Enfants laissés au BSH - Aneeta Goorah : «Cette situation révèle des failles systémiques persistantes»
La controverse née de la vidéo diffusée le jour de Noël par le député Ehsan Juman à l’Hôpital Brown Sequard a remis sous les projecteurs une réalité que l’Ombudsperson for Children dénonce depuis plusieurs années : le maintien prolongé d’enfants en bonne santé dans des structures hospitalières, faute de solutions de prise en charge adaptées. Au-delà de la polémique sur l’exposition de mineurs sur les réseaux sociaux, l’alerte met en lumière un dysfonctionnement institutionnel profond dans la protection de l’enfance à Maurice.
Dans son rapport annuel 2024-2025, l’Ombudsperson for Children, Aneeta Goorah, avait déjà documenté cette situation préoccupante. À la suite de visites effectuées à l’hôpital Brown Sequard, son bureau a relevé des cas de mineurs maintenus inutilement en milieu hospitalier, non pour des raisons médicales, mais en raison de lenteurs administratives et de décisions tardives quant à leur placement.
« Sur les neuf cas pris en charge par l’Ombudsperson, quatre enfants ont pu quitter l’hôpital. Il est important de traiter chaque situation au cas par cas », rappelle-t-elle, tout en soulignant que « cette situation révèle des failles systémiques persistantes »
Selon le rapport, ces blocages sont notamment liés à une coordination insuffisante entre les hôpitaux, la Child Development Unit et les forces de l’ordre. Bien que la Children’s Act (2022) impose aux professionnels de santé l’obligation de signaler toute suspicion de maltraitance ou de négligence, des hésitations dans l’application de la loi contribuent à prolonger inutilement l’hospitalisation de certains enfants, au détriment de leur développement social, émotionnel et éducatif.
C’est dans ce contexte que la sortie médiatique d’Ehsan Juman a trouvé un écho particulier. Le député affirme avoir découvert la situation lors d’une visite non politique à l’hôpital, évoquant des enfants présents depuis parfois près de deux ans, sans scolarisation ni suivi familial. « Comment des enfants en parfaite santé peuvent-ils se retrouver dans un hôpital psychiatrique, sans encadrement éducatif ? Nous sommes en train de créer des monstres », a-t-il lancé, provoquant de vives réactions.
Si l’Ombudsperson for Children a choisi de ne pas commenter la polémique en cours, son rapport confirme que ces cas ne sont ni isolés ni nouveaux. Ils traduisent l’absence de structures intermédiaires adaptées, notamment pour les adolescents présentant des profils variés – troubles comportementaux, situations de négligence ou simples abandons institutionnels – souvent regroupés sans distinction dans des shelters inappropriés.
La diffusion de la vidéo tournée par le député Ehsan Juman à l’hôpital Brown Sequard a déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux, révélant une opinion publique profondément partagée. En quelques heures, Facebook s’est transformé en espace de débat, où indignation, approbation et questionnements se sont entremêlés.
De nombreux internautes ont vivement critiqué la démarche, pointant du doigt l’exposition de mineurs dans un contexte hospitalier sensible. Pour eux, la protection de la dignité et de l’anonymat des enfants doit rester une priorité absolue, quelles que soient les intentions. Certains y voient une faute éthique, estimant que l’alerte ne justifie pas la mise en avant d’images d’enfants vulnérables.
À l’inverse, une frange importante de commentaires soutient le député, considérant que la vidéo a permis de mettre en lumière une situation connue, mais rarement discutée publiquement. Pour ces internautes, le choc provoqué serait le prix à payer pour forcer une prise de conscience collective et pousser les autorités à agir.