Peut-on mourir en paix et avoir une petite place au soleil dans une fosse ? Un rapide coup d’œil sur la liste des 57 cimetières du pays, gérés par les collectivités locales et les paroisses, donne un aperçu d’une choquante vérité : house full !
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« Il n’y a plus de places et d’espace pour agrandir, afin d’accueillir d’autres tombes. Ce qui pousse les familles endeuillées à se tourner vers l’incinération »
L’enterrement est-il devenu un luxe ? Si on tient en compte les nombreuses péripéties pour la mise en terre d’un être cher, d’aucuns vous diront que c’est un vrai parcours du combattant. Les obstacles s’enchaînent les uns après les autres au point que certains, de plus en plus nombreux, se tournent vers l’incinération, au gaz ou au bois. L’avantage de cette méthode est que c’est vite fait, bien fait.
À Maurice, une dizaine de cimetières sont gérés par des paroisses et l’un des plus célèbres et plus fréquentés est Saint-Jean, à Quatre-Bornes. Ce cimetière, sur un terrain de plus d’une dizaine d’arpents, qui a appartenu à une riche et noble famille du pays et a été offert en don à l’Évêché de Port-Louis, est ultra-bondé.
Si bien que de nombreux chrétiens doivent, depuis quelques années, se tourner vers d’autres lieux de repos éternel. Mais les autres cimetières sont aussi parfois complets. Ceux qui ont été récemment agrandis peuvent accommoder encore quelques dizaines de fosses après de récents travaux d’agrandissements.
Plass deboute nayba
Un préposé du cimetière Saint-Jean est catégorique. « Le cimetière abrite environ 14 000 fosses. Il n’y a plus de places et d’espace pour agrandir, afin d’accueillir d’autres tombes. Ce qui pousse les familles endeuillées à se tourner vers l’incinération. Ensuite, elles peuvent toujours mettre l’urne dans une tombe d’un de leurs proches qui n’abrite pas un cercueil depuis cinq ans », explique-t-il.
Il ajoute que, normalement, il faut attendre cinq ans, afin de pouvoir accueillir un nouveau cercueil et son cadavre dans une tombe, mais pour l’urne, ce temps est réduit, car l’espace qu’occupe la petite boîte est petit : « Normalement, les familles, après l’incinération, recueillent les cendres du défunt qui atterrissent à la mer ou dans une rivière. C’est aussi pratique pour tout le monde, car à Saint-Jean, “plass deboute naiba” ! ». Ici, il faut compter Rs 1 500 pour un enterrement et pour les dimanches et jours fériés de même que pour les heures tardives, même avant 18 heures, le tarif est entre Rs 2 100 et Rs 2 500. « Overtime » oblige !
Une décision qui fait tiquer
Quant aux cimetières de Port-Louis centre, ils sont Saint-Georges, avec ses 14 840 fosses, Gébert avec 68 886 fosses, L’Ouest avec 83 736 fosses et Bain-des-Dames pour les musulmans avec 1 700 fosses. Pailles accommode plus de trois milles tombes, les chiffres officiels ne sont pas encore disponibles, après que ce lieu soit passé sous la juridiction de Port-Louis après celle de Rivière-Noire.
Concernant le cimetière des musulmans de la route Cassis, ouvert exceptionnellement jusqu’à 22 heures, la mairie a décidé de l’agrandir, afin de faire de la place à deux nouvelles sections. Celles-la avec une particularité qui peut ne pas plaire.
« Au cimetière des musulmans à la route des Cassis, Port-Louis, on a décidé d’ouvrir deux nouvelles sections de parties communes, soit que vous louez l’espace pour cinq ans et après, la mairie peut reprendre une tombe occupée pour la louer avec une autre famille. Ce qui fait que la tombe reste la propriété de la mairie. Cette décision peut faire tiquer, mais faute d’espaces, c’est la solution la plus pratique et pragmatique pour nous et pour les citadins », explique un responsable.
« Auparavant, les familles endeuillées se tournaient vers le cimetière se trouvant dans leur quartier, histoire de pouvoir s’occuper plus facilement des tombes de leurs disparus. Comme les prix des fosses ne cessaient de prendre l’ascenseur, ils se sont tournés vers les cimetières de Port-Louis, gérés par la mairie, qui ne coûtaient alors pas grand-chose », explique un responsable des cimetières de l’Ouest, Saint-Georges et de celui des musulmans.
Mourir est devenu un luxe
Une petite idée du tarif pratiqué dans la capitale : dans les années 50, une fosse coûtait Rs 27,50, Rs 25 pour la fosse et Rs 2,50 pour la mairie. Ensuite, le prix a connu une légère majoration pour passer à Rs 32,50 et maintenant il est à Rs 500. Là aussi, au cimetière de Pailles, les fosses sont réservées aux citadins de la capitale uniquement.
« N’importe qui, habitant le Nord ou le Sud, venait acheter un espace pour leurs morts, ce qui faisait que les habitants de Port-Louis étaient pénalisés. Or, la mairie a justement décidé depuis quelques années de renvoyer ceux qui nous approchent vers un lieu de sépulture proche de leur localité, car ici, les places valent de l’or... s’il en reste encore ! » fait observer un responsable. Le prix pour l’enterrement est de Rs 500, incluant la main-d’œuvre des fossoyeurs et employés de la mairie.
Cet état des lieux donne une idée de la difficulté qu’une famille, déjà éprouvée par le deuil, subit quand il s’agit d’aller dénicher un espace de onze pieds par neuf pieds et d’une profondeur de cinq pieds. « Cet espace au cimetière est aussi coûteux qu’un terrain habitable, c’est fou », dit un responsable. Il ajoute, pince-sans-rire, que « dorénavant, il est devenu un luxe de mourir ».
Pour revenir vers la crémation, à Port-Louis, ce service est offert dans quatre différents lieux, à avoir Les Salines, Tranquebar, Cipailles Brûlées, Pailles (où on brûle avec des bûches de bois). Les Salines abritent aussi un crématoire au gaz. Les tarifs : Rs 3 000 avec un cercueil et Rs 2 000 sans cercueil.
Au cimetière Nam Shun à Port-Louis, réservé aux sino-mauriciens, les prix pratiqués tournent autour de Rs 100 000 à monter, surtout si cela concerne l’espace pour les caveaux.
Ainsi, mourir vaut de l’or, car il faut que les proches des disparus jouent désormais des coudes pour trouver une place.
Les épitaphes
Bon nombre de tombes et de caveaux portent fièrement des épitaphes, une oraison funéraire simplifiant en quelques mots le sentiment profond de ceux qui pleurent encore leur mort.
Trois exemples au hasard : « Sacred the memory of the Lieutenant General Smith Bart, late Governor died on 02.01 1843 at 63 years of age » ; « Things have changed in many ways, but one thing changes never, the memories of those happy days when we were all together » ; « Petite fauvrette, quand tu survoles cette tombe, chante-lui ta plus belle chanson ».
Selon Wikipedia, la fauvrette émet des cris de contact secs et courts, et un chant clair et flûté comme celui de la Fauvette des jardins, en plus mélodieux et aux notes plus liées. Son chant peut comporter des imitations d’autres passereaux.
Fossoyeurs dans l’âme
Frédéric a 53 ans. Il est employé par la mairie de Port-Louis en tant que fossoyeur. Cela fait 27 ans qu’il fait ce métier. Celui-ci consiste à fouiller un espace de onze pieds par neufs pieds et de cinq pieds de profondeur.
« Ce travail est éreintant et on ne trouve pas de relève. Cela ne m’étonne pas, qui osera se barboter dans la terre, dans la boue, à traficoter avec des restes de cadavres à moitié pourris, de vêtements en lambeaux, sans compter des crânes qui prennent du temps pour pourrir », indique-t-il.
Ils étaient une douzaine de fossoyeurs au départ, ils ne sont plus que quatre. « On est obligés de travailler le dimanche et les jours fériés, car les morts ne choisissent pas le jour de leur départ. Malheureusement, ces jours-là, nous sommes payés au taux normal, alors qu’auparavant, on nous payait le double », lâche-t-il. Vendredi, vers midi, il fouillait une fosse pour accueillir un mort à 15 heures.
Malgré les désagréments du métier, Frédéric et ses amis le font de gaieté de cœur. « Que voulez-vous qu’on fasse d’autre ? On a besoin de nourrir la famille », dit-il.
Plus loin, on rencontre Félix, 46 ans, laveur de tombes. « Depuis des années, je lave les tombes, les remets à neuf, les répare et je me fais aider de mon fils Adrien qui est en Form V », relate-t-il. Il remettait à neuf la tombe de la famille Lam Hang. « Je gagne honnêtement ma vie et les tombes, ça me connaît », ajoute-t-il tout sourire.
JBD tranquille dans son coin
Manque de places ? Qu’à cela ne tienne, l’ex-ministre James Burty David, décédé le 13 décembre 2009, est joliment enterré dans un coin du jardin longeant le cimetière Gébert à Port-Louis. Très bien entretenu, sa tombe est entourée d’un jardin fleuri, d’un gazon tout verdâtre et surtout d’une balustrade le mettant à l’abri des animaux errants du coin. On constate que le dernier refuge de l’ancien ministre travailliste est soigneusement entretenu et les proches de ses voisins du cimetière vis-à-vis gagneraient à copier cela !
Services 5-étoiles
Avoir un mort sur les bras comporte, non seulement beaucoup d’émotions sentimentales, mais également des soucis administratifs et financiers. Depuis quelques années, deux des services funéraires s’approprient ces tracasseries, afin de soulager ceux affectés par un deuil. Ainsi, il existe un plan funéraire qui couvre les dépenses pour un enterrement dit « standard », avec quatre services, y compris le cercueil, avoisinant les Rs 10 000.
Ce service comprend le transfert de la morgue à l’hôpital vers celle de l’entreprise funèbre qui va embaumer le cadavre, lui donner un bain, le maquiller et le transporter vers la maison pour la veillée mortuaire. Ici, le cadavre sera entreposé dans un canapé réfrigérant et, le lendemain, il sera mis dans un cercueil pour l’église ou le temple, avant d’être enterré ou incinéré.
Ces services peuvent être améliorés avec la chorale, les porteurs, les White Ladies, entre autres. Il existe aussi des plans funéraires couvrant les personnes âgées de plus de 75 ans et également des plus jeunes, histoire de s’assurer un bien bel enterrement avant de quitter ce bas monde.
Ces plans dépendent des désirs des clients, selon Christelle d’Elie & Sons. Du côté de Moura Undertakers, Daphné nous fait part que les services offerts par cette entreprise familiale sont similaires aux autres prestataires et que leur plus vient de la qualité des services, dépendant de la demande. Ici, pas de package, mais un service sur mesure.
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