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Emilie Sheung Chun : ballet sans frontières

CREDIT PHOTO : LAWRENCE FUNG

Il y a sept ans, Emilie Sheung Chun racontait, pour le magazine « Le Défi Life », ses rêves et ses ambitions. Elle se voyait déjà aux États-Unis grâce à la danse, et plus particulièrement le ballet. Fonceuse et déterminée, la Curepipienne en a fait une réalité.

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Le 28 septembre 2024. De passage à Maurice, Emilie Sheung Chun, également connue sous son nom de scène Meeyin Qiu, 30 ans, raconte son parcours, ses défis, et ses aspirations. Sa passion l’a propulsée au-delà des frontières de son île natale, Maurice, vers les scènes des États-Unis, où elle réussit à tracer son chemin dans le monde très compétitif de la danse. 

C’est en 2018 qu’Emilie fait le grand saut en quittant Maurice pour New York, mais sa relation avec la célèbre ville américaine avait commencé plus tôt. « En juin 2017, j’avais participé à un programme d’été intensif avec l’American Ballet Theater. J’avais tellement aimé que je savais que je devais y retourner. L’année suivante, j’ai renouvelé l’expérience, et c’est là que tout a basculé. »

L’ancienne élève du Collège Lorette de Curepipe se souvient avec une certaine émotion de cette période charnière de sa vie : « Lors de ma deuxième session en 2018, une amie dans le cours m’a parlé d’une audition pour une bourse à The Ailey School. C’était une opportunité à ne pas manquer. J’ai étendu mon billet et passé l’audition. Le lendemain, j’ai appris que j’avais obtenu la bourse. J’étais folle de joie. C’était comme si New York me voulait. » Cette école, affiliée à l’Alvin Ailey American Dance Theater, un nom emblématique de la danse moderne, a été le tremplin dont Emilie avait besoin pour se lancer dans le monde de la danse à New York.

La danseuse évoque ses premiers mois à New York avec une certaine nostalgie. « Quand je suis arrivée, je ne connaissais presque personne, mais j’ai eu la chance de partager un appartement avec des Mauriciens. Nous étions comme une petite famille. Nous avions nos hauts et nos bas, mais c’était réconfortant d’avoir ces racines. »

Alors qu’elle est dans sa seconde année dans le « scholarship programme » de The Ailey School, elle s’est retrouvée confrontée à la pandémie de COVID-19 en mars 2020, comme des millions d’autres artistes à travers le monde. « Je suis restée à New York jusqu’en mars, puis j’ai déménagé à Phoenix, en Arizona, pour des raisons personnelles. C’était un changement énorme. »

Mais le plus grand bouleversement est venu de son propre rapport à la danse. « À un moment donné, ma passion a déraillé. J’étais épuisée, fatiguée mentalement. J’ai pris une pause et arrêté de danser pendant huit mois. J’avais perdu mon sens de but. Je pensais peut-être faire autre chose, mais je me suis vite rendu compte que sans la danse, je n’étais pas moi-même. Cette pause m’a permis de mieux me retrouver. » Pendant cette période de questionnement, Emilie a réalisé à quel point la danse était essentielle pour son équilibre. « Il faut parfois prendre du recul pour avancer. Cette pause m’a redonné de l’énergie et m’a permis de réévaluer ce que je voulais vraiment faire. »

Depuis l’année dernière, elle a retrouvé le chemin de l’enseignement au prestigieux Ballet Theatre of Phoenix, où elle avait déjà dirigé le département primaire pour les enfants de 5 à 8 ans avant de faire une pause. « Je me suis remise à enseigner et c’était une véritable bénédiction. Aujourd’hui, je ne dirige plus le département, mais j’enseigne toujours. Je donne également des cours pour adultes débutants. C’est fun, et cela me permet de rester connectée à la danse tout en partageant ma passion. »

Elle souligne l’importance de l’enseignement, qui lui a apporté une autre forme de satisfaction. 

« Enseigner me ramène à mon côté doux. J’ai appris à être plus patiente en travaillant avec les enfants. Ils me rappellent pourquoi j’aime tant cette discipline. »
Emilie est également engagée dans la compagnie de danse affiliée au Ballet Theatre of Phoenix, Convergence Ballet. Cela lui permet d’être danseuse professionnelle. « J’ai été engagée l’année dernière, et depuis, j’ai réalisé mon rêve de participer à des spectacles. En décembre dernier, j’ai dansé dans ‘The Nutcracker’ pour la première fois et aussi ‘La Belle au Bois dormant’ en mai, entre autres... »

Elle attribue une grande part de son succès à la chance et au bon timing. « J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. Mais cela ne veut pas dire que je n’ai pas travaillé dur. La danse, c’est beaucoup de travail, de rigueur et de discipline. »

D’ailleurs, Emilie est consciente des nombreux défis auxquels elle fait face en tant que danseuse étrangère aux États-Unis. « Quand on est étranger, il faut prouver qu’on est indispensable. Pourquoi embaucher une étrangère et se donner la peine d’obtenir une carte verte pour elle si un Américain peut faire le même travail, voire mieux ? »

Cette pression constante a alimenté le syndrome de l’imposteur chez elle. « Au début, je doutais beaucoup de moi. Il m’a fallu du temps pour être à l’aise avec mes compétences et changer mes perspectives. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus confiante. Le fait de rejoindre Convergence Ballet m’a permis de tisser des liens solides avec mes collègues. La danse crée des connexions profondes, et on partage tant de choses ensemble. »

Bien qu’Emilie ait fait son nid à Phoenix, elle n’exclut pas un jour de revenir à Maurice. « J’aimerais beaucoup revenir et transmettre ce que j’ai appris aux enfants et aux jeunes. Mon grand rêve serait de créer ma propre compagnie de danse à Maurice. Mais pour l’instant, j’ai encore le temps. J’ai 30 ans et je veux continuer à danser. » 

En plus de ses aspirations artistiques, elle est profondément attachée à l’idée de contribuer à l’épanouissement de la prochaine génération. « Si je peux aider des jeunes, leur enseigner des techniques, les canaliser ensuite vers de grandes écoles dans des pays comme les États-Unis, je n’aurais pas de plus grande satisfaction. »

Emilie reste convaincue qu’il faut toujours croire en ses rêves, malgré les obstacles. « Cela peut sembler cliché, mais c’est vrai. Il faut croire en soi et en ses capacités. Il faut aussi savoir saisir les opportunités quand elles se présentent et travailler dur. ‘Fake it till you make it’ est une philosophie qui m'a souvent guidée. »

Elle voit la danse comme une école de la vie. « La danse nous apprend tant de choses. Elle forge le caractère, enseigne la discipline, la gestion du temps et la collaboration. Même si quelqu’un ne continue pas dans cette carrière, les leçons de la danse lui serviront tout au long de sa vie. »

Pour Emilie, la danse est bien plus qu’un art, c’est une façon de se découvrir et de se dépasser. Et à travers son parcours, elle prouve que même une jeune fille venant d’un petit point dans l’océan Indien peut faire sa place dans le vaste monde de la danse internationale. Mais, sans soutien de ses proches, plus spécialement ses parents, et Teresa David, de la David Academy of Dancing, qui l’a guidée dans ses débuts de la danse à Maurice, son destin aurait sans doute été tout autre.

 

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