À vendredi, la commission anticorruption estimait que Rs 200 millions ont été distribuées par PAD & Co pour divers projets d’infrastructure. Une liste de bénéficiaires faisant quatre pages a déjà été compilée.
L’ordinateur portable de Patrice Leung Lam Hing, l’ex-Finance Manager de PAD & Co s’est avéré être une véritable boîte de Pandore pour l’Independent Commission against Corruption (Icac). Les données effacées, qui ont pu être récupérées à 75 % par les experts informatiques de l’institution, ont permis d’établir, au vendredi 24 septembre 2021, que des pots-de-vin d’au moins Rs 200 millions ont été distribués par cette société spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics pour divers contrats qu’elle a obtenus, notamment auprès de l’État. Cette somme n’inclut toutefois pas les pots-de-vin avancés pour le projet St-Louis.
Ces informations ont été comparées à celles présentes sur un serveur ainsi que sur l’ordinateur portable et le téléphone portable d’Alain Hao Thyn Chuan Ha Shun, ex-Managing Director de PAD & Co. Cela aurait permis de mieux comprendre le mécanisme de corruption au sein de cette société. Tenant compte de ces données, accolées aux notes du comptable Khemraj Moojee, les enquêteurs ont dressé une liste de quatre pages sur laquelle figurent notamment des hauts fonctionnaires, des politiciens et d’autres personnes qui auraient été soudoyés, car en position de faire pencher la balance en faveur de PAD & Co afin qu’elle puisse décrocher de gros contrats.
Hormis la remise à neuf de la centrale électrique de St-Louis, la société fondée par Philippe Hao Thyn Voon Ha Shun est soupçonnée d’avoir graissé la patte à certaines personnes pour mettre d’autres projets dans son escarcelle. Il s’agit des travaux de drains dans le Nord ; du chantier du « Cruise Terminal » aux Salines, à Port-Louis, en partenariat avec la China Road and Bridge Corporation ; et de la réalisation d’une nouvelle tour de contrôle au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, à Plaisance, à travers le consortium PAD & CO/Endem, entre autres.
L’argent censé servir à l’achat de matériaux, aux frais de fonctionnement et au paiement des salaires a été encaissé à travers des chèques au porteur. Le liquide a alors été remis en main propre aux bénéficiaires. Mercredi, Patrice Leung Lam Hing et Khemraj Moojee ont été inculpés d’entente délictueuse pour une opération de blanchiment.
Des codes déchiffrés ont mené à l’interpellation du Pr Ahmud Swaley Kasenally pour trafic d’influence jeudi. Il lui est reproché d’avoir perçu Rs 500 000 cash d’Alain Hao Thyn Chuan Ha Shun. L’ancien ministre de l’Énergie est aussi accusé d’avoir obtenu six billets d’avion de la société danoise Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC).
L’ingénieur Amritsingh Raja Rai, ex-président du Technical Committee du Central Procurement Board (CPB) qui a donné son aval au projet St-Louis, a été arrêté vendredi pour avoir touché Rs 2 millions de PAD & Co en 2016. Assisté par l’ancien directeur général de l’Icac, Anil Kumar Ujoodha, il sera inculpé ce samedi pour avoir utilisé sa position pour obtenir des faveurs.
Alors que le code pour l’ancien ministre de l’Énergie serait « Professeur » et « A. K. », celui d’Amrithsing Raja Rai s’avérerait être « Ustad Raja ». Ce lundi 27 septembre, ce sera au tour du Chief Executive Officer du CPB, Kreetykant Dosieah, d’être interrogé. On ignore, à ce stade, son degré d’implication dans l’affaire St-Louis. Sauf qu’Alain Hao Thyn Chuan Ha Shun a remis un montant maximal de Rs 500 000 afin de ne pas être inquiété pour blanchiment d’argent. La liste en possession de l’Icac fait état de personnes ayant perçu jusqu’à Rs 5 millions.
Le Pr Kasenally dit être victime d’une cabale. Il a affirmé, dans une déclaration faite au Défi Media Group, avoir rédigé des articles d’opinion dans l’intérêt public. Mais les enquêteurs le soupçonnent de s’adonner à du lobbying en faveur de BWSC. L’Icac est en présence de documents attestant qu’il aurait recherché l’approbation de la société danoise spécialisée dans la réalisation de centrales électriques pour torpiller un projet de turbine à gaz, par exemple.
Si la commission anticorruption met à jour des pratiques peu amènes qui étaient en cours chez PAD & Co, c’est en grande partie en raison de l’enquête qu’elle a menée aux côtés de son homologue danois, le Statsadvokaten for Særlig Økonomisk og International Kriminalitet (SØIK) – le bureau du procureur général pour la délinquance économique et internationale – sur l’affaire St-Louis. Plus particulièrement sur les dessous-de-table versés par BWSC à des officiels mauriciens pour s’assurer l’obtention de futurs contrats énergétiques sur l’île.
PAD & Co a été le sous-traitant de BWSC pour la remise à niveau de la centrale de St-Louis. Déjà arrêté dans cette affaire, Alain Hao Thyn Chuan Ha Shun est soupçonné d’avoir gonflé la note pour ce chantier. L’argent excédentaire aurait servi à graisser la patte à des décideurs, notamment au sein du Central Electricity Board (CEB). Des ébauches des documents d’appels d’offres étaient ainsi envoyées à BWSC, ce qui a été confirmé à travers des e-mails transmis par la secrétaire du patron de PAD & Co, afin qu’elle ait un avantage sur ses concurrentes.
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