Auteur d’un 5e ouvrage consacré à l’économie, intitulé Economic Sense, Éric Ng, directeur-général de la société PluriConseil, explique pourquoi l’économie doit être expliquée aux Mauriciens ‘capables de comprendre des choses intelligentes’.
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À quoi sert un livre en économie, qui est une lecture plutôt rébarbative, s’il ne s’adresse qu’à une minorité ?
Justement, mon but, avec ce 5e ouvrage, est de vulgariser les notions de base en économie, en évitant deux écueils : la complication et le simplisme. Je contribue souvent dans la presse, mais il s’agit souvent d’interviews et d’opinions dans un cadre restreint. Dans cet ouvrage, j’aborde certaines notions de base, sans sacrifier la profondeur des analyses. En outre, j’utilise l’anglais car le français est plus répandu à Maurice mais cette langue ne permet pas d’expliquer un certain nombre de concepts économiques.
Tout écrivain souhaite être lu. Pourquoi le citoyen lambda doit-il s’intéresser à votre ouvrage ?
L’économie est dans la vie quotidienne de tous les citoyens. Elle n’est pas l'affaire de spécialistes, elle nous concerne parce qu’elle est une science de choix quotidiens. Et toute notre vie est articulée autour des choix. Un exemple : quand des parents décident d’investir dans l’éducation de leurs enfants, ils procèdent à partir d’un choix. Un des fondamentaux en économie, c’est la notion de l’abondance et de la rareté, lesquelles ne sont pas égales. En économie, nous apprenons comment choisir et allouer les ressources de manière efficace.
J’essaie de répondre à ces questions. Un exemple pertinent est le projet de Metro Express. L’Inde nous a prêté Rs 10 milliards, auxquels s’ajouteront Rs 7 milliards. Nous avons décidé d’investir dans un projet dont nous ne sommes pas sûrs de sa priorité, alors qu’il y a urgence à apporter une solution à l’approvisionnement en eau, aux entreprises, à nos infrastructures…, entre autres. Comme tout projet a un coût, il reste à attendre si les investissements dans le Metro Express généreront des bénéfices.
Au-delà de la lecture, à quoi sert ce 5e ouvrage ?
Il sert de référence, ce n’est pas un bien de consommation. Il n’a pas la même fonction qu’un article de presse, il est plus structuré. Contrairement aux sciences naturelles, nous sommes dans l’histoire des idées et des faits économiques. L’économie doit être comprise par le plus grand nombre afin de ne pas se laisser berner par les fausses promesses des politiciens. Si vous restez dans l’ignorance de l’économie, vous êtes livré à la merci des démagogues et autres charlatans parce que les politiciens vous vendent des rêves, et ce, avec l’argent des contribuables. Il n’y a pas de diner gratuit, parce que quelque part, quelqu’un doit payer. J’étais sans doute le seul économiste à refuser de croire au ‘miracle économique’.
Comment transcrire les concepts et les faits économiques dans un langage accessible ?
Ce n’est pas un exercice aisé, il faut trouver un langage compréhensif, simple et précis, qui rend la lecture intéressante. Mon livre s’intéresse à l’individu qui est capable de comprendre des choses raisonnables et qui peut arriver à comprendre une analyse économique, sans pour autant qu’il soit un spécialiste. Je fais évidemment un peu de pédagogie. J’ai essayé de faire de la vulgarisation sans être vulgaire et la simplicité sans perdre la profondeur de l’analyse. Pas plus tard que mercredi de la semaine dernière, alors que j’étais dans une banque, un agent de sécurité m’a reconnu et m’a dit qu’il lisait tous mes livres. Ça m’a fait plaisir de savoir qu’un simple employé arrive à comprendre ce que j’écris. J’écris du ‘common sense’ sur l’économie.
On a souvent critiqué les économistes de par l’absence de la dimension sociale dans leurs analyses…
Il faut tenir compte de cette dimension-là, car il y a des inégalités sociales et salariales, mais il faut analyser chacune de ces questions dans sa réalité. L’économie fait partie intégrale de la société et tout le monde souhaite plus de création d’emplois et de pouvoir d’achat. Mais la seule différence tient à la manière de réaliser ces objectifs. D’un côté, on peut croire que l’État génère les emplois, et de l’autre, on affirme que c’est le marché qui permet aux opérateurs de créer les emplois.
Est-ce que le gouvernement pratique une politique interventionniste ?
Il investit pas mal dans l’économie, notamment de gros investissements, là où le privé ne peut le faire. C’est bien, mais lorsque l’État s’endette trop, il dépense des ressources financières au détriment du secteur privé. Actuellement, le gouvernement et les entreprises publiques représentent 30 % des emplois des grands établissements. C’est beaucoup. Le problème, c’est que les Mauriciens veulent tous travailler dans le secteur public.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
C’est un problème culturel, alimenté par les politiciens qui promettent des emplois pour gagner des votes. Aujourd’hui, on n’entend aucun politicien encourager un diplômé à aller trouver un emploi dans le secteur privé et ça a été comme ça pendant des années. Un job dans le secteur public est sécurisant : on travaille de 9h à 16h, avec une pension en fin de carrière et dans certains cas on ne travaille pas les samedis.
Il faut aussi souligner que la politique salariale de l’État influence celle en vigueur dans le secteur privé, qui continue de croître. En même temps, le budget de la santé, de l’éducation et de la sécurité sociale augmente dans un contexte de vieillissement de la population active. La pension de base grimpera considérablement parce que la population vit plus longtemps. Nous aurons besoin de plus de ressources si on veut soutenir l’état-providence, donc il faut impérativement réformer les entreprises publiques.
Le vieillissement de la population est une véritable bombe à retardement. Une des plus grosses anomalies, selon moi, c’est d’accorder la pension à des personnes qui ont atteint 60 ans mais qui travaillent encore.
Il faut avoir beaucoup de courage politique pour débattre de cette question, de même que celles concernant le ciblage de la pension universelle et le calcul du salaire minimum, car si on fixe un taux uniforme pour tous les secteurs, ceux comme la construction, le commerce et la distribution ne pourront ni payer, ni recruter et il y aura moins d’augmentation de salaires.
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