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Élections municipales : le grand chelem du pouvoir remis en question

Les élections municipales se tiendront le 4 mai.

Entre mécontentement social, rivalités politiques et l’émergence des partis extraparlementaires, les élections municipales, les premières depuis 10 ans, pourraient redéfinir les rapports de force.

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Les élections municipales du 4 mai s’annoncent dans un climat de tensions sociales croissantes. L’inflation galopante et l’érosion du pouvoir d’achat pèsent lourdement sur la population mauricienne. Malgré les promesses d’ajustements économiques formulées par le gouvernement du Changement, la confiance populaire semble s’effriter. La récente Garden Party organisée au Château du Réduit, rassemblant quelque 7 000 invités, n’a fait qu’accentuer ce sentiment de déconnexion entre les élites politiques et les préoccupations quotidiennes des citoyens.

Dans ce contexte de mécontentement social, le calendrier électoral lui-même fait l’objet de critiques. « Idéalement, les municipales devraient se tenir à mi-mandat législatif. Les organiser juste après des législatives, surtout après une victoire écrasante comme le 60-0, c’est tout simplement tricher », dénonce l’observateur politique et ancien journaliste Yvan Martial. Cette pratique, solidement ancrée dans le paysage politique mauricien, avantage considérablement le pouvoir en place. « Un scrutin local tenu dans la foulée d’une élection générale renforce la dynamique victorieuse du gouvernement, limitant les possibilités d’un vote sanction », poursuit-il.

Les analystes s’accordent largement sur un point : l’Alliance du Changement part favorite. « Si ce n’est pas un 120-0, ce sera un score largement en faveur du gouvernement », prédit l’observateur politique Faizal Jeerooburkhan. Cette projection fait écho au précédent scrutin municipal du 15 juin 2015, lors duquel l’Alliance Lepep, alors au pouvoir, avait raflé l’intégralité des 120 sièges en jeu.

Sur le papier, confirme Yvan Martial, « les villes devraient rester acquises au Parti travailliste et au MMM ». La dynamique actuelle semble favoriser largement le camp gouvernemental. D’ailleurs, pour Faizal Jeerooburkhan, la récente polémique entourant la Garden Party devrait rester sans effet sur les urnes : « Ce sont des événements mineurs qui n’auront pas d’impact sur les votants. De toute façon, ce scrutin concerne uniquement les villes, où l’Alliance du Changement reste dominante. »

Cependant, c’est dans ce contexte de prévisibilité apparente que les partis extraparlementaires pourraient créer la surprise. L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low l’affirme sans détour : « Les candidats extraparlementaires ont de réelles chances d’être élus lors des municipales. » Leur principal atout ? Une image préservée des scandales qui ont entaché les formations traditionnelles. « Ils ont des chances, car ils ne sont pas impliqués dans des affaires douteuses. Ils ont, d’ailleurs, toujours dénoncé ces magouilles », explique-t-il. 

Cette analyse est partagée par Faizal Jeerooburkhan, qui y voit même un enrichissement pour la démocratie mauricienne : « La participation d’autres regroupements politiques aux élections est bénéfique pour la démocratie. » L’introduction de nouveaux acteurs diversifie l’offre politique et stimule le débat public. « Au sein de ces partis, on trouve des candidats sérieux qui bénéficient d’une certaine notoriété », précise-t-il.

Le discours de ces formations alternatives, centré sur la transparence et la réforme, trouve un écho favorable auprès d’électeurs désabusés par la politique traditionnelle. Des personnalités comme Roshi Bhadain (Reform Party), Patrick Belcourt (En Avant Moris) et Rama Valayden (Linion Moris) ont d’ailleurs réalisé des scores significatifs lors des dernières consultations. Selon Faizal Jeerooburkhan, une vingtaine de candidats extraparlementaires pourraient accéder aux conseils municipaux à l’issue du scrutin.

Si ces formations alternatives parviennent à s’imposer dans certaines circonscriptions, l’impact dépasserait largement le cadre municipal. Ce serait un message clair adressé au gouvernement : non seulement un rejet de l’opposition traditionnelle, mais aussi une contestation directe des politiques gouvernementales en matière économique et sociale.

Yvan Martial considère ces élections comme une « occasion en or » pour les partis extraparlementaires de s’affirmer sur la scène politique. Pour la santé démocratique du pays, il souhaite d’ailleurs éviter une victoire écrasante du type « 120-0 ». « Sans contestation réelle, les mairies risquent de s’endormir », avertit-il. Dans cette optique, il suggère même que des figures comme Navin Ramgoolam ou Paul Bérenger pourraient stratégiquement limiter le nombre de leurs candidats pour permettre l’émergence d’autres voix politiques.

Au-delà des rapports de force entre partis, c’est peut-être la participation électorale qui constituera l’enjeu majeur de ce scrutin. Jocelyn Chan Low s’inquiète ouvertement d’un « véritable désintérêt pour ces municipales ». Cette démobilisation s’explique en partie par la faiblesse actuelle de l’opposition traditionnelle : « L’opposition traditionnelle, notamment le MSM et le PMSD, est extrêmement affaiblie. Je ne suis pas certain qu’ils puissent même aligner des candidats. » L’absence de réforme du cadre municipal, pourtant annoncée par le gouvernement, pourrait accentuer ce phénomène d’abstention.

Un faible taux de participation servirait les intérêts du camp gouvernemental tout en affaiblissant davantage une opposition déjà fragile. C’est précisément ce que craignent de nombreux observateurs : que ces élections, au lieu de revitaliser le débat démocratique, ne fassent que cristalliser les déséquilibres politiques existants. Ces élections constituent finalement bien plus qu’une simple consultation locale. Elles représentent un véritable test pour la vitalité démocratique mauricienne. Après des années de reports et dans un contexte de crise économique et sociale, elles offriront un baromètre précieux de l’état d’esprit de la population urbaine.

Le MSM et le PMSD maintiennent le suspense

Le MSM se maintient dans une posture d’attente prudente. Ce n’est qu’après l’émission du « Writ of election » que le parti Soleil lèvera le voile sur ses intentions : « Une communication sera ensuite émise quant à la participation, ou non, du MSM aux municipales. »

Du côté du PMSD, l’heure est encore aux délibérations. « Les membres du parti se réuniront probablement la semaine prochaine. Aucune décision n’a encore été prise. Nous attendons le retour de Xavier-Luc Duval pour savoir quelle direction prendre. Si nous décidons de nous présenter, ce sera de manière indépendante », explique Mahmad Kodabaccus, le secrétaire général.

Les extraparlementaires affinent leur stratégie

Si certains partis extraparlementaires optent pour une participation ciblée, d’autres demeurent en phase de réflexion. « En Avant Moris participera aux élections municipales, mais uniquement à Beau-Bassin/Rose-Hill. Nous présenterons nos 24 candidats dans les 6 ‘wards’ », annonce Patrick Belcourt avec assurance. Il souligne : « Nous sommes l’un des premiers partis à avoir finalisé son manifeste depuis trois ans. Intitulé « De l’abandon à l’abondance », ce manifeste a été présenté en mai 2023. » 

La situation est également clairement définie pour Linion Moris, coalition regroupant diverses sensibilités politiques (Linion Pep Morisien (LPM), Rassemblement Mauricien (RM), Les Verts Fraternels, Ralliement citoyen pour la patrie, Justice sociale et Justice et vérité). Cette formation composite a tranché : elle n’alignera aucun candidat aux municipales. 

Qu’en est-il du Reform Party ? Joint au téléphone mercredi après-midi, Roshi Bhadain a réaffirmé l’engagement de sa formation dans la bataille électorale à venir : le parti alignera bel et bien des candidats à ces municipales. 

400 594 électeurs inscrits

Ville Électeurs en 2023 Électeurs en 2024 Progression (inscrits)
Port-Louis 113 213 114 275 +1 062
Quatre-Bornes 59 959 60 446 487
Curepipe 59 822 59 862 40
Vacoas/Phœnix 87 399 88 519 +1 120
Beau-Bassin/Rose-Hill 76 569 77 492 923
Total   400 594  
 

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