Ferme aquacole : danse avec les requins

Il y a un an à peu près, le concept des fermes aquacoles voyait le jour. À Grand-Gaube, David Even élève en captivité une centaine de poissons, que lorgnent malheureusement les requins.

À l’ombre d’un filao, David Even, 57 ans, regarde au loin des vagues caresser la ferme aquacole qu’il gère avec sept autres pêcheurs. 

Là-bas, à plusieurs kilomètres du littoral, ce pêcheur de père en fils garde l’espoir que ce nouveau concept lui permettra de subvenir aux besoins de sa famille. Mais il est aussi réaliste, parce qu’il sait que certains facteurs sont loin d’être en sa faveur.

Il y a un an, le ministère de la Pêche a offert à sept pêcheurs de Grand-Gaube la possibilité de se lancer dans ce projet. Tout le monde était enthousiaste, raconte-t-il. « Notre ferme aquacole est une coopérative regroupant sept pêcheurs. Nous avons accepté cette proposition, parce que c’était nouveau. Il ne coûtait rien d’essayer. »

Ainsi, la petite coopérative s’est vue offrir une ferme grande de plusieurs mètres, que des blocs de béton retiennent sous la mer. Pour démarrer cette culture, le ministère leur a aussi offert des poissons.

« Pour mener à bien ce projet, on nous a offert des petits poissons, que nous élevons avec des graines tous les jours. Dans la ferme actuellement, il y a une centaine de poissons de plusieurs espèces : des cordoniers et des gueules pavées, entre autres. Nous avons reçu ces poissons alors qu’ils étaient encore petits. »

D’ailleurs, l’heure de la grande pêche serait imminente. « Ces poissons peuvent rester en captivité pendant neuf mois. Il est temps pour nous de les pêcher et de les vendre. Si on procède à une estimation, je dirai qu’il doit bien y avoir jusqu’à 200 livres de poissons dans la ferme », indique-t-il.

Cependant, cette quantité de poisson ne serait pas suffisante, selon David. « Avec notre coopérative, il serait difficile de rentabiliser cette ferme, qui entraîne des frais importants. À titre d’exemple, la nourriture des poissons coûte Rs 700. Pour couvrir ses frais, je pense que chaque coopérative aurait dû disposer au minimum de deux fermes. » 

Et ce n’est pas tout ! la coopérative a aussi connu des pertes, il y a quelque temps. Les responsables seraient les requins. « Il n’y a pas si longtemps, des requins ont attaqué la ferme à la tombée de la nuit. Ils ont ainsi tenté de s’introduire dans la ferme et ont sévèrement endommagé le filet. Ce qui a permis à plusieurs poissons de s’enfuir », déplore-t-il.

Pour ce dernier, les requins représentent désormais un vrai danger. « Les requins n’hésitent pas à entrer dans le lagon depuis l’introduction de cette ferme. Ce n’est pas de leur faute, parce qu’ils ne font qu’obéir à leur instinct. Il faudrait maintenant trouver une solution et ne pas venir affirmer qu’il n’y a pas de requins dans le lagon, comme l’a fait le ministre Anil Gayan, lors de sa visite ici le 8 janvier », fait-il ressortir.

Benoît David, un pêcheur de 19 ans, a de quoi démentir les propos du ministre. À deux jours d’intervalle, il a pêché deux monstrueux requins avant les fêtes de fin d’année. « J’ai d’abord pêché un requin-bulldog et le lendemain, j’ai pris un requin-tigre de plus de 500 livres. Quand, j’ai rencontré le ministre Gayan, j’ai lui ai dit qu’il y a des requins dans le lagon et que j’en ai pêché. Tout ce qu’il a trouvé à me dire, c’est de continuer d’en pêcher », dit-il.