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Femme au foyer : le prix de la reconnaissance

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Rs 2 000. C’est l’allocation que l’Alliance Lepep promet aux femmes au foyer en cas de victoire aux législatives de 2024. S’agit-il d’une initiative réfléchie visant à valoriser le travail informel des femmes au foyer ou d’une promesse vide de sens ? Avec Le Dimanche/L’Hebdo, découvrez les enjeux derrière cette proposition électorale.

Géraldine, femme au foyer : « Mieux vaut Rs 2 000 que rien du tout »

Femme au foyer, est-ce par choix ? « Je ne sais pas si c’est un choix ou si ce sont les circonstances de la vie », répond Géraldine, 36 ans. Toujours est-il que c’est un « vrai travail », affirme l’habitante de Triolet, mère de quatre enfants.

Sa journée type de femme au foyer ? Géraldine se réveille tous les jours à 6 heures du matin. Elle nettoie la maison, cuisine, fait la lessive, puis elle s’occupe de ses enfants. Dès qu’elle a un moment de libre, elle passe le balai dans la maison, dépoussière les meubles ou repasse la pile de linge. « Si j’ai des provisions à acheter ou des factures à payer, je m’en occupe. Je suis la Manager d’une vraie entreprise familiale jusqu’au soir et le lendemain, je recommence à la même heure », explique-t-elle avec humour.

Avec cet emploi du temps chargé, trouve-t-elle du temps pour prendre soin d’elle ? « Je cherche un petit moment pour regarder un film. Parfois, je convaincs mon compagnon de faire des tâches ménagères pour que je puisse m’occuper un peu de moi. Sinon, quand ce n’est pas possible, je fais de la méditation pour retrouver l’énergie nécessaire pour continuer mon travail de femme au foyer », dit-elle.

C’est à l’âge de 18 ans qu’elle est devenue femme au foyer. À Le Dimanche/L’Hebdo, Géraldine, qui se décrit comme une élève « lente », raconte qu’elle a quitté l’école après avoir obtenu son Certificate of Primary Education (CPE). Son père était le seul soutien financier de la famille après le décès de sa mère alors qu’elle avait 9 ans.

Elle a suivi des cours d’alphabétisation, de fleuriste et de peinture. À 17 ans, elle s’est inscrite à une formation de puéricultrice, mais, tombée follement amoureuse à 18 ans, elle a abandonné les cours. Après son mariage, elle est devenue femme au foyer. Cette union n’a toutefois pas duré. « Malheureusement, mon mari est décédé », confie-t-elle. 

Géraldine est retournée vivre chez son père. Elle a suivi des cours pour devenir coiffeuse et elle a fait du bénévolat pour une ONG. Comment subvenait-elle à ses besoins ? « Comme je ne travaillais pas, je me sentais vraiment inutile. Mais ma famille, et surtout ma mère adoptive, qui était la sœur de ma maman, pourvoyaient à mes besoins financiers », explique Géraldine. 

Elle avoue qu’elle voulait trouver un emploi, mais sa mère adoptive était contre. « Cette mentalité, selon laquelle les femmes devaient rester à la maison, était très présente dans ma famille. Cela m’a beaucoup paralysée pour trouver un emploi », pense Géraldine. Cependant, de temps en temps, elle aidait dans un salon de coiffure appartenant à une amie, se rendant ainsi utile de façon informelle pour gagner quelques sous.

Elle a 26 ans lorsqu’un cancer emporte sa mère adoptive. Un an plus tard, Géraldine refait sa vie avec un General Worker. De cette relation naissent deux enfants. Trois ans plus tard, ils se séparent. Elle retourne alors chez son père avec l’un de ses enfants tandis que l’autre reste avec son ancien compagnon.

La pension alimentaire qu’elle reçoit étant insuffisante, elle travaille dans la cantine d’une entreprise pendant trois mois pour payer la crèche, puis comme nettoyeuse pendant quatre mois pour la même compagnie. À 32 ans, Géraldine quitte le foyer familial et se met en couple avec un maçon. Peu de temps après, la pandémie de COVID-19 frappe le pays. Son conjoint n’ayant pas un emploi stable, et elle étant femme au foyer, ils se retrouvent très vite en difficulté financière, d’autant que de cette relation sont nés deux autres enfants.

Comment accueille-t-elle la proposition de l’Alliance Lepep d’allouer Rs 2 000 par mois aux femmes au foyer ? Géraldine affirme : « Mieux vaut Rs 2 000 que rien du tout. » Votera-t-elle pour cette alliance uniquement pour cela ? Dans un éclat de rire, elle répond : « Peut-être que ça influencera ma décision le jour des élections, on verra bien. »

Plus sérieusement, elle explique que le revenu mensuel de son compagnon est inférieur à Rs 9 000. Elle fait donc des décorations artisanales, quand le temps le permet, pour arrondir les fins de mois. « L’allocation de Rs 2 000 pour les femmes au foyer proposée par cette alliance politique en cas de victoire me serait sans doute utile », ajoute-t-elle.

«Ridicule ». Une mesure qui aurait mérité d’être mieux réfléchie… Les commentaires ne manquent pas, en coulisses, sur l’allocation de Rs 2 000 proposée par l’Alliance Lepep dans son manifeste électoral, présenté le mercredi 23 octobre. Si les experts du domaine social, en particulier ceux engagés dans l’émancipation et l’autonomisation des femmes, choisissent de garder le silence officiellement face aux mesures sociales annoncées par les différents partis politiques afin d’éviter toute interprétation partisane en pleine campagne électorale, toujours est-il que les avis divergent fortement.

Certains se contentent de dire que cette initiative aurait mérité d’être fondée sur des données scientifiques solides. Pour d’autres, cette mesure est perçue comme « une insulte » envers les femmes, qui constituent environ 51% de la population. « Cibler les femmes pour obtenir des voix, c’est réducteur », dénoncent-ils.

Être femme au foyer est un véritable métier, nécessitant une reconnaissance à la hauteur de ces responsabilités. Certains soulignent qu’un tel rôle devrait, s’il était rémunéré, l’être au moins au salaire minimum. 

« Si l’on devait payer une personne pour cuisiner, nettoyer et prendre soin des enfants, Rs 2 000 serait une somme dérisoire », font-ils ressortir.

Ce manque de réflexion, poursuivent-ils, néglige à la fois les aspects économiques et psychologiques de la question. D’autres affirment qu’elle dévalorise le travail quotidien des femmes au foyer, les reléguant à un statut de simples bénéficiaires d’une aumône, rendant futile leur contribution à la société. « La question mérite une réflexion approfondie afin de trouver des solutions structurales valorisant de manière équitable les femmes et les hommes qui choisissent de rester à la maison », estime l’un d’eux. 

Beaucoup y voient également une illustration des promesses financières faciles des partis en période électorale. « À force de trop sucrer le thé, on risque le diabète », murmure-t-on, dénonçant cette mesure comme manquant de profondeur et réduisant les femmes à de simples électeurs à séduire. 

Et qu’en pensent les femmes au foyer, les principales concernées ? Deux d’entre elles se confient à Le Dimanche/L’Hebdo.


Ansha, femme au foyer : « Cette proposition n’influencera en rien mon vote »

Ansha
Femme au foyer, Ansha est mère de deux enfants.

Depuis son mariage, à l’âge de 25 ans, Ansha est femme au foyer. Pourquoi ? Elle répond en riant : « Mon mari m’a dit ‘pourquoi irais-tu t’embêter à faire un petit boulot alors que je peux t’offrir une vie aisée’. Maintenant, il doit assumer son choix, et en plus je lui coûte cher ! »

Ainsi, depuis qu’elle a donné naissance à ses enfants, elle s’occupe uniquement de sa famille. Est-ce difficile d’être femme au foyer ? « Il y a des avantages et des inconvénients. Mon mari pourvoit à tous nos besoins. Mes enfants et moi ne manquons de rien. Mais, parfois, c’est triste de le voir travailler du matin au soir pour nous offrir une vie confortable », dit la Quatrebornaise.

Son mari lui donne aussi de l’argent de poche chaque mois, ainsi qu’une somme pour couvrir les dépenses familiales, ajoute Ansha. « Mais j’avoue que d’être confinée à la maison sans avoir de contacts comme quand on travaille, pèse lourd des fois. »

Cependant, être femme au foyer, « c’est un métier à plein temps », assure-t-elle. Elle explique qu’elle se réveille très tôt le matin pour s’occuper de son mari avant qu’il ne parte au travail. Puis, c’est au tour de ses enfants. « Je prépare leur déjeuner. Je les gronde pour qu’ils se préparent pour l’école. S’il faut les accompagner, je le fais. En chemin, je vais au supermarché s’il y a des courses à faire. »

De retour à la maison, Ansha complète les tâches ménagères : lessive, cuisine, nettoyage et repassage, etc. En attendant que ses enfants rentrent de l’école, elle en profite pour se reposer ou regarder un film à la télé. Lorsque ses enfants rentrent, elle leur donne à manger et à boire. « Ensuite, je les gronde à nouveau pour qu’ils fassent leurs devoirs, s’il y en a.

Sinon, nous passons du temps ensemble jusqu’à ce que leur père rentre du travail. Puis, c’est la préparation du dîner et s’ensuit un moment en famille pour regarder la télé ou discuter. Enfin, je vais me coucher et le lendemain, je reprends ma routine », affirme la jeune mère de famille.

« Pas si mal, la vie de femme au foyer ? » lui demandons-nous. Ansha éclate de rire : « Ne croyez pas cela. C’est un travail sans cesse, sans pause. Il n’y a pas de ‘local leave’ ou de congé maladie. 24/7, je dois être disponible, car ils viennent toujours vers moi pour tous les soucis et les choses à faire. Même malade, je suis sans répit. Mon emploi du temps reste chargé. » Cependant, avoue-t-elle, être au chevet de sa famille lui fait plaisir. Elle estime d’ailleurs que si elle devait travailler, ce serait sans doute difficile d’allier vie familiale et vie professionnelle.

Que pense-t-elle de la proposition d’une allocation de Rs 2 000 mensuellement aux femmes au foyer par l’Alliance Lepep en cas de victoire aux législatives de 2024 ? « Cette proposition ne m’affecte pas et n’influencera en rien mon vote », répond Ansha. Avec la hausse du coût de la vie, les Rs 2 000 ne suffisent pas pour elle ni pour les autres femmes au foyer, avance-t-elle. « On ne peut quasiment rien acheter avec ça ! »

Ansha est également d’avis que si l’on souhaite vraiment valoriser les femmes au foyer pour tout ce qu’elles font à la maison et leur contribution à la société, une somme équivalente ou supérieure au salaire minimum aurait été plus appropriée. Et si c’était le cas, accorderait-elle son vote ? « Personne ne saura pour qui j’ai voté », lance-t-elle en riant.

Ravin, son mari : « Ma femme mérite mieux que Rs 66 par jour... »

Pourquoi a-t-il choisi que sa femme reste à la maison ? « Tant que je peux travailler, apporter de l’argent à la maison et que nous vivons bien, pourquoi devrait-elle se fatiguer ? » répond Ravin, l’époux d’Ansha. Âgé d’une cinquantaine d’années, il est directeur d’entreprise.

Revenant sur la proposition d’une allocation de Rs 2 000 mensuellement aux femmes au foyer, Ravin commente : « Si on voulait vraiment reconnaître le travail des femmes au foyer, ma femme ne devrait pas gagner seulement Rs 66 par jour. Je serais triste pour elle et j’ajouterais de l’argent à cette allocation pour qu’elle puisse au moins avoir Rs 100 par jour. Avec Rs 66 par jour, elle pourrait juste acheter ‘trwa per dal puri’. »

Avec humour, il raconte que rien que pour une sortie shopping, sa femme dépense Rs 7 000. « Alors, dites-moi, qu’est-ce que Rs 2 000 pourraient lui apporter ? » Plus sérieusement, Ravin confie à Le Dimanche/L’Hebdo qu’il ne voit pas comment cette proposition d’allocation de Rs 2 000 soulagerait les dépenses mensuelles de sa famille. Pour lui, « c’est juste une stratégie politique pour obtenir le vote des femmes au foyer ».

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