Elections : les défis du prochain gouvernement

On est à une semaine presque avant le scrutin.  Quelle que soit la couleur politique du prochain gouvernant, les défis à relever sont très importants. Ces derniers sont énormes et les attentes sont grandes, estiment plusieurs experts de différents domaines. Le point sur les défis énumérés par des experts.

Selon Pramod Jadoo, l'Afrique est la solution pour Maurice.

La Croissance   économique

Selon les experts, un des plus grands défis est la croissance économique. Selon Manisha Dookhony, économiste et Managing Partner - Rwenzori Consulting et fondatrice de Mauritius Society Renewal, la croissance économique au cours des cinq prochaines années doit créer les conditions d'une production à forte valeur ajoutée dans les secteurs agricole et manufacturier. Elle ajoute que le prochain gouvernement devra accélérer les initiatives pour la mise en œuvre de nouveaux pôles de croissance, y compris les projets d'économie bleue.

Lindsay Rivière, observateur économique et politique, soutient que l’état actuel de l’économie nécessite des mesures appropriées pour régler les problèmes tels que la dette publique, le déficit budgétaire, le commerce et les déficits de la balance des paiements.

Pour sa part, Sanjay Matadeen, économiste et chargé de cour au Middlesex University Mauritius, estime que la priorité du prochain gouvernement est la croissance économique stagnante d'environ 3,5%. « Si nous ne doublons pas notre taux de croissance, il sera difficile d’atteindre le statut de pays à revenu élevé d’ici 2030. De plus, une croissance économique plus forte stimulera la demande globale de l’économie, encourageant à la fois la consommation et la création d’emplois, augmentant les recettes fiscales et réduisant les dettes publiques », dit-il.

Les Piliers économiques

L’économiste, Pramod Jadoo, explique qu’il y a bon nombre de problèmes qui affectent nos principaux secteurs et qu’ils doivent être traités afin de stimuler notre économie. En exemple, il cite les secteurs agricole et manufacturier tout en précisant que nous avons failli à lancer le secteur de l’océan. « Nous devons développer des piliers économiques solides pour faire face aux défis qui nous attendent, tels que le Brexit. Les économies internationales, comme la Chine et l'Inde, ont aussi des difficultés. Les politiciens doivent donc proposer de bonnes stratégies. »

Pramod Jadoo est convaincu que l'Afrique est la solution pour Maurice. « Le Kenya voulait revoir son accord de double imposition. Le Kenya est un investisseur potentiel pour Maurice et nous devons exploiter le marché africain. »

Chômage auprès des jeunes

Manisha Dookhony explique : « L’un des plus grands défis à Maurice est le chômage. Un jeune sur quatre, soit environ 18 200 jeunes de moins de 25 ans, n’arrive pas à trouver un travail. Le gouvernement peut élaborer des plans d'action nationaux pour l'emploi des jeunes avec la participation de l’établissement scolaire et le secteur privé. Ouvrir des opportunités aux jeunes devra être une priorité majeure pour le gouvernement. »

La pauvreté

Selon Manisha Dookhony, la pauvreté est un autre problème urgent. « Le nombre de familles pauvres est passé de 23 700 en 2002 à 36 100 en 2017 et les enfants sont victimes des problèmes de la pauvreté. Celle-ci ne peut être abordée de manière fragmentée mais en tenant compte des dommages y relatifs, soit le manque d’emploi, d’éducation et de logement, la drogue, l’insécurité, la violence et la maltraitance des enfants et des personnes âgées. Il doit également intégrer la réhabilitation et la réévaluation des régions défavorisées des zones urbaines et rurales. »

La Population vieillissante

Le vieillissement de la population et les services de santé sont d’autres défis à relever. Selon Lindsay Rivière, si la pension de vieillesse est augmentée par Rs 1 000, cela aura un effet sur l’économie. « Chaque augmentation de Rs 1 000 équivaut à Rs 4 milliards et si les pensions sont à Rs 10 000 par mois, nous avons besoin de Rs 16 milliards de plus par an. Qui va payer cela ? »

Pour sa part, Sanjay Matadeen fait ressortir qu’aligner les pensions de vieillesse et le salaire minimum n'est pas une mauvaise idée quand on sait que le coût de la vie à Maurice augmente et particulièrement en termes de produits alimentaires et de médicaments. Cependant, il estime qu’avec le vieillissement de la population, sans réforme de notre régime de retraite actuel, nous transférons le fardeau sur les générations futures. « Un fardeau insoutenable et j’encourage donc une révision urgente de notre système de retraite. »

L'Écologie et environnement

Pramod Jadoo soutient que le développement durable et des problèmes, tels que le changement climatique, doivent être réglés. « Le problème de l’environnement est urgent. Pour le projet de métro, nous avons détruit tant d’arbres pour mettre de l’acier sur la route. Nous voulons devenir comme Singapour mais ce pays n’a pas de problèmes de logement, de transport et d’infrastructures comme nous. Il faut savoir qu’à Maurice, notre construction est plus horizontale que verticale. »

La drogue

Manisha Dookhony ajoute que la drogue est devenue alarmante. « Les drogues synthétiques sont plus facilement disponibles aux jeunes. Nous avons besoin d'une politique globale sur le problème de la drogue. La répression seule ne fonctionne pas. Il faut des systèmes efficaces pour le traitement des toxicomanes qui comprend aussi des enfants. »

Les Réformes politiques et constitutionnelles

D’après Lindsay Rivière, nous avons besoin d’une réforme politique et électorale ainsi que d’autres modifications dans notre Constitution afin de réduire le communalisme et promouvoir la méritocratie et l'efficacité. « Nous devons œuvrer pour un État plus neutre sur le plan ethnique où tous les citoyens jouiront du même traitement et des mêmes chances. »

Pitch Venkatasamy de Think Mauritius abonde dans le même sens. « Notre démocratie ne fonctionne pas comme il se doit. Les droits des citoyens ne doivent pas se limiter au vote. Ils devraient avoir leur mot à dire dans les décisions. Ils doivent pouvoir poser des questions et refuser d’accepter des nominations à des postes importants. »

Les Promesses électorales

Un autre défi à relever, c’est la réalisation des promesses électorales. Sanjay Matadeen estime que les principaux partis politiques y ont tous misé. « Il est clair que les impacts en termes de coûts de ces promesses, qu’il s’agisse de l’augmentation des pensions de vieillesse, des allocations de chômage ou du soutien de l’emploi des jeunes, n’ont pas fait l’objet d’une analyse systématique en termes de priorité économique et d’impact sur le déficit budgétaire et la dette publique. Actuellement, le seul objectif est de gagner les élections, les conséquences sont pour plus tard. »

La participation des femmes

Pitch Venkatasamy déplore la représentation des femmes. « S’il y a 50% de femmes dans le pays, cela devrait être reflété au Parlement, et cela nous a amenés à examiner le fonctionnement de notre démocratie dans son ensemble. »

Secteur financier

Selon Pierre Dinan, économiste, le secteur financier fait face à de grandes difficultés et nos politiciens devraient s’y attaquer. « L'Afrique a besoin de capitaux et Maurice peut être un pôle financier entre les investisseurs de capitaux européens et ceux des pays africains. »

Le Secteur manufacturier

Pierre Dinan souligne que notre secteur manufacturier est dépassé. « Nous devons maintenant adapter cette industrie aux nouvelles conditions technologiques et économiques. Par exemple, dans quelle mesure avons-nous modernisé les équipements dans les usines ? Parlons-nous des progrès en termes de technologie ? »  

Le Tourisme

Pierre Dinan demande : « Sommes-nous conscients d’être confrontés à de nouveaux défis provenant de destinations comme Seychelles et Maldives ? Que faisons-nous pour améliorer notre produit dans le secteur du tourisme ? Qu'en est-il de la diversification des produits, qui est vitale pour le secteur ? Nous avons besoin de plus de touristes pour savoir ce que nous avons à offrir. D’autres destinations n’ont pas notre diversité multiculturelle. Allons-nous favoriser cela ? »