Interview

Fazila Jeewa-Daureeawoo: «Il ne faut pas brûler les étapes concernant le ciblage»

Fazila Jeewa-Daureeawoo table beaucoup sur le prochain « Disability Bill » pour un meilleur encadrement des handicapés à Maurice. La ministre de la Sécurité sociale, de la solidarité nationale et des institutions réformatrices rejette les critiques et avance avec optimisme.

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[blockquote]« En 2050, environ 30 % de la population de Maurice comprendra des personnes âgées… Nous avons anticipé ce problème et cherchons des solutions. »[/blockquote]

Parcours en bref Fazila Jeewa-Daureeawoo, avouée de profession,  a été élue pour la première fois en 2005. Elle a servi en tant que députée de la circonscription no19 (Stanley/Rose-Hill) jusqu’en 2010. Réélue dans cette circonscription en décembre 2014, elle a été nommée ministre de la Sécurité sociale, de la solidarité nationale et des institutions réformatrices.

 

Avec une grande partie de la population qui vieillit, est-ce que Maurice pourra continuer à soutenir le paiement de la pension universelle ? Maurice n’est pas le seul pays à faire face à un tel phénomène. En 2050, environ 30 % de la nation mauricienne se composera de personnes âgées. C’est sans doute un des défis majeurs auxquels seront confrontés le gouvernement. Comme gouverner c’est prévoir, nous avons anticipé ce problème et cherchons des solutions. Un comité ministériel a été mis sur pied pour travailler sur la révision du système de pension.

Se pourrait-il que la question de ciblage refasse surface ?

Il ne faut pas anticiper et brûler les étapes. Nous sommes là pour soutenir la population et lui permettre de vivre dans la dignité et le respect. C’est pour cela que le gouvernement a tenu sa promesse d’augmenter la pension de vieillesse. Il se soucie du bien-être de la population. Toute décision qui sera prise tiendra compte de l’intérêt de la population.

Pensez-vous que l’état-providence doit être maintenu ? En avons-nous les moyens ?

En dépit de toutes les crises économiques mondiales qui ont influé sur Maurice, nous avons toujours su et pu sauvegarder les intérêts de la population. Le problème de la population vieillissante n’affecte pas uniquement Maurice. Et à lui seul, il représente un énorme défi pour le gouvernement. C’est pour cela que le comité chargé de la révision du système de pension a été mis sur pied. Donnons-lui le temps de faire son travail.

Quels sont les grands chantiers de votre ministère pour cette année ?

Nous construirons un quatrième centre récréatif destiné aux personnes âgées, qui sera situé à Riambel. Nous avons aussi le projet d’installer des caméras de surveillance dans les institutions charitables et les maisons de retraite. Pour mieux comprendre le problème de la population vieillissante, nous préparons un National Strategy and Action Plan on Ageing 2016-20. Nous allons revoir la vingtaine d’unités d’Elderly Watch pour couvrir toute l’île. Nous amenderons bientôt la Protection of Elderly Persons Act 2005 pour renforcer le cadre législatif et offrir une meilleure protection aux personnes âgées.  Sont aussi prévus des amendements à loi régissant les maisons de retraite.

Mardi dernier, au Parlement,  le leader de l’opposition vous a reproché votre optimisme face à la situation des personnes handicapées. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Je suis de nature optimiste. Je pense que c’est un trait de caractère plutôt positif. Si je ne le suis pas, ce sera difficile pour moi de relever les défis qui se présentent à moi et d’amener des changements majeurs qui font une différence dans la vie des Mauriciens.

Il pense que vous prenez à la légère les critiques émises par le comité des Nations unies sur la situation des handicapés à Maurice…

Je ne partage pas cette opinion. Le gouvernement fait de son mieux et ambitionne de faire encore plus pour les handicapés. D’ailleurs, ledit rapport a aussi souligné son appréciation des initiatives mauriciennes pour améliorer la vie des handicapés. Il y a, certes, des manquements, mais je vous assure que le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour combler les lacunes.

À lire ce rapport, qualifié de « damning » par le leader de l’opposition, on a l’impression que rien n’est fait…

Il faut souligner que la Convention sur les Droits des personnes handicapées a été signée en 2007 et le rapport soumis en 2015 est basé sur ce qui a été fait sous l’ancien régime. Je ne travaille sur les recommandations que depuis une année. Cependant, les infrastructures et autres facilités que nous accordons aux handicapés sont incomparables à celles d’autres pays se trouvant dans cette région du monde. C’est la raison pour laquelle je suis optimiste quand je réalise le parcours et le progrès de nos initiatives. Et nous allons faire davantage pour cette catégorie de personnes. Le Disability Bill sur lequel je travaille viendra renforcer nos actions.

Vous reconnaissez quand même que ce rapport est critique à l’égard des autorités mauriciennes ?

Ce rapport a souligné les manquements au niveau de l’application de certaines provisions de la Convention sur les Droits des personnes handicapées à Maurice. Mais il faut être juste et regarder aussi l’autre côté de la médaille. Le comité nous a, certes, critiqués sur certains points, mais il a aussi exprimé son appréciation sur d’autres.

Sur quoi par exemple ?

La hausse de la pension accordée aux invalides, qui est passée de Rs 3 267 à Rs 5 000 ; la mise en place d’une base de données des personnes handicapées demandeuses d’emploi ; le prochain Disability Bill pour veiller au respect des droits des handicapés ; de nouveaux règlements pour le secteur de la construction afin de faciliter l’accès aux handicapés ; la création d’Integrated Units dans certaines  écoles pour permettre l’intégration des élèves handicapés dans le mainstream. Il ne faut pas s’arrêter aux critiques. Les changements prennent du temps.

Vous n’êtes pas sans savoir que l’attitude de certains fonctionnaires de votre ministère envers des handicapés est souvent décriée…

C’est un jugement de valeur. Chacun a son opinion. Il est malheureusement impossible de satisfaire tout le monde. Les critères d’éligibilité et les contraintes légales pour prétendre à une aide de l’état sont stricts et il faut les respecter. En tout cas, nous faisons de notre mieux pour aider ceux qui font appel à nous.

Où en êtes-vous avec le « Disability Bill » ?

Une première ébauche a déjà été visée par le Parquet. Nous avons sollicité l’avis de tous les ministères et départements  afin qu’ils puissent, eux aussi, apporter leur contribution. Une fois cette étape franchie, je soumettrai le projet de loi à l’approbation du Conseil des ministres. Il sera ensuite circulé parmi les différents partenaires concernés, dont les organisations non gouvernementales, les activistes militant pour les droits des handicapés et le public.

La loi pour l’embauche des handicapés oblige le secteur privé à respecter un quota. Cette même loi n’est pourtant pas applicable à l’état. Ne pensez-vous pas que celui-ci devrait lui aussi se soumettre à cette obligation ?

Tout à fait. J’ai pris l’initiative d’enclencher les procédures pour changer la donne. Je travaille en collaboration avec le ministre de la Fonction publique pour voir comment on peut y remédier.

 

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