Economie

Entrepreneuriat : ces chômeurs qui ont créé leurs entreprises

Entrepreneuriat
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Devianee, Ashwin, Dorinne, Vidyarutt et Khesika ne se connaissent pas, mais ils ont un point en commun. Ils se sont mis à leur propre compte après des mois au chômage. Voici l’histoire de ces cinq chômeurs devenus patrons.

Devianee Seegoolam : la pâtissière la plus connue de Nouvelle-France

Devianee Seegoolam
Devianee Seegoolam

À Nouvelle-France, tout le monde connaît la pâtissière. Et pour cause, Devianee Seegoolam, 37 ans et mère d’un garçon de 13 ans, s’est taillée une solide réputation dans le village grâce à ses croissants, ses feuilletés, ses tiramisus, ses gâteaux d’anniversaire et de mariage et d'autres pâtisseries. Le bouche-à-oreille a fait qu’aujourd’hui Devianee Seegoolam compte parmi sa clientèle fidèle des habitants de Chemin-Grenier, de La Flora et d’autres régions du Sud. D’ailleurs, sa pâtisserie « Nice & Tasty » qui a ouvert ses portes, le 12 août 2015, ne se désemplit jamais. Il n’est donc pas étonnant que l’enseigne reste ouverte jusqu’à 20 h 30 du lundi au jeudi, jusqu’à 21 heures le vendredi et samedi et 17 heures le dimanche.

Un success story qui n’aurait pas eu lieu si Devianee Seegoolam ne s’était pas retrouvée au chômage. Elle a débuté sa carrière en tant que caissière dans une pâtisserie où elle travaillera pendant huit ans. C’est là-bas qu’elle apprendra les ficelles du métier et qui vont lui être utiles à l’avenir. « Quand j’ai déménagé à Nouvelle-France, j’ai dû démisionner en raison de la distance », relate l’entrepreneure.

Devianee Seegoolam postulera pour plusieurs emplois. « Je décrochais des postes qui étaient trop loin ou dont les conditions de travail n’étaient pas évidentes. Le fait de ne pas obtenir d'emploi me stressait et j’étais vraiment découragée », fait-elle ressortir.

Mais, avec le soutien de sa famille, Devianee Seegoolam prend son courage à deux mains et décide de se lancer à son propre compte. « Je voulais voir si ça marchait et je n’avais rien à perdre », lance-t-elle. Un pari gagnant ! Aujourd’hui, elle reçoit pas mal de commandes en sus de sa vente quotidienne.

Elle envisage de proposer à l’avenir des mini-burgers ainsi que des amuse-gueule. « J’attends que ma demande d’emprunt soit approuvée avant d’aller de l’avant avec ce projet. Si tout se passe bien, je pourrais employer une personne à plein temps voire plusieurs (NdlR : elle emploie actuellement une personne à temps partiel) », indique-t-elle. Et de conclure : « Je suis fière de mon parcours et je regrette d’avoir perdu du temps pendant un an à trouver un emploi. Mon business aurait beaucoup plus évolué si j’avais commencé plus tôt. »

Vidyarutt Ramkalawon : Le hardworker à la volonté de fer 

Vidyarutt Ramkalawon
Vidyarutt Ramkalawon

Le parcours de Vidyarutt Ramkalawon est atypique. Cet habitant de Laventure, âgé de 52 ans, a connu très tôt le chômage, soit après avoir complété la Forme V. « À l’époque, il n’y avait pas de travail. Je suis donc devenu laboureur », se remémore ce père de deux enfants. Après deux ans, Vidyarutt Ramkalawon décide de changer d’orientation. Il débute dans le textile, qui était devenu un des fleurons de l’économie à l’époque. Pendant 15 ans, il travaillera dans plusieurs usines. Une période où il apprendra comment faire des tee-shirts, des jeans, des chemises et autres confections textiles. Il finit par travailler dans un atelier à Quartier-Militaire, mais après deux ans, l’entreprise met la clé sous la porte.

Loin de se laisser abattre, Vidyarutt Ramkalawon ouvre son propre atelier après deux mois de chômage. Il faut dire que le quinquagénaire avait déjà pris des dispositions. Tout en travaillant pour autrui, il économisait et planifiait déjà de se mettre un jour à son propre compte. C’est ainsi que petit à petit, il a acheté des machines à coudre, a suivi plusieurs formations et a même fait une demande pour un permis.

Sa perte d’emploi l'a poussé à réaliser au plus vite ses projets. Et c’est ainsi que « Tsinkers » voit le jour, il y a deux ans. L’entreprise est spécialisée dans la confection de tee-shirts, polo shirts, jeans et shorts. Vidyarutt Ramkalawon, assisté de son épouse et de sa sœur, écoule ses produits dans les magasins et les foires. «  J’ambitionne d’exporter mes produits et de recruter si j’ai suffisamment de commandes  », indique-t-il tout en espérant que ses enfants prendront le flambeau un jour. À ceux qui souhaitent se mettre à leur propre compte, il leur conseille d’être patients. «  C’est très difficile au début, mais avec de la persévérance, on finit par récolter les fruits », conclut-il.

EN CHIFFRE

35 % des entrepreneurs à Maurice ont créé leurs boîtes parce qu’ils étaient au chômage ou avaient été licenciés, révèle-t-on dans le SME Master Plan.

Khesika Budreika : quand la créativité prend vie

Khesika Budreika
Khesika Budreika

Une carte pour la Fête des mères. Voilà comment Khesika Budreika (31 ans) s’est rendue compte qu’elle avait un potentiel pour la confection de cartes personnalisées. En faisant une carte pour son petit cousin, cette habitante de Pailles ne s’attendait pas à recevoir un appel de l’enseignante de celui-ci. Impressionnée par sa créativité, l’enseignante lui demande de faire plusieurs autres cartes. La carrière de Khesika Budreika est donc lancée.

C’est ainsi que la jeune femme a créé, il y a deux ans et demi, « Moments of I Handicraft ». L’enseigne propose des cartes personnalisées pour des occasions (anniversaire, mariage, fiançailles, etc), des emballages ainsi que des accessoires. Aujourd’hui, elle ne manque pas de commandes. Elle envisage même à l’avenir de former et d’employer des gens pour l’aider dans sa tâche.

Pourtant, rien ne présageait que Khesika Budreika allait être son propre patron. Après le collège, la jeune femme a suivi des cours de interior design chez JR School. Elle s’envolera ensuite en Malaisie où elle obtiendra un diplôme dans le même domaine au Limkokwing University. De retour à Maurice, elle travaillera dans une entreprise avant de bouger dans une autre compagnie. «  J’ai dû toutefois quitter mon emploi car je devais voyager », souligne-t-elle. À son retour, la jeune femme postulera pour plusieurs emplois, mais cela n’aboutira pas. Pour occuper son temps libre, elle se met à faire des cartes pour ses proches et ses amis. Poussée par eux, elle se met à son propre compte. «  Les officiers du National Women Entrepreneur Council m’ont beaucoup guidé. J’ai participé à une première foire. J’avais des appréhensions, mais le response  était très positive », se rappelle-t-elle. Depuis, Khesika Budreika travaille sur commande et expose ses produits dans des foires.  

Dorinne Townsend : l’autodidacte à qui tout réussit 

Dorinne Townsend
Dorinne Townsend

Trois ans. C’est le nombre d’années pendant lesquelles Dorinne Townsend, une habitante de Bel-Ombre et âgée de 35 ans, est restée sans emploi. « Auparavant, j’étais Special Need Teacher, un métier que j’ai pratiqué pendant cinq ans. J’ai dû, toutefois, démissionner car ma mère est tombée gravement malade et je devais m’occuper d’elle », relate Dorinne Townsend, qui est elle-même mère de deux enfants. Le temps passe et la mère de Dorinne se rétablit.

Dorinne Townsend, qui a toujours été très active, souhaite donc réintégrer le monde du travail. « J’ai cherché de l’emploi, mais je n’étais pas satisfaite des conditions. Je cherchais surtout un poste flexible afin de pouvoir m’occuper parallèlement de ma mère », fait-elle ressortir. En attendant de trouver l’emploi qui lui convient, Dorinne Townsend se met à fabriquer des reusable cloth pads (NdlR  : ces produits peuvent être utilisés par des personnes souffrant d’incontinence), des produits pour bébé ainsi que des sacs de plage et des trousses de maquillage qu’elle expose dans une foire. La carrière de Dorinne Townsend en tant que femme entrepreneur est donc lancée.

« On m’a beaucoup complimentée sur mes produits lors de la dernière foire à laquelle j’ai participée. C’est très motivant  », souligne-t-elle. La jeune femme peut être doublement fière dans la mesure où elle n’a suivi aucune formation pour la confection des produits qu’elle propose à sa clientèle. « C’est après ma première foire quand j’ai pu découvrir les attentes de la clientèle. J’ai donc commencé à  me perfectionner en visionnant des tutorials sur Youtube », indique l’entrepreneure.

Elle a officiellement lancé son entreprise cette année, qu'elle a baptisée « Bless & Sew ». Elle envisage de créer une page Facebook, dédiée à ses produits et compte employer une personne pour l’aider dans sa tâche. En attendant, elle participera à une expo-vente du 25 au 29 juillet au Centre Swami Vivekananda, Pailles.

Aux chômeurs, elle lance ce message : « Ne pas obtenir d'emploi, c’est l’occasion de faire preuve de créativité. Il faut savoir, toutefois, que les débuts sont difficiles. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se décourager. »

Ashvin Rama : l’ex-chômeur qui crée de l'emploi 

Ashvin Rama
Ashvin Rama

C’est le genre de personne qui ne baisse jamais les bras. Lui, c’est Ashwin Rama, habitant de Port-Louis et âgé de 29 ans. Il est à la tête d’Admin Tax Co Ltd, compagnie qui a vu le jour en janvier 2017. Mais, avant de créer son entreprise, Ashwin Rama a connu la dure réalité du monde du travail.

Pourtant, tout avait bien commencé pour lui. Après avoir complété le HSC, il intègre une entreprise familiale comme Accounts clerk. En 2012, il travaillera comme Accounts officer dans une autre entreprise où il sera promu comptable après un an et demi.

Mais, en janvier 2016, tout s’écroule. Ashwin Rama est licencié pour des raisons économiques. « C’était très dur de se retrouver sans emploi surtout en début d’année », fait-il ressortir.  Toutefois,  il n’a pas voulu chercher un autre emploi tout de suite. Comme il venait de compléter un BSc Management with Finance et qu’il avait déjà un diplôme ACCA en poche, Ashwin Rama décide d’ouvrir une firme en comptabilité. « L’idée m’est venue car j’avais pas mal d’amis qui me sollicitaient pour de conseils sur la comptabilité et la taxation », avance-t-il. Le jeune homme aide notamment les entrepreneurs qui viennent de lancer leur entreprise au niveau de la finance et de leur obligation vis-à-vis de la Mauritius Revenue Authority. Aujourd’hui, la compagnie dispose d’un portfolio de 17 clients. « Nous gérons depuis peu les finances d’une compagnie textile qui emploie 200 personnes », se réjouit-il.

Le plus intéressant c'est que l’ancien chômeur emploie aujourd’hui cinq personnes. Son prochain objectif : former, à partir de novembre, des jeunes qui sortent de l’université pour qu'ils gagnent de l’expérience en comptabilité. « La formation sera davantage pratique que théorique », indique-t-il.

Diane Maigrot (Startup and Business developer chez La Turbine) : «Il faut être fort psychologiquement»

Diane Maigrot
Diane Maigrot

Quelles sont les étapes à suivre avant de monter sa propre entreprise ?
La première chose à faire est avant tout de se demander si vous êtes assez fort psychologiquement pour surmonter les moments difficiles. Passé cette étape, faites une étude auprès de vos clients potentiels et demandez leur si le produit ou le service que vous souhaitez développer correspond à leurs besoins réels. Le Mauricien a souvent peur de parler de son idée avant de mettre sur le marché. Or, il n'y a pas de meilleure stratégie que de construire son offre en partenariat avec son client. Ensuite, il y a les démarches administratives et légales comme incorporer la compagnie, trouver des partenaires, signer un shareholder agreement, etc.

Quels sont les avantages et les risques de se mettre à son propre compte ?
Les avantages sont nombreux : autonomie, flexibilité, rapidité de décision, satisfaction, réalisation personnelle et surtout acquérir de l’expérience. Il n’y a pas de meilleure école ! Concernant les risques, tout dépend du montant investi et du temps que vous avez consacré au développement de votre idée. Plus le montant et le temps dédié à votre projet sont importants, plus les risques seront grands. Mais si vous respectez la première étape, vous aurez moins de risques. C’est ce que nous essayons d’encourager à la Turbine  : fail fast, fail cheap ! Vous pouvez créer un prototype (minimum viable product), le tester rapidement avec vos clients et l’améliorer ou le modifier jusqu’au produit idéal.

Est-ce que la création d’entreprise est une solution au chômage ?
La création d’entreprise est avant tout une solution pour répondre à un besoin existant ou un besoin de résoudre des problèmes pertinents d’un public ou d’une entreprise. Vous avez autant de chance d’être au chômage dans votre entreprise si le service ou le produit que vous souhaitez vendre ne trouve pas de demande.

Quels sont vos autres conseils à ceux qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Je conseillerai à ceux qui veulent se lancer d’être bien entourés. La famille et les amis sont les premiers fous à croire et investir en vous ! Le plus important pour celui ou celle qui se lance est la détermination et la volonté d’y arriver. Le premier business plan est souvent irréalisable. Il y a des imprévus et des choses auxquelles on n’a pas pensé qui viennent changer la donne. Il faudra être persévérant. Il faudra innover, foncer et bien gérer vos finances. C’est la clé de la longévité. Pour ceux qui veulent se lancer, nous répondons toujours présent pour un café et une rencontre ! N’hésitez pas à nous contacter à La Turbine au 489 2628 (www.turbine.mu).

 

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