Le Monetary Policy Committee qui s’est réuni la semaine dernière a décidé de maintenir le taux directeur à 4,5 %. Comment accueillez-vous cette décision ?
Ce n’est pas un événement. Le maintien du statu quo était attendu, vu que l’inflation est encore très élevée, loin de l’objectif fixé. La Banque de Maurice est une des rares banques centrales au monde à n’avoir pas relevé son taux directeur en 2023. Les principales banques centrales ont resserré leur politique monétaire. Si elle les avait suivies, l’inflation aurait été moins élevée aujourd’hui. Ce qui aurait permis une légère baisse du taux d’intérêt face à un taux de croissance moindre cette année. D’habitude, Statistics Mauritius est très conservateur en matière de prévision de la croissance économique au début de l’année. Le bureau des statistiques table sur 4,9 % cette année, contre 7,0 % l’année dernière. Et nul ne doute qu’il révisera le taux à la baisse dans ses prochaines actualisations. Je ne serais pas surpris si le taux de croissance de 2024 est finalement en dessous de 4,0 %. Le Monetary Policy Committee (MPC) ne peut ni augmenter le taux directeur (ce qui pénaliserait une croissance déjà en baisse) ni le diminuer (ce qui stimulerait une inflation déjà forte). Le statu quo n’est cependant pas une solution idéale, mais sans doute la moins mauvaise. Car il ne stoppera pas le glissement de la roupie ni n’arrêtera l’envolée des prix. La position de la banque centrale est des plus inconfortables. Après avoir semé de l’argent, elle récolte maintenant une tempête inflationniste.
Quelles sont les implications de ce statu quo sur la consommation, l’inflation, les investissements, l’épargne et l’économie en général ?
La décision du MPC n’a aucun impact sur les grands indicateurs de l’économie. Du reste, dans la publication du 29 mars de la comptabilité nationale, avant la réunion du MPC, Statistics Mauritius n’a pas pris en compte l’impact de l’évolution du taux d’intérêt sur ces indicateurs. C'est comme s'il avait anticipé le maintien du taux directeur. Que nous disent les chiffres pour l’année 2024 ? La consommation des ménages va croître toujours modérément, en dessous de 3,0 % par an, mais bien moins vite que la production nationale, puisqu’elle va fléchir par rapport au produit intérieur brut (PIB). L’investissement privé par rapport au PIB va certes progresser. Mais ce sera surtout dans les travaux de construction et de bâtiment et dans les équipements de transport. Mais pas dans des machines qui favorisent la productivité des entreprises. D’ailleurs, l’investissement dans le secteur manufacturier reste faible, et celui dans l’information et la communication, un secteur émergent, stagne. Quant à l’épargne, si elle reprend, c’est parce que les gens anticipent une hausse des impôts dans le futur, étant conscients du fort endettement public actuel. L’inflation en glissement annuel, après avoir reculé à 3,9 % en décembre, est remontée brutalement à 5,2 % en janvier et à 6,2 % en février. Même en excluant les prix alimentaires et énergétiques, l’inflation sous-jacente demeure très élevée. Elle est supérieure à 4,0 %. Mais il s’agit là du niveau général des prix. L’inflation alimentaire en particulier, qui affecte le plus les ménages modestes, est de plus de 15 % sur un an.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a également maintenu ses taux directeurs la semaine dernière, pour la cinquième fois consécutive. Elle a indiqué qu’elle prévoyait de les réduire de trois quarts de point de pourcentage cette année. Peut-on s’attendre à la même tendance à Maurice, c’est-à-dire à une baisse du taux directeur cette année ?
La Fed peut maintenir ses taux parce qu’elle les a beaucoup augmentés. Pour la seule année 2023, elle l’a fait en quatre occasions pour un total de 100 points de base, alors que la BoM n’a rien fait. Depuis mars 2022, la Fed a relevé son taux directeur par 525 points tandis que notre taux directeur a grimpé de seulement 265 points… Étant donné cet écart grandissant entre les taux américain et mauricien, notre taux directeur devrait plutôt monter même si celui de la Fed commence à baisser. Si nous n’avons pas suivi la Fed lorsqu’elle a resserré le taux d’intérêt, nous n’avons pas à la suivre quand elle assouplit son taux. Ce serait non seulement intellectuellement malhonnête, mais aussi économiquement illogique et inefficace. Mais il est vrai que la logique n’a plus sa place dans notre politique monétaire depuis la covid-19, avec pour conséquence une chute drastique de la roupie.
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