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Festival du Vivant - Biodiversité : l’art entre en scène

Astrid Dalais, cofondatrice de la House of Digital Art, se réjouit de l’impact du festival.

Les 23 et 24 mai 2025 à Port-Louis, le Festival du Vivant a réuni artistes, scientifiques et citoyens autour d’un enjeu crucial : la biodiversité. Porté par le Groupe Rogers, Odysseo et la House of Digital Art, l’événement a éveillé les consciences autour de notre lien au vivant. En quoi était-ce important ? Découvrez-le avec Le Dimanche/L’Hebdo.

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Là où la science éclaire par ses faits, l’art bouleverse, questionne et touche. Et quand ces deux univers s’entrelacent, c’est une véritable alchimie qui opère. Le Festival du Vivant, organisé les 23 et 24 mai à Port-Louis, en est la preuve éclatante : un événement pour sensibiliser à la crise de la biodiversité qui se voulait pont entre art et science, entre dialogues, savoirs et vécus, et qui a tenu toutes ses promesses.

« Nous voulions qu’il offre un véritable éveil, quel que soit l’âge ou le parcours des visiteurs. Et je crois sincèrement que nous avons relevé ce défi », confie avec enthousiasme Astrid Dalais, directrice de Move For Art et cofondatrice de la House of Digital Art. À ses yeux, des solutions existent. Et c’est l’art, justement, qui les rend visibles avec force, en rappelant que chacun a un rôle à jouer.

Parmi les moments les plus marquants du Festival du Vivant, Astrid Dalais, co-créatrice du festival Porlwi, une initiative pionnière qui a marqué le paysage culturel de l’île, cite la puissance poétique des Conversations Vivantes menées par Jay Mootoosamy et Zilyen Biret, qui ont mis en lumière la richesse souvent insoupçonnée des plantes et tisanes. Autre temps fort : la réflexion menée par Anouchka Sooriamoorthy, dont l’approche philosophique a profondément résonné en elle.

Elle salue aussi la participation inspirante de Meha Desai et Anne-Clotilde St Mart (Quiet Revolution), qui ont rappelé combien l’expérimentation patiente et le temps long sont essentiels pour transformer nos façons de faire. Elle mentionne également Victoria Fauve Desvaux, de Joyful Ecologies, qui invite à quitter la paralysie de l’angoisse face aux catastrophes mondiales pour imaginer, ici et maintenant, des futurs plus désirables. Autant de voix singulières, à la fois lucides et porteuses d’espoir. Autre intervention marquante : celle de Bruno Dubarry, axée sur la régénération, la revitalisation de nos sols et la préservation de nos rivières – des pistes concrètes pour faire renaître notre lien au vivant.

Rendre accessible le savoir

Mais sensibiliser à la crise de la biodiversité à travers l’art n’est pas sans défis. Astrid Dalais rappelle un chiffre glaçant : en 2023, six des neuf limites planétaires avaient déjà été franchies, selon le Stockholm Resilience Centre. Et l’érosion de la biodiversité, irréversible, est l’un des enjeux les plus alarmants.

« Environ un million d’espèces sont menacées d’extinction à l’échelle mondiale chaque année, selon l’Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem. À Maurice, 89 % des plantes endémiques sont aujourd’hui en péril. Nos récifs coralliens et notre faune marine déclinent de manière inquiétante, alors même que le pays dispose d’un vaste territoire maritime, un véritable trésor aux retombées sociales, culturelles, économiques, éducatives et touristiques », souligne-t-elle. Avant de glisser, gravement : « Si la dernière abeille disparaissait, l’humanité n’aurait probablement que quatre ans devant elle… »

Alors oui, la science nous alerte, mais elle reste trop souvent confinée dans les sphères académiques. L’art permet de traduire ce savoir en langage émotionnel, sensoriel, accessible à tous. Et c’est là que réside toute sa force pour susciter une prise de conscience collective, explique-t-elle. Dans les écosystèmes, tout est interconnecté et chaque espèce joue un rôle crucial. « C’est en prenant conscience de cette interdépendance que notre regard sur la vie change. Prendre soin du vivant n’est plus une option, c’est devenu une nécessité. »

L’art détient ce pouvoir singulier de toucher les consciences d’une manière sensible. « En provoquant la rencontre entre artistes, scientifiques, ONG, communautés locales et citoyens, nous avons fait émerger des récits et des expériences qui ont permis de réconcilier dialogue, écoute, observation et savoir-faire, tout en éveillant une sensibilité plus intime », explique-t-elle.

Le Festival du Vivant, c’était deux jours d’une intensité rare : symposiums, performances artistiques, contes, slam, arts numériques, BioLabs et échanges passionnants au sein du Village du Vivant. Près de 50 intervenants et associations étaient au rendez-vous. « De Ebony Forest à la Mauritian Wildlife Foundation, de Terres d’Agroécologie à Sov Lanatir ou Nature Yetu, les visiteurs ont pu découvrir une multitude d’initiatives concrètes à reproduire chez soi ou en soutenant activement les organisations présentes. »

Passerelles humaines et régionales

Astrid Dalais témoigne d’« une affluence joyeuse et curieuse ». Des centaines de visiteurs de tous âges ont répondu présent, curieux de découvrir les trésors de la biodiversité indianocéanique, où tout est interconnecté : forêts, insectes, coraux, traditions, musiques, savoir-faire…

Gratuit et ouvert à tous, le festival a su créer des passerelles humaines et régionales, avec la participation, notamment, du collectif réunionnais « La route des plantes, le chant des forêts ». « Les retours que nous avons reçus des festivaliers évoquent une grande richesse, un éveil collectif et surtout une envie forte de s’engager », se réjouit-elle.

Pour Astrid Dalais, le message est limpide : le vivant est en nous, et nous sommes en lui. « Il est urgent de s’en souvenir. Notre biodiversité repose sur un équilibre fragile. Quand un seul maillon disparaît, c’est toute la chaîne qui vacille. » Et dans notre île, entourée d’un océan nourricier, cette prise de conscience est cruciale. D’autant plus que, pendant le festival, une nouvelle alerte est tombée : celle de l’acidification des océans – septième limite planétaire franchie.

Malgré ce constat alarmant, elle veut croire en la force de l’action collective. « Les artistes, scientifiques, penseurs, citoyens présents nous ont aidés à repenser nos liens à la nature, à l’alimentation, à nos savoirs... » Car oui, des petits miracles sont possibles si l’on prend soin de la biodiversité. Et si d’autres événements de cette envergure voient le jour, alors la graine semée par le Festival du Vivant aura porté ses fruits.

« Et si le Festival du Vivant parvient à éveiller autant les décideurs que les passants de nos rues, à raviver l’élan collectif pour préserver notre patrimoine naturel et culturel, ce sera une victoire d’une portée inestimable », conclut Astrid Dalais.

  • Nou Lacaz

 

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