Live News

Enfants pris en charge par la CDU : tolérance zéro envers les foyers jugés insalubres

Jessica Jessica T., dont les trois enfants ont été pris en charge par la CDU, souhaite les récupérer.

Il n’y pas que les mauvais traitements physiques, émotionnels ou sexuels sur les enfants que la Child Development Unit sanctionne. L’insalubrité des maisons est aussi un point sur lequel elle est intransigeante. En trois jours, elle a retiré neuf enfants de la garde de leurs parents.

Publicité

Mardi 22 janvier. Un appel anonyme sur la hotline 113 dénonce un cas de « maltraitance » de deux enfants, âgés de trois et cinq ans, à Quatre-Bornes. Après avoir pris les enfants, les officiers de la Child Development Unit (CDU) préparent leur rapport. Les petits, qui avaient été exposés aux excréments d’un chien et d’un singe, souffraient d’éruptions cutanées. Le vendredi 25 janvier, accompagnés de policiers, les officiers de la CDU montent une opération à Résidence La Cure. Sept enfants, âgés de douze mois à dix ans, sont « secourus ». Motif : ils vivaient dans des logements jugés « insalubres » et ils auraient été « utilisés » par leurs parents pour mendier.

La situation des enfants se détériore-t-elle à travers l’île ? Non, rétorque un officier. Il dit que le ministère de l’Égalité des genres et du Développement de l’enfant a changé son fusil d’épaule pour les protéger. Depuis le dernier exercice budgétaire, le ministère a décidé de serrer la vis et de réorganiser la CDU. Une nouvelle unité a été créée en juillet 2018 : l’Alternative Care Unit (ACU). C’est vers octobre 2018 que les choses sérieuses ont démarré. « Avant, il n’y avait qu’une seule unité. Désormais, ce sont la CDU et l’ACU qui veillent toutes deux au bien-être et à la protection des enfants », explique l’officier. Disposant de plus de « liberté », la CDU multiplie les sorties sur le terrain.

« Elle mène des inspections et examine le traitement accordé aux enfants. Ses officiers décident alors s’il faut retirer les enfants de la garde des parents. Il n’y a pas que les cas de maltraitance ou d’agression sexuelle qui sont considérés. L’insalubrité des maisons est aussi un point considéré. L’ACU s’occupe du placement des enfants. » Une équipe de la CDU, composée d’officiers et d’un psychologue, est on call, au cas où des opérations interviendraient la nuit. Après avoir rédigé leur rapport, ils font un suivi.


Des familles d’accueil privilégiées

Avec l’Alternative Care Unit, le ministère privilégie d’abord le placement des enfants dans une famille d’accueil, au lieu d’un refuge (shelter). En attendant l’achèvement des procédures, les enfants sont placés dans un abri. Selon les données de juillet 2018, ils étaient 67 à être placés dans 58 familles d’accueil.  Une mère d’accueil s’est confiée au Défi Quotidien. « Il y a 14 ans, nous avons recueilli une fillette de quatre ans. Elle a 17 ans aujourd’hui. C’est après une émission télévisée que nous avons décidé d’adopter une fille. Nous avions déjà un fils. Les critères définis par la CDU sont stricts. Il faut s’y plier. Tous les deux ans, nous devons nous rendre en Cour. L’enfant bénéficie d’un suivi psychologique. Je tiens à préciser que nous ne choisissons pas l’enfant. C’est la CDU qui le fait. »


Le cas des enfants récupérés à Quatre-Bornes

Mardi à Quatre-Bornes, deux enfants ont été pris en charge par la CDU. Ils étaient nus, en compagnie d’un singe et d’un chien dans un appartement. L’un des enfants était suspendu à la fenêtre du troisième étage de l’immeuble. L’insalubrité des lieux a incité la CDU à émettre un Emergency Protection Order. Un rapport dit que le lieu était « messy, untidy, unconducive » pour accueillir des enfants. Ils mangeaient au milieu d’excréments d’animaux.


Les parents disent ne pas comprendre

Il a suffi d’un appel pour que Jessica, ainsi que Priscilla et Kinzy perdent la garde de leurs enfants. Ils ne comprennent pas comment la Child Development Unit (CDU) a pu les leur prendre. La faute revient à des logements jugés insalubres. Les deux mères élevaient seules sept enfants. Faute de moyens, elles disent avoir du mal à leur offrir un abri décent. Une situation que ne tolère plus la CDU.

Nous sommes le 21 janvier. La CDU reçoit un appel disant que des enfants sont en danger. Première visite des inspecteurs de l’organisme. Le 25 janvier, ils embarquent sept enfants de deux familles. Les dénonciateurs disaient que les enfants vivaient dans l’insalubrité la plus totale et que les parents négligents les incitaient à la mendicité. Les parents seraient même accros à des substances illicites.

Les trois enfants de Jessica T. sont pris en charge par la CDU. Il y a quelques années, l’organisme lui avait pris sa fille aînée sur des soupçons de maltraitance. Le 25 janvier 2019, ce sont ses fils âgés de deux ans et demi et d’un an qui sont pris en charge par la CDU. « Tipti-la ankor bwar ek mwa… Mo anvi bann-la rann mwa mo tibaba », lance-t-elle.

Sa modeste demeure, faite de béton et recouverte de tôle, arbore des murs colorés. Jessica passe devant pour nous ouvrir. Pas question d’y entrer avec des chaussures. On les retire avant de fouler le parquet. « J’aménage la maison avec du parquet laminé », dit-elle. La maison semble plus ou moins propre à première vue. Les médicaments des enfants trônent sur un tabouret. « Je viens de faire le ménage. Les gens de la CDU me reprochent d’élever mes enfants dans une maison sale. Le toit fuit quand il pleut à verse. Il suffit de quelques heures de pluie pour que la maison soit inondée », explique-t-elle.

« Mes enfants sont asthmatiques. Ils vont et viennent à l’hôpital. Je garde la maison propre. Mo trase pou rod manze pou zot. Kifer CDU finn pran zot ? » Jessica fond en larmes. Elle jure qu’elle « ne les maltraite pas ». Elle avoue qu’elle frappe à la porte des voisins pour nourrir ses gosses, car elle n’a pas d’emploi fixe. De l’autre côté de la rue, Priscilla, la femme du cousin de Jessica, pleure elle aussi l’absence de ses enfants. « La CDU m’a retiré mes quatre enfants âgés d’un an, de quatre ans, de cinq ans et de huit ans. » Sa demeure est plus récente, mais moins spacieuse que celle de sa voisine. La CDU y a noté des manquements : insalubrité, absence de clôture et d’électricité… On croirait que la maison est abandonnée car les vitres sont brisées, il n’y a pas de porte, qu’il n’y a ni eau ni électricité, et que les chambres sont sombres et humides. En attendant l’arrivée des occupants, une chienne entre par un trou dans la planche qui fait office de porte.

Kinzey vit séparé de la mère des enfants. « Je n’ai pas les moyens d’installer l’eau et l’électricité, de placer une porte et une clôture. Nou get nou bann zanfan byen. Pa kone kifer dimounn dir bann zanfan-la dimann sarite e ki zot maltrete… » Il ajoute que le benjamin tète encore avec sa mère et qu’il est attaché à ses parents.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !