État de santé de Navin Ramgoolam : la nouvelle arme politique de Pravind Jugnauth

L'intervention du Premier ministre au Parlement mardi fait l'objet de divers commentaires. Si certains de ses proches collaborateurs tentent de justifier cette méthode, d’autres pensent que cela pourrait se retourner contre lui.

La santé du leader du Parti travailliste (PTr), Navin Ramgoolam, est devenue une arme politique pour le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le gouvernement. Outre les détails sur les pilules retrouvées dans le coffre-fort de Navin Ramgoolam, le gouvernement avait révélé, en 2022, les efforts déployés pour faciliter son déplacement en Inde lorsqu’il avait été testé positif à la Covid-19. Les informations divulguées par Pravind Jugnauth mentionnaient même une conversation téléphonique entre l’épouse de Navin Ramgoolam et le Premier ministre, bien que Navin Ramgoolam ait, par la suite, nié cette affirmation.

Reste que les éléments présentés par Pravind Jugnauth, lors de sa récente intervention au Parlement, reflètent clairement l’état d’esprit du Premier ministre, selon ses collaborateurs. « Le Premier ministre a simplement décidé de ne plus faire de cadeaux à ses adversaires politiques. Il a longtemps été attaqué sur sa vie familiale et il a décidé de riposter vigoureusement contre ses opposants politiques », confie un conseiller du gouvernement.

Si les ministres et proches collaborateurs de Pravind Jugnauth applaudissent cette attitude, les réactions sont très différentes sur les réseaux sociaux et parmi les observateurs. Certains estiment même que les propos de Pravind Jugnauth pourraient se retourner contre lui, tout comme l’incident du micro caché impliquant l’ancien Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, (SAJ) en fin de campagne électorale de 2014, qui avait finalement eu des conséquences dévastatrices pour le PTr. 

Faizal Jeerooburkhan, représentant de Democracy Watch, pense que la réponse de Pravind Jugnauth au Parlement lui apportera certainement des gains politiques auprès de ceux qui sont « aveuglément attachés à sa cause », mais qu’en revanche, « les citoyens avisés et indépendants ne cautionneront jamais de tels propos ». 

Selon lui, attaquer la santé privée d’un adversaire politique relève d’une « lâcheté incroyable ». Il estime que le Premier ministre semble obsédé depuis un certain temps par les faiblesses comportementales de Navin Ramgoolam et se demande comment il aurait réagi si un parlementaire de l’opposition en avait fait de même sur sa vie privée ou celle de sa famille.

« Persécution » constante

Selon Rezistans ek Alternativ (ReA), la réponse de Pravind Jugnauth au Parlement symbolise la tendance actuelle du pouvoir à « persécuter » constamment les opposants politiques. Ashok Subron  explique que c’est la première fois que l’on assiste à un tel régime depuis l’indépendance, et que la « persécution obsessionnelle » des opposants est un élément récurrent au sein du gouvernement. Pour lui, la performance du Premier ministre au Parlement montre qu’il veut maintenant passer à un autre niveau. « Ses attaques incluent désormais des éléments psychosexuels, alors que cela aurait été plus sain s'il s'était simplement limité à fournir des informations sur l'argent provenant du coffre-fort de Navin Ramgoolam, qui est d'intérêt public. »

Abdallah Goolamallee, chargé de cours en communication, souligne, quant à lui, l’importance de séparer la vie privée d’une personne de sa vie politique. En ce qui concerne l’attaque de Pravind Jugnauth contre Navin Ramgoolam, Abdallah Goolamallee fait remarquer que le leader du PTr reste à ce jour « le seul véritable rival de Pravind Jugnauth, c'est pourquoi il est personnellement ciblé ». Cependant, ajoute-t-il, le Premier ministre aurait pu s’abstenir de divulguer autant d’informations.

Jagutpal : « La réponse était spécifique »

Le ministre de la Santé estime que la réponse fournie par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, au sujet des pilules retrouvées dans le coffre du leader du PTr en 2015 « était directe et spécifique ». Il réagissait à une question de la presse lors d’une visite sur le chantier du New Eye Hospital, à Réduit (voir en page 6). Selon lui, la réponse du Premier ministre n’était pas excessive. Interrogé sur les critiques selon lesquelles le chef du gouvernement aurait franchi une limite, le ministre de la Santé réplique que la règle du respect de la vie privée s’applique uniquement dans certains cas. « Il faut définir ce qu’est la vie privée d’un homme politique », avance-t-il, tout en exprimant son incompréhension quant à l’importance accordée à la réponse de Pravind Jugnauth.