Depuis près de neuf ans, l’explosion des overdoses met en lumière une crise sanitaire et sociale d’une ampleur inquiétante. Le National Drug Secretariat tire la sonnette d’alarme : en 2023, entre 800 et 900 hospitalisations d’urgence ont concerné des personnes ayant consommé des substances illicites, principalement des drogues synthétiques.
Selon le National Drug Secretariat, entre 800 et 900 personnes ayant consommé des substances illicites ont été admises d’urgence dans les hôpitaux à travers le pays en 2023. Face à cette situation, le gouvernement revoit actuellement son plan d’action, avec un accent particulier sur la prévention, notamment auprès des jeunes.
Le recours aux drogues, notamment de synthèse, connaît une recrudescence alarmante. Selon les chiffres du National Drug Secretariat, une quarantaine de personnes ont perdu la vie à la suite d’overdoses en 2022. En 2023, entre 800 et 900 personnes ont dû être hospitalisées d’urgence après avoir consommé des drogues, souvent des substances synthétiques aux effets dévastateurs. « Ces patients arrivent dans un état critique et leur admission en urgence est inévitable », alerte l’institution, qui déplore la prolifération des nouvelles drogues synthétiques.
Pour Kunal Naik, psychologue-addictologue, la situation est bien plus grave qu’on ne le pense. « Le fléau de la drogue a toujours été une urgence nationale », affirme-t-il. Toutefois, il insiste sur la nécessité d’un état des lieux précis des décès et hospitalisations liés aux overdoses. « Sans ces données exactes, nous ne pourrons jamais appréhender l’ampleur de ce drame. »
Kunal Naik dénonce également la stigmatisation qui entoure les consommateurs de drogue, contribuant à leur marginalisation et empêchant une réelle prise en charge. « Ces personnes sont marginalisées, ce qui les plonge dans le silence », regrette-t-il. Cela contribue à les isoler encore plus, les empêchant de chercher de l’aide.
Il estime que Maurice compte actuellement entre 55 000 et 110 000 consommateurs de drogues, dont environ 7 000 se les injectent. « Ces chiffres sont alarmants », souligne-t-il. Il met particulièrement en garde contre les dangers des drogues synthétiques, dont la composition chimique est souvent inconnue. « Ces drogues peuvent provoquer des réactions imprévisibles, et sans traitements adaptés, les risques d’overdose sont élevés », prévient-il.
Urgence nationale
Face à cette crise, le gouvernement travaille, à travers le National Drug Secretariat, sur le nouveau National Drug Control Master Plan pour la période 2024-28. Le document est en cours d’élaboration et les consultations se poursuivent avec les partenaires concernés. Une première ébauche devrait être soumise aux autorités dans les semaines à venir.
Ce plan prévoit un renforcement des mesures répressives, tout en plaçant la prévention au cœur des actions. « Il est impératif d’adopter des stratégies pour limiter la circulation et l’entrée de la drogue sur le territoire, tout en améliorant les programmes de prise en charge des consommateurs », précise le National Drug Secretariat.
Plusieurs agences, telles que l’Anti-Drug and Smuggling Unit, la National Coast Guard, le ministère de la Santé, ainsi que des organisations non gouvernementales, sont mobilisées dans cette lutte. Outre la répression, une attention particulière sera portée à la prévention auprès des jeunes. « La prévention systématique et continue est essentielle. Ces actions devraient être renforcées dans les deux prochains mois », indique le National Drug Secretariat.
Narcan, une solution sous-exploitée ?
Kunal Naik plaide pour un usage plus répandu du Naloxone, un antidote aux overdoses d’opiacés. « L’utilisation de ce produit, que ce soit en spray (Narcan) ou en injection, pourrait sauver des vies », dit-il. Il suggère également que le Forensic Science Laboratory communique régulièrement les résultats d’analyses des drogues saisies, pour sensibiliser la population à leur dangerosité.
Du côté de la Harm Reduction Unit du ministère de la Santé et du Bien-être, la prévention reste la priorité. « La prévention ne se résume pas à de simples causeries. Elle englobe des dimensions plus larges, comme la structure familiale, le contexte sociétal et la santé globale des patients », explique-t-on.
Le Drug Users Administrative Panel, mis en place en avril, permet déjà à 140 patients de recevoir un traitement dans 12 centres de soins à travers le pays. « Ces patients bénéficient d’un suivi complet, qui inclut un traitement médicamenteux et des programmes de réhabilitation personnalisés », précise la Harm Reduction Unit.
Traitement
Outre ces centres, fait-on comprendre, un nombre croissant de patients bénéficie d’un suivi quotidien dans les Day Care Centres du ministère, où ils reçoivent des soins adaptés à leur situation. « Cette approche vise non seulement à réduire les risques liés à la consommation de drogues, mais aussi à offrir une réelle opportunité de réinsertion sociale et de guérison durable », ajoute-t-on.
Au-delà des solutions techniques, Kunal Naik appelle à une révision des mentalités. « Les consommateurs de drogues sont souvent traités comme des boucs émissaires, alors que la vraie lutte devrait être dirigée contre les trafiquants », déclare-t-il. Pour lui, seule une prise de conscience collective, tant au niveau des politiques publiques que de la société, permettra de freiner cette crise.
Danny Philippe de l’ONG DRIP : «Il faut un programme holistique et intégré pour venir à bout de ce fléau»
Danny Philippe, chargé de plaidoyer et de prévention auprès de l’organisation non gouvernementale (ONG) DRIP (Développement, Rassemblement, Information et Prévention), met en lumière les défis majeurs liés aux overdoses. Selon lui, plusieurs facteurs contribuent à ce problème croissant, notamment les doses élevées, la pureté des drogues, les méthodes de consommation, le mélange de substances et l’épuisement physique. « Il existe un programme de prévention spécifique pour les overdoses d’héroïne et de drogues synthétiques. Mais le nombre de décès par overdose reste alarmant, bien que les chiffres exacts soient difficiles à établir. Seule une approche préventive nous permettra d’obtenir des résultats concrets. Il faut mettre en place un programme holistique et intégré pour venir à bout de ce fléau », affirme-t-il.
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