Plus de 15 ans après la disparition de James Burty David, son fils Fabrice trace sa route. Junior Minister, ingénieur en environnement, député de la circonscription n°1 : portrait d’un homme qui assume un nom tout en construisant son propre parcours.
Dans la maison familiale à Roches-Brunes, une photo grandeur nature trône dans un bureau rempli de livres. James Burty David, costume ajusté, cravate rouge, sourire franc. Fabrice David s’arrête régulièrement devant ce portrait. « À travers cette photo, je ressens encore plus la présence de mon père et souvent je me demande ce que mon père me dirait s’il était encore là », confie-t-il.
Pour beaucoup, James Burty David reste une référence politique et morale. Pour son fils, il est une boussole. « Quand j’hésite, je repense à ce qu’il aurait probablement fait. Et la réponse vient d’elle-même. »
Né en 1980 à Quatre-Bornes, Fabrice grandit dans une famille où la politique est omniprésente. Son père est alors député. À 15 ans, en janvier 1995, il vit sa première campagne électorale en distribuant des tracts pour l’élection partielle de Roches-Brunes, aux côtés de Paul Bérenger. « Je me souviens, dit-il, de cette élection où il était clair que le peuple était dans l’attente d’un grand changement porté par l’alliance PTr-MMM. J’ai mesuré alors l’importance de l’engagement politique. »
Décembre 1995 : le deuxième 60-0 du pays fait de James Burty David le premier député de la circonscription n°1. Novembre 2019 : Fabrice David est élu en tête de liste dans la circonscription, 24 ans après son père. Après un troisième 60-0 en novembre 2024, la boucle est bouclée. « Le soir de la victoire, j’ai pensé à mon père. J’aurais tant voulu qu’il puisse voir que le combat qu’il a commencé ne s’est pas arrêté. D’ailleurs, papa disait régulièrement que la vie est un combat. »

Pourtant, au départ, Fabrice David ne se prédestinait pas à la politique. Il prend le temps de se construire ailleurs. Après le Collège du Saint-Esprit et une bourse de l’Alliance Française, il part étudier en France et obtient un diplôme d’ingénieur en environnement et développement durable. « Tout en ayant grandi dans un environnement littéraire porté par deux parents spécialisés en lettres modernes, j’ai toujours nourri cette fibre scientifique et cette curiosité technique pour comprendre comment notre monde fonctionne et surtout comment il doit s’adapter aux changements. »
Il bâtit une carrière à Lyon, dans la dépollution industrielle et la valorisation énergétique. Une vie française qui aurait pu durer. Mais la mort de son père, en 2009, change tout. « J’ai ressenti un vide immense, mais aussi un appel. Et à partir de ce moment, la question n’était plus ‘si’ mais ‘quand’ j’allais revenir au pays. »
Dix ans plus tard, en 2019, il rentre. Pas par opportunisme, insiste-t-il, mais par conviction. Lorsqu’il rejoint les rangs du Parti Travailliste (PTr), c’est avec modestie et respect. Il apprend, observe, écoute. Rapidement, il se distingue par sa rigueur, son calme et sa proximité avec les habitants.
« J’ai toujours baigné dans cet environnement politique, mais j’ai pris le temps de me construire personnellement et professionnellement avant d’y entrer. Je voulais être prêt, avoir une expérience, un regard, une vision. »
« Garson David »
Dans les rues de Cassis ou de Pointe-aux-Sables, on parle encore de James Burty David avec affection. Chaque année, à la date du décès de son père, Fabrice organise un hommage dans le jardin des Salines. Une cérémonie simple. Certains le considèrent comme « un papa ». « Cela me touche profondément. Mon père a laissé une empreinte dans les quartiers, mais surtout une émotion dans les cœurs. »
Quand il évoque son père, l’émotion est palpable. « C’était un papa aimant, un modèle, un guide. Il avait cette capacité rare d’être à la fois fort et doux. » Il se souvient des repas du soir, des discussions autour d’un thé. « Il me disait souvent : ‘Mon grand, dans la vie, le plus grand ‘tapeur’, c’est ta peur à toi, ne laisse jamais la peur te dominer.’ »
Les habitants l’appellent parfois « garson David ». « Ils me disent qu’ils retrouvent en moi la même façon de parler, la même bienveillance et le même sourire. Tout en imprimant mon propre style, je reçois toujours avec émotion cette affectueuse comparaison avec celui qui était là avant moi. Comme je réponds souvent dans ces cas-là, ‘dilo swiv kanal’. »
Cette comparaison, Fabrice l’accepte sans s’y réduire. « Je porte le nom de mon père et j’en suis fier, oui, mais j’écris ma propre histoire et je construis mon prénom. » Il refuse de se définir uniquement par l’héritage. « Je n’ai pas la prétention d’être lui. Mais j’ai le devoir d’être digne de lui. »
Aujourd’hui Junior Minister de l’Agro-industrie et de l’Économie bleue, élu deux fois en tête de liste, il applique une méthode simple : être présent. « Le bureau ne doit pas être une tour d’ivoire. L’engagement politique, c’est avant tout le terrain, le terrain et le terrain. »
On le croise régulièrement dans sa circonscription, discutant avec les habitants, visitant les familles, s’arrêtant dans les commerces. « Les gens ont besoin de sentir qu’on est là, qu’on les écoute, qu’on les comprend et qu’on travaille pour eux, pour leur endroit et pour leur avenir. »
Les habitants le décrivent comme disponible, même hors campagne. Il aide des familles en difficulté, soutient de jeunes entrepreneurs, s’engage auprès d’associations caritatives. « Je crois profondément à la politique du cœur. » Mais il sait aussi que rien n’est acquis. « Chaque élection, c’est un examen. Et la note la plus importante, c’est celle que vous donne votre conscience face à vos responsabilités. »
L’ingénieur et l’océan
Sa formation continue d’influencer ses priorités politiques : l’environnement, l’océan, la sécurité alimentaire, la transition énergétique. « Nous avons un pays magnifique, mais fragile. Si on ne protège pas nos ressources, nos côtes, notre océan, notre biodiversité, on perdra ce que nous avons de plus précieux. »
Pour lui, économie et écologie doivent avancer ensemble, sans opposition. Il milite pour une île Maurice plus verte, plus consciente des enjeux climatiques, tournée vers les énergies renouvelables et l’économie bleue. Un combat qui fait écho aux paroles de son père : « Il disait : la vraie responsabilité, c’est de penser à ceux qui viendront après toi. »
Et puis il y a la jeunesse, un public avec lequel il entretient une relation particulière. « Je veux que chaque jeune puisse croire en son avenir ici, à Maurice. Qu’on ne soit plus obligé de partir pour réussir. » Dans les écoles, il parle d’écologie, de démocratie, de courage. « Le courage, ce n’est pas réussir tout le temps, mais c’est la capacité de se relever après les échecs. »
Les jeunes le considèrent comme accessible. « Je ne veux pas forcément être un modèle, dit-il, mais un repère, une référence. Quelqu’un qui leur montre que l’engagement, quel qu’il soit et y compris en politique, est sacré. »
Son ton est posé. « Je ne fais pas de la politique pour la gloire, mais parce que je crois fermement que la politique peut transformer notre société, développer notre pays et renforcer notre nation. »
Fabrice David regarde surtout vers l’avant. Il rêve d’une île plus unie, où la solidarité dépasse les discours. « Je veux que Maurice reste ce qui la définit le mieux : un pays de cœur, de tolérance, d’espérance et d’unité dans notre diversité. »
Le soir, quand il rentre, il s’assoit dans son salon, portable à portée de main. « La politique, c’est du 24/7. Elle ne vous quitte jamais lorsque vous êtes engagé pleinement et que la flamme de l’engagement brûle en vous. Je me suis engagé par conviction et j’en ai fait une passion. »
Il termine la lecture des derniers messages, répond aux attentes. La journée se termine, mais le travail continue. Entre l’ombre du père et la silhouette du fils, il reste un espace étroit : celui où se fabrique un prénom.
Salmi poulet et trail running
Loin des tribunes, Fabrice David reste attaché à une certaine simplicité. Il aime la cuisine mauricienne : « salmi poulet » avec du riz blanc et « bred tom pouce ». Il pratique la randonnée et le trail. « Une belle façon de faire le plein d’oxygène, de découvrir les beautés cachées du pays et de garder la forme physique. »
Côté musique, il écoute « un peu de tout, de la chanson française à la musique indienne en passant évidemment par notre séga local. La musique adoucit, apaise et fait voyager à travers l’espace et le temps ».
Pendant la pandémie, il a recueilli deux chiens abandonnés, Simba et Silver. « Depuis, ils sont devenus des membres à part entière de la famille. Quand je rentre, ils m’attendent à la porte, heureux, sans conditions. C’est une belle leçon de fidélité. »
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