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[Fact-checking] Non, ces vidéos ne montrent pas les frappes américaines en Iran

Le 13 juin, Israël a lancé une attaque de grande ampleur sur l'Iran, avec l'objectif affiché d'empêcher ce pays de se munir de l'arme atomique, puis les États-Unis ont frappé le 22 juin les installations nucléaires iraniennes. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses images sorties de leur contexte sont présentées comme des illustrations de conflit. Deux vidéos d'explosions impressionnantes ont par exemple été diffusées avec des légendes assurant qu'il s'agirait d'images des frappes américaines. Mais c'est faux : ces deux vidéos sont anciennes et non liées aux bombardements menés par les États-Unis : l'une montre une frappe israélienne en Syrie en décembre 2024 et l'autre un bombardement ukrainien en Russie en septembre 2024.

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Israël a lancé le 13 juin sur l'Iran une attaque d'une ampleur sans précédent, visant des centaines de cibles militaires et nucléaires, avec l'objectif affiché d'empêcher ce pays de se doter de la bombe atomique. En réponse, l'Iran a tiré des missiles sur plusieurs grandes villes d'Israël, dont Tel-Aviv et Haïfa. 

Cette guerre a pris un nouveau tournant dimanche avec l'intervention des États-Unis, qui ont frappé le site souterrain iranien d'enrichissement d'uranium à Fordo, au sud de Téhéran, et des installations nucléaires à Ispahan et Natanz. En représailles, l'Iran a lancé des missiles sur la base militaire américaine d'Al-Udeid au Qatar, la plus importante du Moyen-Orient.

Le 24 juin, Israël a annoncé avoir accepté un cessez-le-feu avec l'Iran, dont le président américain, Donald Trump, avait annoncé l'entrée en vigueur, et juré de "réagir avec force" à toute violation de cette trêve.

Dans la foulée de l'élargissement du conflit, deux vidéos ont largement circulé prétendant montrer les frappes américaines. On peut y voir des explosions impressionnantes, de nuit, avec des panaches orangés.
 

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Les mêmes images ont aussi été partagées par des internautes basées en Birmanie, aux Philippines et en Malaisie prétendant qu'elles montraient des bombardements récents.
Mais ces deux vidéos sont anciennes et n'ont pas de lien avec les frappes récentes en Iran, comme nous allons le voir.

Un bombardement en Syrie

"Images de l'explosion à la centrale nucléaire de Fordow", assure une publication sur X partagée plus de 330 fois depuis le 22 juin, diffusant une vidéo dans laquelle on peut voir une explosion de nuit dans le lointain.

"Des images impressionante des frappes aériennes americaines sur iran ca ressemble au champignon atomique La vraie question quelle arme a ete utulise par les USA [sic]", interroge un autre internaute, relayant la même vidéo. 

En effectuant des recherches d'images inversées à partir de moments-clés de la vidéo, nous avons pu retrouver plusieurs contenus les reprenant datés de décembre 2024, ce qui peut déjà invalider la thèse selon laquelle ces images montreraient un événement récent.

On peut notamment retrouver une publication sur X du compte "Middle East Monitor", qui mentionne des frappes israéliennes dans une ville portuaire de Syrie en décembre 2024. 

En poursuivant les recherches avec ces indices, on peut retrouver un reportage publié par le média allemand Deutsche Welle (DW) le 16 décembre 2024, qui diffuse la même vidéo (lien archivé ici). La journaliste précise qu'il s'agit d'un bombardement israélien à Tartous, en Syrie qui a eu lieu le même jour.

'AFP avait également rapporté l'existence de ces frappes d'ampleur sur un complexe de dépôts de munitions à l'extérieur du port de Tartous.

D'autres médias, comme Al Jazeera et NBC News avaient aussi mentionné ces frappes, et relayé les mêmes images que celles circulant sur les réseaux sociaux en juin 2025 (liens archivés ici et ici).

Ces bombardements étaient survenus un peu plus d'une semaine après la chute de Bachar el-Assad, alors président syrien depuis plus de 20 ans, provoquée par l'offensive éclair d'une alliance d'insurgés menés par le groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), et faisaient partie d'une opération plus large de l'armée israélienne, qui avait annoncé avoir visé plusieurs sites stratégiques et des défenses antiaériennes.

L'équipe arabophone a aussi déjà vérifié cette vidéo, présentée à tort par des internautes comme montrant des frappes de juin 2025.

Une vidéo d'attaque de drones ukrainiens

"IMPRESSIONNANT Premieres images des bombes lâchées par les USA sur les installations nucléaires de Fordow [sic]", assure la légende d'une publication sur X diffusée le 22 juin et relayée par plus de 350 internautes depuis.

La même vidéo avec des messages sous-entendant qu'elle montrerait les bombardements américains récents en Iran a récolté d'autres centaines de partages dans d'autres publications sur le réseau social (1, 2), sur TikTok (1, 2) et sur Facebook par des internautes basés en Afrique francophone.

Il indique que les images montrent une attaque de drones revendiquée par l'armée ukrainienne sur un entrepôt de munitions dans la région de Tver, dans l'ouest de la Russie, ce même jour.

A l'aide d'autres recherches par mots-clés, l'AFP a retrouvé une publication sur un compte X qui se présente comme spécialisé dans la géolocalisation d'images liées à la guerre en Ukraine (lien archivé ici).

A partir des indices diffusés par ce compte, l'AFP a pu confirmer que la vidéo montre la ville de Toropets, dans la région de Tver, en Russie. Plusieurs détails dont les bâtiments visibles devant l'explosion et entourés d'arbres permettent de confirmer qu'il s'agit bien du même lieu.

D'autres médias avaient mentionné cette attaque, dont l'AFP. Plusieurs d'entre eux avaient relayé les mêmes images.

"Vague de désinformation"

Depuis le début de la guerre le 13 juin, l'AFP a vérifié plus d'une trentaine d'images fausses, sorties de leur contexte ou bien générées par intelligence artificielle sur le conflit, diffusées en de nombreuses langues (lien archivé ici).

Il y a une "vague de désinformation générée par l'IA en lien avec le conflit Israël-Iran en particulier", a confirmé auprès de l'AFP Ken Jon Miyachi, fondateur de l'entreprise texane BitMindAI. "Ces outils sont exploités pour manipuler la perception du public, souvent en amplifiant des récits trompeurs ou divergents, à une échelle et avec une sophistication sans précédent".

L'entreprise américaine NewsGuard, qui analyse la fiabilité des sites et contenus en ligne, a pour le moment identifié pas moins de 51 sites internet qui ont publié plus d'une douzaine d'infox sur le conflit.

Parmi ceux qui ont diffusé ces faux contenus, on trouve des chaînes Telegram liées à l'armée iranienne et des sources affiliées aux médias d'État, affirme l'entreprise. Certains ont ensuite été relayés par des médias d'État russes et chinois, les exportant ainsi sur une scène plus vaste, ajoute McKenzie Sadeghi, chercheur à NewsGuard.

  • Nou Lacaz

 

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