
Dans une forêt thaïlandaise, des gardiens de l'environnement ouvrent l'enclos d'une espèce locale de cerfs qui servira de proie pour le maître des lieux: le tigre, au coeur d'un projet de repeuplement à succès.
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Les vingt sambars - autant de femelles que de mâles - s'échappent au grand galop, disparaissant dans l'épaisse végétation.
Le site, au milieu du parc national de Khlong Lan (ouest), n'est accessible qu'après une heure de trajet sur des chemins boueux zigzaguant dans les montagnes qui forment la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie.
Recouverte de jungle, cette zone est largement inhabitée: c'est là que l'un des plus grands carnivores terrestres, qui inspire autant de fascination que de crainte, se sent le plus à l'aise.
La Thaïlande espère restaurer sa population de tigres d'Indochine, au bord de l'extinction dans les années 2000, mais qui, grâce aux efforts des autorités et des défenseurs de l'environnement, remontre le bout de son museau, dans des proportions jamais vues en Asie du Sud-Est.
Il ne restait que 40 individus en 2007, sous l'effet du braconnage et de la destruction de leur habitat naturel causé par l'expansion agricole, en partie, le royaume ayant perdu près de la moitié de ses forêts entre 1960 et 2000.
- Croissance "extraordinaire" -
Le pays estime qu'entre 179 et 223 tigres vivaient en liberté en 2024, dans les jungles de l'ouest bordant la Birmanie.
C'est une croissance "extraordinaire", s'est réjoui Stuart Chapman, responsable du projet de sauvegarde des tigres au sein de WWF.
Le chiffre continuera d'augmenter en Thaïlande "tant qu'il y a aura un programme de lâcher de proies", estime-t-il.
La présence du tigre d'Indochine, l'une des six sous-espèces du grand félin, s'étendait dans tout le bassin versant du Mékong, l'un des territoires les plus riches en biodiversité de la planète, mais le Cambodge, le Vietnam et le Laos ont tous décimé leurs populations.
En plus de la Thaïlande, il resterait une vingtaine d'individus en Birmanie, où la guerre civile complique tout effort pour préserver l'espèce considérée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), comme en danger d'extinction.
Mais ailleurs en Asie, en Inde ou en Népal, des programmes ont permis de quasiment doubler le nombre de spécimens sauvages sur la dernière décennie, de 3.200 à plus de 5.500 têtes recensées dans une zone allant de l'île de Sumatra aux confins de la Sibérie, d'après l'UICN.
- Projet au Cambodge -
L'Inde a promis l'année dernière d'envoyer quatre tigres au Cambodge, une première, pour faire revivre une population déclarée "fonctionnellement éteinte" en 2016.
En Thaïlande, le service national en charge des parcs nationaux (DNP) et l'ONG WWF ont coordonné leurs efforts, notamment via un programme d'élevage et de lâcher de proies, qui est entré dans sa cinquième année.
Chaiya Danpho, de la DNP, s'est félicité des lâchers "très positifs", inspirés d'initiatives similaires en Afrique pour d'autres prédateurs, qui répond au manque d'ongulés dans les forêts.
Le sambar, un cervidé répandu en Asie du Sud et du Sud-Est, est un mets de choix pour le tigre d'Indochine qui se nourrit aussi de porc sauvage, de saro (une espèce de chèvre) ou de bovins.
Cette espèce, considérée comme vulnérable par l'UICN, en raison de la chasse, bénéficie également du projet, selon ses instigateurs.
Les individus sont équipés d'un collier doté d'un GPS qui permet de suivre leurs mouvements une fois dans la nature.
"Les sambars n'attendent pas passivement. Ils essayent d'échapper aux prédateurs et de choisir des espaces sûrs pour s'épanouir", explique Worrapan Phumanee, chargé de recherches à WWF Thaïlande.
Selon Chaiya, seulement un petit nombre des cerfs relâchés finiront comme dîner du tigre; la plupart d'entre eux pourront se reproduire et continuer à vivre.
© Agence France-Presse

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