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Expérience française du débat citoyen en prison

Nicole Belloubet Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, assiste le 16 février 2019 à une réunion du Grand débat national au Centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet.

Suite aux manifestations citoyennes des gilets jaunes, le président francais Emmanuel Macron a organise des débats à travers le France, dans tous les milieux, y compris la prison. Anne Laure CABIROL, éducatrice aux droits humains et collaboratrice de DIS-MOI est intervenue en prison pour écouter les prisonniers et animer des débats citoyens.

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Le Grand débat national. Le 13 janvier 2019, Emmanuel Macron publie une Lettre aux Français qui détaille les questions posées dans le cadre du « Grand débat national ».

Au niveau des établissements, l’Administration pénitentiaire proposa des réunions avec les détenus. Je suis intervenue dans un établissement, apportant mon expertise dans l’animation et l’éducation à la citoyenneté démocratique pour organiser quatre débats.

Enjeux du débat citoyen en prison

Un débat participatif avec des détenus représente de nombreux enjeux. Le premier est la prise en compte du contexte : Le milieu carcéral est fait de contraintes, de violence et de méfiance. Comment créer les conditions d’un débat égalitaire, apaisé, favorisant la libération de la parole ?

Le second est celui du public : Ayant été coordinatrice socioculturelle en prison pendant trois ans, j’ai pu constater les spécificités de ce public en atelier. Les participants ont des bagages culturels et éducatifs très différents, et sont souvent motivés à venir en activité pour obtenir des Remises de peine ou sortir de cellule, mais ont peu d’intérêt pour le sujet proposé. En Maison d’arrêt, les personnes étaient préoccupées par leur situation pénale, le lien avec la famille, leur devenir… Peu de place donc pour du débat sur des sujets généraux liés à la citoyenneté !

Dernier enjeu : le résultat. Si l’objectif était de faire participer un maximum de détenus au Grand débat, l’Administration et moi-même en avions posé d’autres : favoriser le dialogue, l’acquisition de connaissances et l’intercompréhension entre participants.

Il m’a semblé indispensable d’instaurer un climat de débat favorisant et témoignant la confiance, l’égalité, et le respect. Cela est passé par plusieurs choix : la bibliothèque comme lieu de débat (endroit calme, neutre) vecteur de la culture valorisée; proposer une collation aux participants, vecteur d’échanges informels ; disposer les chaises en cercle, un tableau avec barres de progression indiquant quatre compétences par rapport auxquelles chacun pouvait s’évaluer (connaissances du thème, respect de la parole, capacité d’échange au sein d’un groupe, capacité d’écoute) ; élaborer les règles du débat avec les participants ; un compte-rendu de débat leur sera communiqué ; des activités d’animation basées sur la participation et l’expérience.

Détenu et citoyen

Cette attention à la forme a payé. Sur un débat avec des détenus, on ne travaille pas avec un public acquis. Dans ce contexte, toute prise de parole est une victoire, toute parole non interrompue est une victoire encore plus grande. J’ai le souvenir d’un participant, prostré en début d’atelier et qui à la fin confie : « J’aurais jamais cru parler autant. ». J’ai aussi en mémoire tous ces petits moments de « Désolé, je t’ai interrompu. » en fin d’atelier, alors qu’au début, nul ne s’excuser de couper la parole de l’autre. Cela témoigne d’un respect construit par le débat, et qui a permis l’expression des opinions.

Chaque débat était construit de manière à aborder une meilleure connaissance du sujet (définitions, concepts, chiffres, etc.), puis dans un second temps, une discussion et des propositions.

Un scepticisme était généralement exprimé quant au Grand débat national : son utilité, son effectivité. Cela était très lié à la méfiance quant au pouvoir en place et à sa capacité d’agir pour améliorer la vie des citoyens. Sur les thèmes, il y avait une énorme diversité d’idées pour « améliorer les choses ». Vote blanc obligatoire, service civil obligatoire, laïcité, augmentation des impôts proportionnels (considérés comme plus justes), etc.

(à suivre)

Anne-Laure CABIROL

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