
À l’issue de la réunion du Monetary Policy Committee, le gouverneur de la Banque de Maurice Rama Sithanen a tenu à défendre son parcours, sa légitimité et dissiper les rumeurs persistantes.
Le Dr Rama Sithanen est sorti de sa réserve à l’issue du comité de politique monétaire (MPC) le 13 août, à la Banque de Maurice (BoM) à Port-Louis, pour réagir aux propos tenus la veille par le Deputy Prime Minister (DPM), Paul Bérenger. Lors d’une conférence de presse, ce dernier avait affirmé, à une question sur la BoM : « Je l’ai dit à plusieurs reprises à Navin Ramgoolam. Après les élections, il y avait des problèmes à la BoM et Rama Sithanen a aidé le pays dans des moments difficiles. J’avais conseillé à Navin de le nommer en urgence. Mais le temps a passé. »
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Interrogé à l’issue de la réunion du MPC, le gouverneur a tenu à éviter la polémique tout en clarifiant son rôle et son parcours. « Le Premier ministre m’a nommé gouverneur. Il m’accorde sa confiance. Je remercie le Premier ministre adjoint d’avoir déclaré qu’il soutenait cette nomination en raison de la situation chaotique dans laquelle se trouvait le pays », a-t-il déclaré.
Soulignant que sa mission repose sur un travail collectif, Rama Sithanen a ajouté : « Paul Bérenger a déclaré que j’avais fait du bon travail. Je dois dire que ce n’est pas moi seul, mais toute une équipe. Rien de ce que nous avons fait n’est parfait. Il y a toujours matière à amélioration. »
Face aux questions suscitées par certaines expressions utilisées par le DPM, il a fait preuve de prudence : « Je ne sais pas trop comment interpréter cela. Je ne vais pas polémiquer. Je respecte M. Bérenger pour le travail qu’il accomplit. » Il a précisé connaître Paul Bérenger depuis 47 ans et n’avoir eu aucun échange avec lui depuis la conférence de presse pour clarifier ces propos.
Réaffirmant sa légitimité pour occuper le poste de gouverneur, il a rappelé ses qualifications et son parcours professionnel : « Je suis un économiste qualifié. […] Je suis diplômé de l’une des meilleures universités au monde avec mention très bien et j’ai obtenu un master avec distinction. Je suis là où je suis grâce à mon éducation, mes compétences et mon expertise. »
Le Dr Sithanen a souligné que son ascension, notamment comme directeur de l’un des plus grands conglomérats de Maurice à seulement 36 ans, reposait uniquement sur le mérite : « Non pas parce que je suis le fils de quelqu’un, mais uniquement grâce à mes compétences. »
Enfin, tout en acceptant les critiques, il a appelé à une certaine équité dans le débat public : « Je respecte Paul Bérenger. Et s’il m’appelle, je lui répondrai poliment et si je peux l’aider, je le ferai. »
FSC : fin de l’arbitrage
Nommé président de la Financial Services Commission (FSC) par le Premier ministre, Rama Sithanen affirme avoir mis fin à l’arbitrage en huit mois. Face aux débats entourant sa double casquette, il rappelle que la FSC a été créée sous un précédent gouvernement en 2000, et insiste sur la nécessité de préserver la stabilité financière. Selon lui, cette mission passe notamment par la lutte contre les pratiques d’arbitrage au sein du secteur financier.
Rumeurs d’ingérence à la BoM : Le gouverneur dément toute influence de son fils
Face aux rumeurs persistantes concernant une possible ingérence de son fils, Tevin Sithanen, dans la gestion de la Banque de Maurice, le Dr Rama Sithanen a réagi. Il rejette catégoriquement les allégations selon lesquelles Tevin Sithanen exercerait des pressions sur des employés ou interviendrait dans les affaires internes de la Banque centrale.
« Quelqu’un pense-t-il que je laisserais une autre personne diriger la Banque de Maurice ? » a-t-il déclaré, dénonçant une campagne qu’il qualifie d’injuste à l’encontre de son fils. Il affirme qu’aucune décision prise durant son mandat n’a été influencée par Tevin Sithanen.
Rama Sithanen précise également que son fils n’a jamais occupé de poste de consultant au sein d’aucune institution. Il admet que ce dernier a milité pour le Parti travailliste, mais soutient que cela n’a aucun lien avec la gestion de la Banque.
Concernant la Mauritius Investment Corporation (MIC), il souligne qu’aucun nouveau déboursement n’a été effectué depuis sa prise de fonction, en dehors des engagements internationaux déjà pris.
Tensions à la Banque centrale : des divergences au sommet ?
Des signes de désaccord semblent émerger au sein de la direction de la BoM. Le gouverneur a reconnu l’existence de « quelques problèmes » entre lui et au moins un de ses sous-gouverneurs. « Je ne vais pas entrer dans les détails, mais la question a été portée à l’attention de ceux qui nous ont nommés », a-t-il indiqué. Refusant de livrer une version unilatérale des faits, il affirme vouloir respecter les opinions de chacun. Il réaffirme toutefois que sa priorité reste le respect du mandat de la BoM : la stabilité des prix et la croissance équilibrée.
Blocage à la SBM Bank : «Il n’y a aucun conflit entre M. Bheenick et moi»
La nomination de Rundheersing Bheenick à la tête de la SBM Bank reste en suspens, en raison d’un processus de régulation plus complexe que prévu. Interrogé, Rama Sithanen, président de la Financial Services Commission (FSC) et gouverneur de la BoM, a tenu à apporter des précisions sur ce dossier qui suscite de nombreuses réactions.
« J’ai fait l’objet de critiques que je considère injustes », a-t-il souligné, en rappelant qu’il connaît Rundheersing Bheenick depuis de longues années. Il a fait ressortir que ce dernier a le droit de poursuivre l’État mauricien, tout en précisant que cette action n’est pas dirigée contre la BoM, mais bien contre le gouvernement, sur la base d’une promesse présumée.
Selon lui, cette poursuite ne devrait pas, en soi, constituer un obstacle à la nomination de Rundheersing Bheenick. Toutefois, ce dernier, comme tout candidat à un poste de direction dans une institution bancaire, doit répondre aux exigences du « fit and proper test ».
Rama Sithanen dit avoir proposé des pistes de solution, sans succès. « J’ai été contraint de demander un avis juridique », dit-il, en exprimant une certaine frustration face à l’impasse actuelle. Il insiste également qu’il n’existe aucun conflit personnel avec Rundheersing Bheenick, ni de rivalité passée entre eux.
Il rappelle que Rundheersing Bheenick a déjà reçu une compensation de Rs 66 millions, somme qu’il n’a pas souhaité encaisser.
Le Comité de politique monétaire maintient le taux directeur à 4,5 %
Le MPC a décidé, lors de sa réunion du 13 août, de maintenir le taux directeur inchangé à 4,5 % par an. Cette décision a été prise à l’unanimité, à l’issue de l’examen des dernières données économiques nationales et internationales.
Le MPC a relevé que l’environnement commercial mondial reste incertain, malgré certaines avancées dans les négociations commerciales. Les effets des nouveaux droits de douane sur la croissance et l’inflation demeurent difficiles à anticiper, ce qui complique l’évaluation des risques.
La Banque centrale cherche à concilier son mandat de lutte contre l’inflation avec les préoccupations liées à un éventuel ralentissement de l’activité économique mondiale. Elle note, par ailleurs, que l’augmentation du taux directeur en début d’année, combinée à des mesures de gestion de la liquidité, a eu des effets favorables sur les écarts de taux d’intérêt, les entrées de devises et la stabilité de la roupie.
Face à la persistance des incertitudes liées aux politiques commerciales, aux tensions géopolitiques et à la reprise inégale dans les grandes économies, le MPC opte pour une approche prudente, guidée par les données disponibles.
La roupie gagne face au dollar mais chute par rapport à l’euro
Le marché des changes à Maurice a enregistré une progression des flux de devises entre le 3 janvier et le 11 août 2025, selon le gouverneur de la BoM. Durant cette période, les banques commerciales ont acheté 4,6 milliards de dollars américains, soit environ 866 millions de plus que sur la même période en 2024. Les ventes ont atteint 4,8 milliards de dollars, en hausse de 972 millions par rapport à l’année précédente.
La Banque centrale est intervenue à deux reprises depuis la dernière réunion du Comité de politique monétaire, vendant 40 millions de dollars américains sur le marché. Le total des interventions depuis janvier s’élève à 90 millions de dollars, contre 195 millions un an plus tôt.
La BoM note que le taux de change de la roupie continue de refléter les fondamentaux économiques de l’offre et de la demande, ainsi que les mouvements monétaires internationaux. Entre le 7 mai et le 5 août 2025, la roupie s’est appréciée de 0,42 % face au dollar, mais s’est dépréciée de 2,66 % face à l’euro et de 0,56 % face à la livre sterling.

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