne sommes plus des gamins et parfois cela fait deux fois plus mal. De plus, nos parents sont toujours en compétition, ils continuent à se bagarrer pour savoir qui va célébrer en premier et chacun veut faire la plus grosse fête et offrir le plus gros cadeau. Pour nous, ce n’est pas rigolo ! »
Pour la thérapeute Marjolaine Runjeet, la séparation est une épreuve difficile dans la vie d’un enfant et il faut savoir le préparer. « Quand les parents se séparent ou divorcent, la garde des enfants est prévue et organisée sur une année avec des arrangements spéciaux en période de fêtes. Malheureusement, c’est surtout en ces moments précis que les choses ne se passent pas bien. Soit parce qu’un des parents a envie de passer plus de temps avec son/ses enfant/s ou parce qu’aucun des parents ne veut céder parce qu’il souhaite être avec ses gosses pour les fêtes. Cela crée beaucoup de tensions et, hélas, ce sont les enfants qui en souffrent le plus. Il est donc important que les parents se montrent responsables et raisonnables pour le bien-être de leurs enfants. »
Les parents en souffrent aussi
Eh oui, ils sont eux aussi souvent très affectés par cette situation. Plus encore quand ils n’arrivent plus à gérer la situation. Pour Elvita Manikum, qui a une fille unique, c’est un moment difficile quand son enfant n’est pas là pour les fêtes. « Chez nous, il n’y a pas de jour spécifique où elle doit être avec moi ou son papa. Nous la laissons décider de ce qu’elle veut faire et nous respectons son choix. Cependant, je dois avouer que cela fait mal quand elle choisit, par exemple, de passer le réveillon et la Noël avec son père. Je me retrouve alors toute seule et j’en suis triste. Je ne le lui dis pas mais au fond de moi, j’ai envie de pleurer et je vais au lit très tôt pour ne pas rester assise à ruminer. »
Quant à Daminee, cela fait deux Noël consécutifs que ses enfants ne sont pas avec elle. « Mon mari et moi sommes séparés. Il a la garde des enfants et pour Noël, nous devons faire des arrangements à l’amiable sauf que pour la deuxième fois, il leur a offert des cadeaux exorbitants et depuis le 24 décembre, je ne vois pas mes enfants. Cette année, il leur a offert une Playstation 4 le 24 décembre. Le 25, les enfants devaient retourner chez moi mais ils m’ont appelée pour me dire qu’ils ne souhaitent pas retourner car ils veulent jouer. Le lendemain, c’était la même chose et mon ex prend un malin plaisir à me dire que ce sont les enfants qui ne veulent pas venir chez moi. Pendant ce temps, les cadeaux que je leur ai achetés, qui ne valent pas ceux de leur père, attendent toujours sous le sapin. »
SOS Papa - Darmen Appadoo : « De nombreux papas sont privés de leurs enfants pour les fêtes »
En cette période, Darmen Appadoo, le président de Sos Papa reçoit beaucoup de plaintes. Il explique que les droits des papas sont souvent bafoués malgré l’ordre de la cour. « Ils ne peuvent ni voir ni accueillir leurs enfants et le temps que les démarches aboutissent en cour, les réjouissances sont déjà passées. Ils subissent souvent un chantage émotionnel et c’est très dur d’accepter, par exemple, que leurs enfants soient avec leurs beaux-pères pour les fêtes et que les pères ne peuvent même pas leur remettre des cadeaux. Bon nombre de pères en souffrent actuellement. »
Quelques conseils pour le bon équilibre des enfants, le psychothérapeute Samcoomar Heeramun conseille de :
En parler aux enfants
Le divorce est complexe en soi surtout pour les enfants. Dès leur plus jeune âge, il est important de leur parler des conséquences du divorce, des arrangements potentiels, de ce qui va changer dans leur vie et comment ce sera en période de fêtes.
Les enfants ont aussi leur mot à dire. Il est important de les laisser s’exprimer, de dire ce qu’ils souhaitent et d’en discuter entre parents des possibilités en ce sens.
Ne pas les culpabiliser
Souvent les parents n’acceptent pas la décision des enfants et ont tendance à les culpabiliser parce qu’ils ont décidé de passer du temps avec son père ou sa mère
Faire des arrangements entre adultes
Les enfants vivent mal les disputes de leurs parents. Il faut donc essayer de ne pas se quereller devant eux.
Ne pas faire de chantage
Pour des relations saines, bannissez les chantages, que ce soit aux enfants ou/et à son ex conjoint.
Ne pas faire de surenchères pour les cadeaux
Malheureusement les parents ont souvent tendance à offrir des cadeaux démesurés à leurs enfants comme pour s’excuser du fait qu’ils sont séparés.
Témoignage
Dwayne : «Lorsqu’on est enfant on garde l’espoir...»
« Je n’ai pas vraiment connu mon papa. Il a est parti lorsque j’avais deux ans seulement. Je n’ai jamais reçu l’affection paternelle, je ne sais pas ce que c’est.
Ma mère a endossé les deux rôles pour mes deux sœurs et mon frère. C’est dur à croire mais je n’ai vu mon père qu’une dizaine de fois environ. La dernière fois, c’était à un enterrement, j’avais 14 ans », confie Dwayne aujourd’hui âgé de 19 ans. « Il ne ressemble plus à celui que je voyais en photo... Les fêtes de fin d’année n’ont pas la même magie chez nous. D’ailleurs cette année, j’ai dit à ma mère qu’on ne mettra pas de sapin et pour le Nouvel An, il n’y a pas plus de pétards. Je préfère aller travailler pour me changer les idées.»
Dwayne est chanteur dans un hôtel. « Je préfère être hors de la maison et la chanson m’aide à m’évader. Parfois, mes oncles nous invitent chez eux mais un oncle ne peut remplacer un père. Surtout quand on voit d’autres familles unies.»
Dwayne explique que des fois, cela le pousse à se remettre en question. « On a tendance à s’auto-blâmer et à penser que c’est de sa faute alors que c’est pas le cas. De plus, lorsqu’on est petit, on garde espoir que tout s’arrangera mais en grandissant, on déchante rapidement en sachant que tout est perdu », dit Dwayne d’une voix remplie d’émotion. Toutefois, il essaie de contrer le blues…
« Ma mère peut refaire sa vie mais je ne crois pas que ça la rend heureuse de nous voir ainsi. Je travaille et je ne me prends pas trop la tête. Je souhaite dire aux autres qui font face à une situation similaire de vivre le moment présent malgré la dureté des circonstances et de ne pas se sentir coupable des choses qui se passent autour mais de se focaliser plutôt sur leur avenir. »
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