Lumière une nouvelle fois sur ces enfants qui passent des mois à l’hôpital. Certains y sont abandonnés par leurs parents, tandis que d’autres y sont placés temporairement par des préposés du ministère concerné. Sauf qu’il arrive parfois qu’ils y restent longtemps, voire trop longtemps. Cette fois, c’est la petite Eloïse (prénom modifié), âgée de 18 mois, qui retient notre attention.
Il est 15 h 45. Nous sommes à l’hôpital de Flacq. Véritable brouhaha dans la salle pédiatrique. Des cris d’enfants, des rires et des pleurs se mêlent à la voix des adultes qui, eux, essayent de murmurer. Mais cela ressemble davantage à un bourdonnement. La salle est bondée. On reconnaît facilement les mamans. Elles ont les traits tirés et les yeux fatigués. Elles semblent bien plus soulagées que les enfants de retrouver leurs proches.
Tout près de l’espace réservé aux infirmières de cette salle se trouve un petit berceau. Il est occupé par une belle petite fille joufflue. Dès qu’on s’approche d’elle, elle tend les bras, comme pour dire qu’elle veut faire un petit tour. Puis elle rit aux éclats. Elle a, à peine, toutes ses dents. Elle est remplie d’énergie et bouge au moindre son de la musique.
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Ce jour-là, de nombreux visiteurs passent lui faire un petit coucou et lui apporter quelques dons. Cela résulte des messages laissés sur les réseaux sociaux par certaines mamans qui ont séjourné avec leurs enfants dans cette salle. Elles ont lancé des appels de solidarité pour que l’enfant puisse obtenir des vêtements, des couches et du lait. Leurs appels ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Une grosse vague de solidarité a vu le jour. Depuis, la petite est bien gâtée. Certaines personnes ont même approché l’hôpital pour exprimer le désir de l’adopter.
Cependant, même si la petite a été retirée de sa famille biologique, elle ne peut être adoptée. Pourtant, ils sont encore nombreux à s’y rendre, espérant pouvoir l’accueillir définitivement chez eux. C’est le cas de Mala, qui a perdu ses deux enfants et qui souhaite adopter un bébé. Son mari et elle sont venus à plusieurs reprises rendre visite à Eloïse.
Pour le moment, ce sont les infirmières affectées à cette unité qui se succèdent pour prendre soin de l’enfant. « Elle ne comprend rien. Elle a besoin d’affection et de gâteries. Nous sommes là pour veiller sur les patients mais aussi pour offrir un peu d’amour à une enfant qui en a besoin, d’autant que nous sommes presque toutes mamans », confie une infirmière.
Dès qu’on s’approche d’elle, elle tend les bras, comme pour dire qu’elle veut faire un petit tour. Puis elle rit aux éclats."
Eloïse est à l’hôpital de Flacq depuis le 24 décembre. Selon un préposé du ministère de la Femme, elle a été retirée de sa famille par la Child Development Unit (CDU) sur décision de la cour, car ses parents la négligeaient. Il semblerait que sa mère l’ait laissée chez une voisine pour quelques heures mais elle ne serait jamais revenue la chercher. La voisine a contacté la CDU et des préposés sont allés récupérer la petite.
Selon la version officielle du ministère, le bébé a été placé à l’hôpital par des préposés de l’Alternative Care Unit (ACU), respectant ainsi le protocole établi avec les responsables de l’hôpital. Une source autorisée indique que c’est l’ACU qui est responsable du placement des enfants dans des centres d’accueil. En ce moment, dit-elle, l’organisme travaille sur un programme de réunification des enfants avec leurs familles biologiques. « Les responsables attendent de trouver une place appropriée pour l’enfant. La procédure peut être longue, mais le plus important est de placer la petite dans une Place of Safety. Elle peut donc y rester jusqu’à ce qu’elle aille dans un centre d’accueil. »
Sauf qu’au niveau de l’hôpital, un des médecins qui a tenu à garder l’anonymat ne semble pas être du même avis. « Il est vrai qu’un enfant qui est retiré d’un lieu qui n’est pas propice à son bien-être doit d’abord passer par l’hôpital pour qu’un médecin puisse évaluer son état de santé. Il faut par la suite lui prodiguer les soins nécessaires. Cependant, si l’enfant est en bonne santé et que le médecin signe sa décharge, il n’y a aucune raison pour que cet enfant passe des mois à l’hôpital. »
Il admet qu’il peut y avoir des urgences, des événements inattendus et des exceptions, « mais cela se passe ainsi trop souvent. Nous avons parfois l’impression que ces enfants sont abandonnés ici ».
Le médecin concède qu’il est vrai que les infirmières les surveillent, mais il fait ressortir que ce n’est pas du tout leur rôle. « De plus, un enfant ne peut rester dans une salle où sont hospitalisés ceux qui ont des problèmes de santé. Il est temps de réfléchir à une autre option dans l’intérêt de l’enfant. »
En attendant, la petite Eloïse passera, semble-t-il, encore plusieurs nuits à l’hôpital. Heureusement qu’elle peut compter sur cette merveilleuse solidarité mauricienne…
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