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Est-ce que Maurice pourra conserver son statut de pays à hauts revenus ?

Cela fait cinq mois déjà que Maurice a accédé au statut de pays à hauts revenus. Comme la situation économique n’est guère reluisante, avec la crise du Covid-19, il est légitime d’évaluer à nouveau ce statut. Avec la forte contraction économique de 15,2 %, il sera difficile pour le pays, de maintenir ce cap.

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Ali Mansoor, ancien secrétaire financier : «Nous devrons être plus performants»

ali« Avec la dévaluation de la roupie et la décroissance du PIB, Maurice est en-dessous du seuil nécessaire pour figurer dans la catégorie des pays à hauts revenus. Toute reprise dépendra des mesures prises pour une relance économique. 

Avant la pandémie de Covid-19, nous faisions déjà face à pas mal de problèmes. Nous avons perdu notre compétitivité. Afin de donner un nouveau souffle à notre économie, nous devons trouver de nouveaux secteurs d’exportations, vu que notre économie est beaucoup trop petite pour seule soutenir de nouvelles activités économiques.

Avec un effort national, nous pouvons attirer l’investissement direct étranger dans des secteurs autres que le foncier et les services financiers, afin de durablement augmenter nos exportations. Pour cela, nous devons prendre des mesures pour mettre en place une bonne gouvernance, pour sortir de la liste noire,  permettre au système légal d’être aussi performant que celui de Dubai  et améliorer notre productivité. Il faut aussi agir pour rendre plus compétitifs notre système d’imposition, notre règlementation du travail pour mieux protéger les travailleurs,  tout en étant plus “business-friendly”, et les procédures qui régulent l’investissement. Voilà une série de défis que nous pouvons surmonter en mettant en œuvre une collaboration gouvernement, secteur privé, société civile et universités.  »

Manisha Dookhony, économiste : « Nous devons devenir une économie axée sur l’innovation »

manisha«  Nous avons attendu des années pour franchir la barre de 12 535 USD (avec 12 740 USD de GNI en 2019) pour rejoindre ce club Platinum. Nous avions franchi le seuil du club Gold (des pays à revenu intermédiaire), il y a une vingtaine d’années.  

Si la Banque mondiale revoit à la baisse le seuil d’entrée dans le club Platinum, nous redescendrons au palier inférieur, surtout avec la forte contraction économique autour de 15 %. Le taux de change jouera aussi, car nous avons eu une dévaluation très conséquente de la roupie vis-à-vis du dollar cette année.

Le dénominateur per capita a un rôle important dans la détermination, avec notre taux de croissance démographique faible (0,17 %, selon les estimations de l’ONU). Notre population devrait rester au niveau constant de 1,27 million jusqu’en 2030 et ensuite décroître. Si, à partir de 2021, le Revenu national brut (RNB) maintient une pente ascendante et même si nous perdons notre place dans le groupe des pays à revenus élevés, nous devrions rester dans la ligue des nations à hauts revenus dans les trois années à venir.

Ensuite, il y a les résidents non citoyens qui contribuent par leur travail, leur consommation ou encore leur investissement au total du revenu, mais qui ne sont pas inclus dans le calcul du per capita. Malgré beaucoup de départs, nous devrions attirer plus de résidents étrangers à s’installer à Maurice. Ainsi, il faut prendre en compte les sources de revenus étrangères et leur effet sur le RNB du pays. La politique pour que les étrangers viennent vivre et travailler à Maurice aura un effet croissant sur le RNB. Cela devrait devenir plus important dans le futur.

Nous avons un taux de natalité et de croissance démographique faibles, un niveau d’éducation élevé, malgré les failles, un système de santé développé, ainsi qu’un système juridique développé. Mais nous avons encore à faire pour créer un niveau d’emploi élevé, des systèmes de sécurité sociale développés, et promouvoir l’accès à la technologie. Il faut tout axer sur l’innovation, pour soutenir le développement économique. Donc, développer des entreprises plus axées sur le savoir et un secteur des services à haute valeur ajoutée.  »

Ganessen Chinnapen, économiste : «Pour les prochains 24 mois, difficile de maintenir ce statut»

ganessen« Pour les prochains 24 mois, ce sera difficile à maintenir ce statut. Il suffit de faire un simple calcul. Avec plus de 12 000 dollars américains, selon la Banque mondiale, nous sommes parmi les pays à hauts revenus. En-dessous, nous sortons de cette catégorie. 

La contraction de 15 % veut dire que le PIB sera inférieur de 15 %. C’est une tendance globale, beaucoup de pays feront face à une contraction, avec l’économie qui s’essouffle à cause de la pandémie de Covid-19. Ce n’est pas avant 2023 que l’économie mondiale reprendra et que nous sortirons de la crise. 

À Maurice, la situation est encore plus difficile, puisque nous sommes un petit état insulaire qui dépend beaucoup des marchés externes. Nos principaux secteurs, dont le tourisme, sont à genoux. Pendant les trois prochaines années, nous serons dans une phase de reconstruction. Maurice avait été classé parmi les pays à hauts revenus avant la pandémie. Or, la donne a changé. 

Dorénavant, le pays devra se reconstruire. Nous devons calquer notre économie sur cette nouvelle normalité. Il est important que nous revisitions notre modèle économique. Nous ne pouvons plus nous fier aux secteurs traditionnels. Il est grand temps de sortir des sentiers battus et de créer de nouveaux pôles de développement. » 

Rajiv Servansingh, observateur économique : «Ne soyons pas pessimistes»

rajiv«  Je ne pense pas qu’on figure toujours sur cette liste, avec une réduction de 15 % de notre Produit intérieur brut. On ne va pas dépasser les 12 500 dollars par tête d’habitant avec une contraction. 

Selon le gouvernement et le Fonds monétaire international, il y a une possibilité de rattraper de 9 à 10 % en 2021. Sauf que ce ne sera pas sur 100 %, mais 85 %. Ce qui fait qu’on sera toujours en-dessous du seuil imposé par la Banque mondiale. 

Je pense que si tout va pour le mieux et s’il y a une reprise économique, on pourra figurer à nouveau sur cette liste dans deux, voire trois ans. Bien évidemment, s’il n’y a pas d’autres crises. S’il y a encore un confinement, Maurice sera à genoux, mais ne soyons pas pessimistes. Espérons que les choses iront mieux et qu’on pourra se relever.  »

Pays à hauts revenus

C’est en juillet de cette année que Maurice a rejoint les pays ayant le statut de pays à hauts revenus, selon la Banque mondiale. L’île a rejoint les Seychelles comme le deuxième pays à se classer dans ce rang en Afrique. Le revenu par tête d’habitant à Maurice en 2019 s’est élevé à USD 12 740, soit une augmentation de 3,5 % par rapport à 2018. Ce qui est légèrement supérieur au plafond actuel : USD 12 535. Dans un communiqué, le ministère des Finances, de la Planification et du Développement économique avait indiqué que l’impact de la pandémie de Covid-19 n’a pas été pris en compte dans cet exercice, mais le sera pour la classification de 2020.

Pire performance économique 

Sur l’ensemble de 2020, la performance du pays a empiré, selon le rapport de Statistics Mauritius en date du 23 décembre. La contraction économique sera de 15,2 % en 2020, contre une estimation de 13 % en juin. Ce sera notre pire performance économique en quatre décennies, indique Statistics Mauritius.

 

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