Le Dr Shameem Jaumdally et le Dr Vasantrao Gujadhur sont catégoriques : le ministère de la Santé gagnerait à jouer davantage la carte de la transparence afin que la population soit mieux informée de la situation de la fièvre dengue.
Rendre publics le nombre de cas officiels de la dengue et celui des cas actifs ne suffit pas. C’est ce qu’estiment le Dr Shameem Jaumdally, virologue mauricien exerçant en Afrique du Sud, ainsi que le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé. Tous deux plaident pour que les autorités sanitaires fassent preuve de plus de transparence. Ils sont d’avis qu’en sus des données communiquées régulièrement, la population a le droit d’avoir accès au taux de positivité, qui mesure le nombre de cas positifs par rapport au nombre total de tests effectués.
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Ces professionnels de santé ajoutent que le ministère de la Santé devrait être plus transparent aussi au niveau des décès dus à la dengue. Selon eux, les autorités ne peuvent pas se contenter d’attribuer les décès à des comorbidités sans tenir compte de l’infection par la dengue. Un ancien directeur des services de santé, qui a préféré rester anonyme, avance que cette pratique sème le doute, car cela pourrait donner l’impression que les autorités manipulent les chiffres.
Selon le Dr Shameem Jaumdally, le ministère de la Santé n’adopte pas la meilleure stratégie en matière de détection et de dépistage de la dengue. Il précise qu’une approche plus efficace et davantage transparente aurait permis d’obtenir des données plus précises sur le nombre de cas quotidiens ou hebdomadaires.
Le virologue déplore également le manque d’exercices sérologiques pour évaluer le nombre de personnes ayant déjà été infectées par la dengue. « Il est important pour une personne de connaître son statut sérologique, car si elle est infectée par un autre sérotype de la dengue, elle pourrait souffrir de complications de santé plus graves », explique-t-il.
Le Dr Gujadhur estime que la population n’est pas suffisamment informée de l’étendue réelle de l’épidémie. Il souligne que, selon les informations les plus récentes, elle semble se propager du secteur de Port-Louis et de ses environs vers les régions Nord, Est et Sud, notamment les basses Plaines-Wilhems.
Cette observation conduit le Dr Gujadhur, ainsi qu’un autre ex-directeur des services de santé, à conclure que les autorités ont perdu le contrôle sur la progression de l’épidémie.
Ils notent également que le protocole établi pour les exercices de fumigation n’est pas rigoureusement suivi. Le Dr Gujadhur insiste sur le fait que ces opérations devraient être répétées plusieurs fois pendant une dizaine de jours pour obtenir les résultats escomptés. Ce qui n’est pas le cas, selon lui. Cela le pousse à penser que la prévalence et l’incidence de la dengue demeurent élevées.
Responsabilité de la population
Le Dr Jaumdally estime lui aussi que les fumigations ne produisent pas de résultats probants, surtout compte tenu des précipitations fréquentes des dernières semaines. « Il est préférable de prendre des mesures individuelles pour évacuer l’eau accumulée et empêcher la prolifération des moustiques », dit-il. Le virologue encourage une participation accrue de la population dans cette démarche.
« La lutte contre la dengue et l’épidémie relève davantage de la responsabilité de la population. Le gouvernement peut mettre en place toutes les mesures qu’il veut à travers la fumigation et autres, mais la sensibilisation est l’élément principal, si ce n’est le plus important, pour que chacun prenne les mesures qui s’imposent », affirme-t-il. Le Dr Jaumdally suggère également que les autorités devraient être plus transparentes dans la diffusion des informations, ce qui serait bénéfique pour elles. « Plus de la moitié de la population adulte souffre de comorbidités. Si les décès des personnes infectées par la dengue sont attribués à leurs maladies sous-jacentes plutôt qu’à leur infection par le virus, cela ne reflète pas la réalité. »
Face à la persistance de l’épidémie, le Dr Gujadhur s’interroge sur le coût potentiel pour l’État, incluant les heures supplémentaires, les produits utilisés et les traitements, entre autres dépenses. Du 11 décembre 2023 au 5 mars 2024, le ministère de la Santé a enregistré officiellement 2 534 cas, un chiffre jamais atteint lors des précédentes épidémies dans le pays.
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