Economie

Eric Ng : « Une croissance de 3,4 % est une contre-performance »

Pour instiller la confiance au sein de la communauté des affaires, il faut que le pays soit bien gouverné et l’économie bien administrée, estime Eric Ng. Dans cet entretien, le directeur du Cabinet PluriConseil commente les analyses de la Chambre de Commerce sur l’économie ainsi que l’impact des turbulences politiques sur le business.

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« La déclaration du Premier ministre sur le changement à la tête du pays a augmenté l’incertitude économique. »

La Chambre de Commerce estime que les perspectives économiques pour 2016-17 s’annoncent « modérées ». Elle préconise plusieurs mesures pour relancer la machinerie économique. Vos commentaires ?
J’ai deux observations à faire. En premier lieu, je note que la Chambre de Commerce a révisé le taux de croissance à la baisse, soit deux mois après la présentation du Budget qu’elle avait, par ailleurs, applaudi. Deuxièmement, la Chambre de Commerce préconise un certain nombre de mesures tels que le relèvement du seuil d’imposition fiscale, l’introduction d’un impôt négatif sur le revenu ou encore l’extension du remboursement de la TVA. Ce sont-là des mesures qui auraient dû être proposées avant le Budget et non pas maintenant. Ce qui me laisse perplexe.

Pourtant, le Budget avait apporté un certain ‘feel good factor’. Pourquoi la machinerie s’est-elle à nouveau grippée ?
On peut venir avec les meilleures mesures budgétaires du monde, mais il y a des facteurs intangibles qui sont  plus importants tel que la confiance. Pour instiller la confiance parmi les investisseurs, il faut que le pays soit bien gouverné et l’économie bien administrée. Or, juste après la présentation du Budget, il y a eu le ‘clash’ entre le ministre de la Bonne gouvernance  et le ‘Senior advisor’ du ministre des Finances.

Aujourd’hui, il y a une guerre ouverte entre deux ministres sans parler du manque de cohésion et de cohérence autour du projet Heritage City. Par ailleurs, la population a été scandalisée par l’affaire des Rs 19 millions de l’avocat Trilochurn. Si au sommet de l’État, on ne sait pas où se trouve le centre du pouvoir et dans quelle direction on part,  l’investisseur n’aura aucune confiance et cela se reflètera au sein de l’économie.

Justement, dans le monde des affaires, on voit d’un mauvais œil les turbulences politiques actuelles. Pour certains opérateurs, c’est le retour à la case départ avec l’économie, qui est reléguée une nouvelle fois au second plan. Que faire pour instaurer la confiance ?
Dans le monde des affaires, on veut une fois pour toute qu’il y ait une clarification au sommet de l’État par rapport au changement de Premier ministre et quand aura lieu le changement. Tant qu’il y aura la confusion sur où se situe le centre de pouvoir et de décisions, le doute persistera dans l’esprit des investisseurs. Ces derniers n’iront pas de l’avant avec leurs projets. La déclaration du Premier ministre sur le changement à la tête du pays a accru l’incertitude économique.

Dans le milieu des affaires, on se pose plusieurs questions : est-ce qu’on aura un quatrième ministre des Finances en moins de deux ans ? Est-ce qu’il y aura un changement de politique économique ou est-ce que la continuité primera ? Est-ce que le nouveau Premier ministre conservera le portefeuille des Finances ? Il faut des réponses à toutes ces questions pour que la confiance revienne.

La Chambre de Commerce table sur une croissance de  3,4 % en 2016, soit un taux inférieur aux 3,9 % prévus par Statistics Mauritius cette année. Quand pourra-t-on dépasser la barre psychologique des 4 % ?
Une croissance de 3,4 % est inférieure à celle de 2015 (3,6 %), qui était encore pire que celle de 2014. Une croissance de 3,4 % est une contre-performance. Même si dans le Budget, on prévoit un retour de croissance à 4 %, je suis sceptique qu’on franchisse cette barre, surtout qu’il y a du retard dans la mise en œuvre des mesures budgétaires. D’ailleurs, je crois que les esprits seront toujours tourmentés par la politique surtout s’il y a un changement de Premier ministre. L’économie passera au second plan et je vois mal un retour de croissance au-dessus  de 4 %.

L’économie mauricienne a besoin autant d’investissements publics que privés. Or, malgré les annonces en grande pompe, on tarde à voir les projets se matérialiser. Faudrait-il s’engager sur la voie d’une réforme du secteur public pour instaurer une culture d’efficience et faire bouger les projets ?  
Dans le Budget, on a annoncé la fusion de plusieurs corps paraétatiques. Je trouve qu’on a gardé les CEO de chacune des entités s’agissant de la fusion de Business Parks of Mauritius,  State  Property Development Corporation et State Land Development Company. Or, une fusion signifie une rationalisation des dépenses, un allègement des structures.

Si on garde tout en place, soit la structure et le management, on finit avec un monstre bureaucratique. Toutefois, il est nécessaire d’engager la réforme du secteur public. Cependant, dans un contexte où la politique prime sur l’économie, je me demande si le gouvernement aura le courage de réformer le secteur public, surtout qu’il y a des pressions de la part de l’Opposition pour qu’il y ait les élections anticipées.

 

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