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Faut-il abolir la charge provisoire ? - Le DPP Satyajit Boolell: «Il ne faut pas diminuer l’importance du droit à la liberté»

Me Satyajit Boolell
Chaque samedi, l’équipe de l’émission « Au cœur de l’info » décortique l’actualité de la semaine. Les divers invités apportent, au micro de Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul, un nouvel éclairage aux débats en cours. Nous en reproduisons les extraits saillants. Faut-il supprimer la charge provisoire ? Il faut d’abord expliquer ce qu’est une charge provisoire. Comme je l’ai dit dans la newsletter du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), elle est liée au droit sacro-saint à la liberté du citoyen, tel que garanti par la Constitution. S’il ne faut pas diminuer l’importance du droit à la liberté, il faut admettre que ce droit n’est pas absolu. On peut le restreindre selon des paramètres définis par la loi. C’est pourquoi les autorités doivent se baser sur des critères bien définis avant de restreindre la liberté d’un citoyen. Ces critères sont définis dans la jurisprudence et autres jugements. C’est-à-dire… Pour priver une personne de sa liberté, il faut se baser sur des preuves, des soupçons raisonnables. Il faut des preuves concrètes de l’infraction. Il faut établir des critères uniformes pour toutes les institutions ayant le pouvoir d’arrestation. Nous disons qu’il faut faire attention, car il y a une tendance aux abus, aux arrestations arbitraires. Quid du contrôle judiciaire ? Justement, si l’on se propose de remplacer la charge provisoire, il importe de préserver le contrôle judiciaire et de suggérer un code de procédure définissant clairement sous quelles circonstances on peut arrêter une personne, lui accorder la liberté sous caution et loger une charge formelle afin qu’elle en réponde devant la justice. N’oublions pas que tout au long de cette procédure, cette personne est présumée innocente. Il reviendra à la cour de décider de sa culpabilité ou de son innocence. Selon vous, aussi longtemps que subsistera la charge provisoire, les abus se poursuivront-ils ? C’est précisément ce qui se passe. Il y a des situations abusives. On n’applique pas le principe de reasonable suspicion dans sa rigueur. C’est pourquoi, on cherche un système pour multiplier/renforcer les garde-fous. On ne trouvera pas la solution du jour au lendemain. C’est la raison pour laquelle j’estime qu’il faut inviter tous les acteurs de la profession légale à une table ronde pour discuter de la question. Pensez-vous qu’il y ait des abus de la part de la police ? Je ne veux faire le procès d’aucune autorité. Cependant, de plus en plus, nous constatons que les arrestations sont routinières. On arrête une personne, puis on enquête. C’est pourquoi je plaide en faveur d’un code qui s’applique à toute autorité disposant du pouvoir d’arrestation. On doit ensuite agir en conformité avec les critères établis. Il n’est pas difficile d’élaborer un tel code, mais cela exige une bonne réflexion. On dit que quand un suspect est sous le coup d’une charge provisoire, il ne peut falsifier les preuves ? C’est vrai ! La cour accorde beaucoup de latitude aux enquêteurs. Ces derniers doivent toutefois agir avec responsabilité. En même temps, on ne peut laisser l’enquête durer éternellement. Tout doit se faire dans un délai raisonnable. Qu’on le veuille ou non, le droit à la liberté est sacré. Aujourd’hui, avec l’apport de la technologie, on peut mener à bien des enquêtes sans abuser des droits du citoyen. Quelle est votre réaction suite au dernier rapport du département américain dénonçant des arrestations politiques ? Je n’ai pas encore lu ce rapport. Je souhaite qu’il n’y ait pas de sweeping statement. Je pense que les autorités en prendront note et si ces accusations sont fondées, il est dans notre intérêt de réagir promptement. Maurice est un pays démocratique et a la capacité de corriger ses erreurs. Je ne pense pas que cela ternira la réputation du pays comme État de droit.  
   

Satish Faugoo: «La charge provisoire est dépassée»

Pour l’ancien ministre de l’Agro-industrie et ex-magistrat Satish Faugoo, la charge provisoire « n’a plus sa place » dans un État de droit, où la Constitution garantit le droit à la liberté. Il plaide pour l’introduction d’une Police and Criminal Evidence Act pour mettre fin aux abus. « La charge provisoire est dépassée. Cependant, le sujet est complexe. Ce qui fait qu’aucun gouvernement n’a pu introduire une nouvelle législation jusqu’ici », dit-il.

Ravi Rutnah: «Le GM est à l’écoute»

L’avocat parlementaire Ravi Rutnah estime que le Premier ministre a donné un signal fort, quand il a demandé au DPP de décider s’il y a matière à poursuite contre Vishnu Lutchmeenaraidoo et qu’il ne soit pas arrêté sous une charge provisoire. « Les partis de l’opposition ont mené campagne contre les arrestations sous une charge provisoire. Le gouvernement a donc été à l’écoute. Je me bats contre la charge provisoire depuis 2010 », souligne-t-il.
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