KFC, Mc Donald’s, Spur et Nando’s cumulent, à eux seuls, un chiffre d’affaires de pratiquement Rs 2 milliards. KFC trône en tête avec un milliard atteint en 2017. Sa marge de profit brut est cependant loin au-dessous de ses compétiteurs. Ce qui n’empêche pas les détracteurs de ce secteur de décrier les marges de profit qu’ils jugent « excessives ».
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Quatre chaînes de fast-food affichent un chiffre d’affaires combiné de presque Rs 2 milliards dans leur dernier rapport financier disponible. Il s’agit de Kentucky Fried Chicken (KFC), Mc Donald’s, Spur et Nando’s. Tous affichent un chiffre d’affaires supérieur à Rs 100 millions, mais KFC est de loin le roi, égrénant à lui seul presque Rs 1 milliard pour l’année financière 2017. Ces chiffres pour ces dernières années indiquent que la croissance est constante dans le secteur. Ce que confirment aussi les analyses des chercheurs sur les habitudes alimentaires de la population mauricienne (voir en hors-texte). Si, pour les associations de consommateurs, ces géants de la restauration rapide n’offrent pas un rapport qualité-prix adéquat, ces derniers assurent être soumis à la réglementation stricte de leur maison-mère.
Parmi les quatre, KFC, propriété de la compagnie Pick « n » Eat Ltd, filiale du groupe Eclosia, représente un chiffre d’affaires colossal de Rs 1 milliard. L’année précédente, les recettes avaient déjà frôlé le milliard avec Rs 994,9 millions. Un chiffre qui croît d’année en année : les Rs 889,2 millions en 2013 passent à Rs 910 millions en 2014, puis Rs 936,9 millions en 2015. Les 21 restaurants, dont 12 en régions rurales, fonctionnent à plein régime.
Le deuxième du podium arrive quand même loin derrière. Il s’agit de Mc Donald’s. Le dépositaire de la franchise à Maurice est la firme Chicago Restaurants Ltd, qui a pour actionnaires principaux Fifi et Jean Robert Chane Ching. Pour l’année 2016, la chaîne de fast-food affiche un chiffre d’affaires de Rs 324 millions. En 2012, ce chiffre était à peine de Rs 112,9 millions, avant de passer à Rs 159,9 millions en 2013, Rs 211,1millions en 2014, puis Rs 288 millions en 2015. Avec seulement six restaurants, soit à peu près trois fois moins que KFC, la distance entre les deux chaînes est quand même relative
Les fast-foods présents à Maurice ont un prix de base imposé par leur maison-mère sur lequel ils greffent leur majoration»
Les deux autres membres du carré à Rs 100 millions accusent un retard encore plus grand. Le chiffre d’affaires de Spur, marque que détient la firme Klipspruit Ltd (Ronnie Ho, Lai Ping Ho et Stéphane Ning en sont les principaux actionnaires), est de Rs 118,8 millions pour 2016. Celui de Nando’s, de la compagnie Kilmun Holdings Ltd, est de Rs 143,4 millions. Ces deux chaînes comptent trois et quatre restaurants respectivement, loin derrière KFC et moins que Mc Donald’s.
Rs 815,2 M pour KFC
Toutefois, un coup d’œil aux marges de profits bruts donne un tout autre éclairage. Les coûts des ventes élevés engloutissent une grosse partie des revenus, soit Rs 815,2 millions pour KFC, Rs 175,6 millions pour Mc Donald’s, Rs 40,1 millions pour Spur et Rs 52,1 millions pour Nando’s. La marge brute de KFC est donc de 20 %, bien inférieure à celle de Mc Donald’s, qui affiche 45,8 %, ou encore aux 66,2 % de Spur et 63,8 % de Nando’s. Selon Paul Weyland, un universitaire spécialisé dans le marketing, la marge brute moyenne pour un fast-food est de 59,5 %.
Pour Jayen Chellum, de l’Association des consommateurs de l’Île Maurice (ACIM), ces marges ne sont pas justifiées. « Il faut bien se rappeler que 80 % des antibiotiques dans le monde sont utilisés dans les produits agricoles. C’est un secteur que nous observons et les gens se plaignent souvent que les prix soient élevés. » Le président de l’ACIM dit regretter que la situation du marché libéralisé pousse les autorités à fermer les yeux. « Il faudrait pouvoir faire un exercice sur le rapport qualité-prix. Dans une portion, quelle est la part d’os que vous avez à jeter à la poubelle par exemple ? »
Suttyhudeo Tengur, de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), tient un langage plus nuancé sur le sujet: « Pour certaines marques, les prix sont standardisés à travers le monde. Ils ne varient qu’en fonction des fluctuations du taux des autres monnaies par rapport au dollar américain. Les fast-foods présents à Maurice ont un prix de base imposé par leur maison-mère sur lequel ils greffent leur majoration par rapport à leurs dépenses locales. Quand vous voyez leurs profits, c’est énorme. »
Daya Goburdhun, responsable du département Agricultural and Food Science de l’Université de Maurice, révèle aussi un autre élément qui influe sur la politique des prix des fast-foods : « Ils importent pratiquement tous les ingrédients, ce qui a un impact sur le coût et, évidemment, ils appliquent aussi leur marge de profit. C’est sans compter sur le fait qu’ils doivent respecter le système de sécurité alimentaire imposé par la maison-mère, ce qui implique aussi certains coûts. »
Junaid Muslun, directeur de Pick « n » Eat, la filiale d’Eclosia propriétaire de KFC, confirme que la maison-mère a son mot à dire sur le prix des produits. « La maison-mère n’impose pas, mais elle a son mot à dire, explique-t-il, nous devons pouvoir fixer nos prix par rapport au marché mauricien, non à celui de l’Angleterre, de l’Afrique du Sud, ou des États-Unis. » Quant aux normes d’hygiène imposées par la maison-mère, il explique qu’il y a des audits internes et externes des États-Unis qui se font régulièrement. «Nous avons parfois droit à des visites surprises. Il faut donc en permanence viser la perfection », ajoute Junaid Muslun.
Un responsable du département marketing de Mc Donald’s, qui n’a pas souhaité être identifié dans notre article, explique que la même formule est valable pour sa chaîne de restaurants. « Il y a certains critères qu’impose la maison-mère que nous sommes tenus de respecter, souligne cette source, et comme pour toutes les franchises, nous avons plusieurs inspections par an de la maison-mère. Il y en a une qui a lieu en ce moment. » Pour Mc Donald’s, il n’y a toutefois pas de visites surprises.
La Consumer Protection Unit (CPU) du ministère du Commerce a-t-il son mot à dire ? « Non », répond Amar Seetohul, directeur par intérim de la CPU. Selon lui, dans un marché libre, son unité n’a pas son mot à dire sur la politique des prix pratiqués par les chaînes de fast-food. La liste des produits à prix ou à la marge de profit fixe reste très limitée. « C’est vrai que, parfois, on peut penser que les prix sont élevés, mais la clientèle est là, explique notre interlocuteur. C’est entré dans les mœurs et on paie plus volontiers pour une sortie ou un moment de détente que pour la nourriture elle-même en fait. On paie pour le social en plus de la nourriture. »
Dr Cassam Hingun, cardiologue : «Maurice devient une ‘fast food nation’»
Le cardiologue Cassam Hingun dit ne pouvoir rester de marbre devant l’ampleur du chiffre d’affaires des quatre grosses chaînes de fast food à Maurice. Soit Rs 2 milliards par an. « Ce chiffre conséquent m’interpelle, car il démontre l’ampleur de la malbouffe à Maurice, dit-il. La population devient une 'fast food nation' et elle dépense pour détruire sa santé. Avec un budget inférieur, ces mêmes adeptes auraient pu manger sain et équilibré grâce à des aliments nutritifs. »
Le cardiologue explique l’impact de la nourriture que proposent ces chaînes de restaurant sur la santé. « En général, les ‘fast foods’ ne sont pas équilibrés mais riches en matières grasses saturées et nuisibles pour les artères. Associées aux matières grasses hydrogénées, la présence excessive de sel dans ces aliments et la haute teneur en sucre dans les boissons gazeuses qui les accompagnent en font très souvent un cocktail toxique pour nos artères », dit-il.
Les conclusions de l’étude des chercheurs de l’UoM, concernant les habitudes alimentaires des adolescents, démontrent que, ceux venant des foyers moins aisés, fréquentent les ‘fast foods’ plus souvent que les autres. Ce constat est désolant, car il démontre le manque de culture alimentaire de ces personnes dont les parents n’ont pu transmettre les bases d’une alimentation saine, dit le médecin. Selon lui, le meilleur moyen de contrer ce phénomène, c’est d’éduquer la population sur les bienfaits de l’alimentation saine et non-industrielle. L’impact de cette éducation serait plus important pour les jeunes : « C’est malheureux de constater que la prévalence de la maladie coronarienne chez les jeunes demeure importante, malgré les campagnes de prévention et l'amélioration de notre système de santé. »
Cependant, tout n’est pas à mettre sur le dos des ‘fast foods’. Dans le contexte mauricien, rappelle le cardiologue, de multiples facteurs s’associent pour corser la situation. «Ils sont le tabagisme, le diabète, l'hypertension et un taux élevé de cholestérol, la sédentarité et l'hérédité », dit le Dr Hingun en énumérant les autres causes de maladies cardiovasculaires. L’association de ces facteurs, selon lui, aggrave « exponentiellement » les risques de devenir cardiaque. « En général, tous ces fast foods, y compris les street food locaux, sont mauvais pour la santé s'ils sont consommés en abondance et régulièrement alors que la modération, l’équilibre et la fréquence doivent prédominer dans le choix alimentaire», dit-il.
Les adolescents à faibles revenus les plus gros consommateurs
Ce sont les adolescents issus des familles les moins aisées qui consomment plus fréquemment les fast-foods. C’est ce que révèle une étude intitulée « Is Healthy Eating Behaviour Common Among School Adolescents in Mauritius?», publiée en 2013 par Sonoo Rajana, Fawzi Mahomoodally et Deerajen Ramasawmy. « …] the frequency of fast food consumption was significantly higher in adolescents from low-income groups », peut-on notamment y lire. La plupart des adolescents interrogés pour les besoins de ce travail de recherche ont indiqué qu’ils consommaient du fast food entre un à trois fois par mois.
Zaynab Toorabally, chargée de cours à l’Université de Maurice au département Health Sciences, confirme que c’est surtout parmi les jeunes que la consommation de fast-food a pris l’ascenseur ces dernières années. « De nos jours, avec les parents qui travaillent, les enfants sont un peu laissés à eux-mêmes. Parfois, avec la pression de groupe, ils suivent leurs amis. C’est quelque chose de facile à avoir », explique-t-elle. Le problème risque de se poser plus tard quand ces jeunes vont intégrer le marché du travail. « Avec la prévalence des maladies non-transmissibles à Maurice, le taux d’absentéisme pour cause de maladie devrait augmenter. Quand on y ajoute les frais dépensés pour se faire soigner, cela pourrait avoir un impact économique conséquent », estime la chargée de cours.
Près de 400 000 Mauriciens en surpoids
Les chiffres du dernier Non-Communicable Disease (NCD) Survey, publiés en 2015, dressent un tableau inquiétant de la santé des Mauriciens en ce qui concerne le poids moyen. Selon ce rapport, 398 417 Mauriciens sont en surpoids ou obèses. Ce qui représente plus de 30% de la population.
35% des hommes et 30% des femmes, qui ont participé à l’enquête, étaient en surpoids pour un total de 32,3%. Au niveau de l’obésité, l’écart entre hommes et femmes est conséquent : 10,2% des hommes sont obèses contre 23,7% de femmes. Ce qui donne un total de 17,6%. « There is a high likelihood that these levels of obesity have been a significant contributing factor in the escalating prevalence of diabetes », conclut le rapport.
La prévalence du diabète chez les jeunes est-elle pour autant inquiétante ? Pour la tranche 18-24 ans, elle est encore peu élevée. L’enquête NCD 2015 révèle 1% de nouveaux diabétiques chez les hommes de cette tranche d’âge et 3,1% chez les femmes. En prenant en considération les deux sexes, la prévalence est de 2,1%.
C’est dans la tranche d’âge suivante que la prévalence commence à grimper : 3,8% des hommes de 25-34 ans sont de nouveaux diabétiques, alors que 1% sont d’anciens diabétiques. Chez les femmes, ces chiffres passent à 4,7% et 3% respectivement. Globalement, dans cette tranche d’âge, on retrouve 4,3% de nouveaux diabétiques et 2% d’anciens.
Les chiffres concernant les pré-diabétiques sont plus importants. Ils concernent la mauvaise tolérance au glucose (IGT) et les anomalies de la glycémie à jeun (IFG). Dans la tranche 18-24, 7,2% des hommes souffrent d’IGT et 3,8% d’IFG. Pour les femmes, les chiffres sont de 7,8% et 3%. Au niveau global, les données affichent 6% et 3,4%.
Les chiffres concernant les anomalies dans la présence des acides gras (lipides) sont également inquiétants : 66% des participants à l’enquête en présentent une forme. Là, le NCD 2015 fait un lien direct avec les habitudes de nutrition : « The importance of nutrition in the control and prevention of dyslipidaemia cannot be underestimated as a first line therapy for the prevention of cardiovascular diseases. »
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