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Erreur présumée à l’état civil : l’identité «perdue» de Premawati Jhugur, 70 ans

Rakesh assiste sa mère dans ses démarches pour obtenir enfin sa carte d’identité.

Premawati Jhugur partage la même identité qu’une autre personne, ce qui l’empêche de bénéficier de sa pension de vieillesse et de jouir pleinement de ses droits.

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Elle s’appelle Premawati Jhugur. Pourtant, malgré ses 70 ans, elle est « invisible » devant la loi. Elle n’a pas de reconnaissance officielle aux yeux de l’état civil, une autre personne portant le même nom qu’elle. « Je sens que je ne vaux rien aux yeux de la société », lâche la septuagénaire avec découragement.

Neuf ans, cette année, depuis qu’elle se bat pour retrouver son identité. Premawati Jhugur raconte qu’à la fin de 2013, à l’approche de ses 60 ans, elle a entamé les démarches auprès de la Sécurité sociale pour bénéficier de la pension de vieillesse. Aucun problème n’a été signalé et pendant six mois, elle a reçu sa pension normalement. 

Tout bascule lorsqu’elle entreprend d’obtenir sa carte d’identité biométrique. Lorsque la retraitée, accompagnée de son fils Rakesh, âgé de 45 ans, se rend au bureau de l’état civil de Port-Louis, elle est abasourdie d’apprendre qu’une autre personne portant le même nom a déjà entamé les mêmes démarches.

« Lorsque l’officier a pris la carte d’identité de ma mère, il a pris de longues minutes avant de relever la tête et de m’informer qu’une autre personne portant le même nom avait déjà entamé des démarches pour obtenir sa carte d’identité biométrique », explique Rakesh.

C’est l’agitation au bureau de l’état civil de Port-Louis. Premawati Jhugur et son fils Rakesh ne comprennent pas réellement ce qu’il se passe. « Trois officiers de l’état civil se sont présentés et nous ont informés que les démarches seraient suspendues et qu’une enquête sera menée afin de déterminer qui des deux personnes détient la réelle identité », déclare le quadragénaire. La carte d’identité de sa mère est perforée, la rendant invalide aux yeux de la loi. 

Il s’avère, d’après l’acte de naissance de Premawati Jhugur, que l’autre personne et elle ont le même père et la même mère et seraient nées au même endroit. D’où provient cette erreur ? C’est la question qui tourmente la retraitée depuis toutes ces années. 

En examinant attentivement l’acte de naissance, les membres de la famille de Premawati Jhugur découvrent que le nom de son père n’est pas correctement enregistré. « Nous soupçonnons une erreur de l’état civil à l’époque, ce qui a causé les problèmes actuels, car l’acte de naissance contient des inexactitudes », affirme Rakesh.

Difficultés au quotidien

Cette « erreur » a pour conséquence que depuis 2014, Premawati Jhugur se sent « invisible » aux yeux de la loi et est privée des mêmes droits que les autres Mauriciens. « Je suis épuisée par cette situation. Cela fait bientôt dix ans... Voir mon entourage et mes amies recevoir leur pension et profiter de la vie alors que je suis dans l’incapacité de le faire me blesse énormément », confie l’habitante de Nouvelle-France. 

Son compte bancaire a également été gelé. « Heureusement, ma mère a réussi à récupérer son argent peu de temps avant, car après les démarches à l’état civil, toutes ses transactions ont été bloquées », explique Rakesh.

Néanmoins, elle se retrouve aujourd’hui financièrement dépendante de ses proches. « Je dois compter sur les dons de mes enfants pour manger et boire, et ils doivent subvenir à mes besoins. Cela me fait beaucoup de peine », dit Premawati Jhugur tristement, qui ne peut pas non plus s’inscrire au groupe de troisième âge de sa localité.

De plus, selon son fils, d’autres difficultés surviennent au quotidien. « Par exemple, lorsqu’elle est malade, elle éprouve des difficultés à obtenir des soins à l’hôpital car, en l’absence de carte d’identité, les formalités d’admission et l’obtention de soins appropriés sont compliquées », fait-il savoir. D’ailleurs, pendant la période de pandémie, sa mère n’a pas pu être vaccinée contre la Covid-19 en raison de l’exigence de la carte d’identité pour les procédures de vaccination.

Tout récemment, l’état civil lui a délivré un « laissez-passer » qu’elle peut présenter à l’hôpital et dans les institutions où la carte d’identité est obligatoire, poursuit Rakesh. Sa plus grande inquiétude est qu’un malheur survienne à sa mère avant que ces problèmes ne soient résolus. « Que se passera-t-il en cas de décès ? Comment sera-t-elle enregistrée et sous quel nom ? Aura-t-elle un acte de décès ? Ce sont des questions qui nous préoccupent, mes frères et moi », partage-t-il.

Procédures au point mort

Pendant toutes ces années, Rakesh affirme s’être rendu à plusieurs reprises au bureau de l’état civil dans l’espoir de trouver une solution pour sa mère, mais en vain. « Les officiers de l’état civil m’ont laissé entendre qu’il est possible que son père ne l’ait pas déclarée et qu’elle porte le nom de sa mère, ce qui expliquerait les problèmes actuels, mais cela reste flou », explique-t-il.

Su bureau de l’état civil, fait-il valoir, on lui a indiqué qu’il devrait engager les services d’un avoué et d’un avocat afin que l’affaire soit portée devant les tribunaux. « Cependant, cela risque de prendre du temps avant qu’un jugement ne soit rendu. Il est possible qu’elle ne perçoive jamais sa pension... » déplore-t-il.

Malgré cela, il affirme avoir consulté un avocat. Cependant, les honoraires de ce dernier seraient « astronomiques ». « Il m’a informé que c’était une affaire complexe et a exigé Rs 400 000 pour la poursuite de l’affaire devant les tribunaux. Où vais-je trouver une telle somme ? Nous n’avons pas les moyens, nous venons d’un milieu modeste », précise Rakesh.

« Nous ne blâmons pas l’état civil, ni même la personne qui porte la même identité que moi. Cependant, je reste la grande perdante dans cette situation et je ne sais pas si je pourrai un jour bénéficier des mêmes droits en tant que personne âgée », met en avant Premawati Jhugur.

Le souhait de la retraitée est qu’une solution soit trouvée par les autorités afin qu’elle puisse bénéficier de sa pension de vieillesse et profiter de ses jours de retraite. « Mo espere enn zour mo resi tous mo pension », dit-elle.

 

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