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Entre crainte et pression : période préélectorale : comment les fonctionnaires naviguent en terrain miné 

Le Code of ethics for Public Officers consacre un sous-chapitre aux bonnes pratiques en période préélectorale.

La période préélectorale représente un moment délicat pour les fonctionnaires, souvent marquée par des « craintes » et des « pressions ». Les employés publics doivent naviguer en terrain miné pour éviter de paraître « pro » ou « anti » gouvernement, une position complexe qui les pousse à faire preuve de tact et de prudence.

À l’approche des élections, l’ancien Senior Chief Executive et Secretary for Public Service, Bojrazsingh Boyramboli, décrit un climat de crainte grandissant parmi les fonctionnaires. Il explique que cette peur, souvent liée à des pressions potentielles, atteint son apogée à la fin du mandat d’un gouvernement. 

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« Les fonctionnaires peuvent être soumis à des pressions pour ‘fer bann kitsoz ki pa bizin’ », affirme-t-il, mettant en garde contre des directives ministérielles qui pourraient être mal perçues comme des tentatives pour obtenir des voix. Le problème réside également dans le fait que les fonctionnaires ne savent pas toujours comment leurs actions seront interprétées. « La perception peut parfois peser plus lourd que la réalité », dit-il.

Il attire aussi l’attention sur les exercices de promotion qui pourraient être vus comme des décisions favorisant l’actuel gouvernement. « Lorsque les comités concernés siégeront, il y aura une inquiétude que leurs décisions soient perçues comme favorisant ou défavorisant le pouvoir en place. Dans tous les cas, ils seront dans une position délicate », explique-t-il.

Finances et décisions sensibles 

Par rapport aux finances, Bojrazsingh Boyramboli souligne l’importance pour les Finance Officers d’être extrêmement vigilants, notamment en ce qui concerne les dépenses de dernière minute. « Des dépenses peuvent être justifiées par l’urgence, mais dans un contexte électoral, elles risquent d’être perçues comme une tentative de séduction des électeurs », met-il en garde. « Il pourrait y avoir une tendance à attribuer de nombreuses dépenses à des situations d’urgence. ‘Bann minis pou prese pou fer bann zafer tank ki eleksion pankor deklare’. Bien que les intentions puissent être bonnes, ces actions pourraient être perçues comme une tentative d’attirer des votes », précise-t-il.

Permis 

Sur la question des permis ou baux arrivant à terme ou nécessitant un renouvellement, il observe une tendance des fonctionnaires à hésiter à les traiter rapidement. « Il y a une tendance à retarder ces démarches, ce qui pourrait créer des complications », soutient-il.

Ralentissement

Kris Ponnusamy, ancien Secrétaire permanent, évoque une incapacité des fonctionnaires à prendre des décisions majeures durant cette période. « Le ministre peut exiger un bilan de son ministère ou une accélération de projets retardés. C’est son droit. Cependant, le fonctionnaire ne prendra pas de nouvelles initiatives, telles que la signature de nouveaux contrats ou la demande de fonds supplémentaires au ministère des Finances », explique-t-il.

Il ajoute que les ministres sont souvent absents en période électorale, préférant se concentrer sur leur campagne dans leur circonscription. « Il est fréquent que le ministre soit peu présent au bureau, passant seulement quelques minutes avant de repartir. Cette absence peut également expliquer les ralentissements dans le fonctionnement normal des services », ajoute-t-il.

Pressions politiques accrues 

Radhakrishna Sadien, président de la State and Other Employees Federation, est d’avis le service au sein de la fonction publique pourrait rester stable, mais il souligne que les politiciens, avec leurs priorités spécifiques, chercheront à accélérer les changements. « Ayant leurs propres priorités, ils feront tout pour faire avancer les procédures et les réalisations rapidement », note-t-il.

Cet état d’esprit, estime toutefois Radhakrishna Sadien, ne serait pas limité à la période électorale. Il observe que l’approche des élections accentue cette pression, car les ministres doivent respecter des échéances serrées. 


Mise en garde : respecter les procédures

Radhakrishna Sadien met en garde les fonctionnaires qui, dit-il, doivent comprendre que, bien que le ministre recherche des résultats, il existe des procédures à suivre. « Il ne faut pas brûler les étapes », exhorte-t-il. Il précise que si des problèmes surviennent ultérieurement, le fonctionnaire ne pourra pas se justifier en disant qu’il a agi sur les instructions du ministre en raison des élections imminentes. 

Pour le président de la State and Other Employees Federation, il est crucial que les fonctionnaires tirent des leçons du passé, où certains se sont retrouvés dans des situations délicates juste après les élections. « Le ministre peut ne pas être là après les élections. ‘Kan problem leve, se fonksioner la ki pey lepo kase parski li ena kont pou rand li. Si ena sanksion, se fonksioner ki pou peye’ », souligne Radhakrishna Sadien. Il ajoute que ceux qui choisissent de contourner les règles devront assumer pleinement les conséquences de leurs actes.  Kris Ponnusamy souligne que les officiers doivent toujours agir dans le respect des lois et des règlements en vigueur. Il ajoute que si un ministre prend une décision en dehors de ce cadre, l’officier doit le signaler à sa hiérarchie. « Il est crucial que les arguments soient bien étayés et que le refus ne soit pas basé sur des motifs non vérifiés. Ainsi, le ministre pourra réaliser que ses directives pourraient représenter un danger pour lui-même et éviter de persister dans cette voie », explique l’ancien Secrétaire permanent.


Précaution à prendre : exiger des directives par écrit

Radhakrishna Sadien conseille aux fonctionnaires de veiller à ce que toutes les instructions soient consignées par écrit plutôt que communiquées verbalement. « C’est pourquoi j’ai toujours soutenu le Public Service Bill. Avec une telle loi, les fonctionnaires auraient été mieux protégés. Actuellement, lorsqu’un fonctionnaire reçoit des directives de son supérieur, il n’a d’autre choix que de les exécuter. Cependant, le lendemain, le supérieur peut prétendre qu’il n’a pas donné cette instruction ou que ce n’est pas ainsi qu’il a formulé sa demande », explique-t-il. Il appelle également les hauts fonctionnaires à veiller à la protection de leurs subordonnés dans ce contexte. 

Bojrazsingh Boyramboli partage cette opinion. Il insiste sur l’importance pour les sous-chefs de veiller à ce que toutes les instructions soient consignées par écrit. « Sef la kapav dir : ‘Fer sa enn kou’, ‘get enn kou’ ou ‘prese sa’. Cependant, il est crucial que les sous-chefs reçoivent une confirmation écrite de ces instructions, afin qu’ils puissent garantir qu’ils n’ont aucun problème à les exécuter », souligne-t-il.
De plus, Bojrazsingh Boyramboli recommande que les fonctionnaires se concentrent sur la gestion quotidienne sans entreprendre de nouvelles politiques. Il reconnaît que la situation actuelle est complexe pour eux car ils sont conscients de l’imminence des élections sans toutefois en connaître la date précise. 

 


Code d’éthique : Kris Ponnusamy : « Crucial que les fonctionnaires ne se comportent pas comme des politiciens » 

Selon Kris Ponnusamy, la fonction publique dispose d’un code de conduite pour les fonctionnaires, incluant un sous-chapitre intitulé « Bonnes pratiques en période préélectorale ». Il explique que cette période est caractérisée par une « period of reduced decision making ». Le document précise également que « care should be exercised specially with regards to expenditure ».

L’ancien Secrétaire permanent souligne l’importance de veiller à ce que les décisions prises ne « unduly limit the freedom of action of any incoming government », comme indiqué dans le Code of ethics for Public Officers. « Il est crucial que les fonctionnaires ne se comportent pas comme des politiciens. Leur rôle est de servir loyalement le gouvernement en place. En cas de doute, ils devraient se référer au manuel pour rafraîchir leur mémoire », exhorte-t-il. Il recommande au ministère de la Fonction publique de redistribuer ce document à l’approche des élections. 


Dans les municipalités : Saahir Ackburally : « Ne pas se laisser influencer par les jeux politiques » 

Muammar Saahir Ackburally, secrétaire de l’Union of Municipalities’ Workers, évoque un sentiment de « business as usual  » parmi les employés des mairies, qui restent déterminés à fournir un excellent service aux citoyens. Selon lui, aucune pression n’a été exercée jusqu’à présent sur les employés. « Au sein de l’union, nous n’avons recensé aucun cas de pression jusqu’à maintenant », précise-t-il.

Saahir Ackburally encourage néanmoins ses collègues à « garder la tête sur les épaules » et à « ne pas se laisser influencer par les jeux politiques ». « Maintenez votre neutralité et ne suivez les instructions que de vos supérieurs hiérarchiques ou du chef de département. Réalisez votre travail conformément à votre Scheme of Service. N’hésitez pas à informer votre syndicat si vous ressentez des pressions de la part de politiciens. L’union sera ferme et déterminée dans de telles situations », affirme-t-il.
 

 

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