Les instituts de sondage avaient prévu une déferlante, un tsunami, un véritable raz de marée (entre 400 à 455 sièges) de La République en marche (LREM) au second tour des élections législatives en France. Cela ne s’est pas produit même si le parti d’Emmanuel Macron a remporté 308 sièges, ce qui lui assurera une majorité absolue à l’Assemblée nationale, la majorité étant fixée à 289 des 577 sièges à pourvoir.
Ajoutons à ce score de LREM, les 42 élus de son allié, le MoDem, qui en passant renaît ainsi de ses cendres, et l’on arrive à un total de 350 députés (ou 60% des sièges) pour la coalition gouvernementale. A vrai dire, LREM n’a pas besoin du MoDem pour gouverner, et il y a déjà des signes avant-coureurs que le nouveau gouvernement pourrait s’en débarrasser dans un proche avenir.
Ce qui d’emblée saute aux yeux dans ces législatives, c’est un taux d’abstention record qui s’élève à 57,36% ! Du jamais vu depuis 1958, date de la fondation de la Ve République par le Général de Gaulle. Chez les jeunes de 18-25 ans, l’abstention atteint 75% ! Déjà, au premier tour des législatives le 11 juin dernier, un électeur sur deux avait choisi de bouder les urnes – le taux d’abstention était alors de 51,29 %. Si l’on tient compte du fait qu’au second tour presque 10% d’électeurs qui sont allés voter le 18 juin ont voté blanc ou nul, le pourcentage de ceux qui ont effectivement exprimé un vote pour un(e) candidat(e) n’est que de 38%. Il y a là un enjeu démocratique majeur. Paradoxalement, comme on le verra plus loin, malgré ce faible taux de participation, les résultats des législatives au second tour sont tels que la représentativité de plusieurs courants politiques – j’allais dire des différentes France – est néanmoins inédite !
Un mode de scrutin complètement dépassé
Plusieurs raisons pourraient expliquer l’abstention record au second tour des législatives. D’abord, il y a ce que tout le monde ressent : une grande lassitude ! Avec deux élections à deux tours chacune en 2 mois seulement, entre avril et juin, sans compter les primaires et une campagne longue d’une année, c’est de l’overdose et il y a de quoi en être fatigué et se désintéresser de tant de consultations en série.
Ensuite, et plus fondamentalement, il y a ce que j’appellerai la primauté de l’élection présidentielle en France. Un mode de scrutin / un système électoral particulièrement anti-démocratique. Voyez le raisonnement qu’on entend souvent : au premier tour de l’élection présidentielle, on choisit. Au second tour, on élimine. Ainsi, au second tour de l’élection présidentielle 2017, il fallait faire barrage à Marine Le Pen, candidate du FN, parti d’extrême droite et voter pour Emmanuel Macron même si un électeur n’est pas tout à fait ou pas du tout d’accord avec le candidat d’En Marche ! et son programme dit social-libéral. Puis vient une forte pression pour octroyer au nouveau président et à son gouvernement une majorité absolue à l’Assemblée nationale afin qu’ils puissent appliquer leur programme. Cette pression s’exerce par le biais des médias mainstream (presse écrite et parlée) et les sondages. Résultat : plus d’un électeur est convaincu que son vote ne servirait à rien puisqu’il y aura de toutes les façons un raz-de-marée LREM.
Enfin, avec le brouillage idéologique ambiant, et un grand nombre de candidats inconnus du grand public, il y a eu des situations ou des électeurs ne savaient plus pour qui voter comme certains l’ont expliqué à des journalistes qui voulaient en savoir plus ou encore qu’ils ne puissent pas choisir entre deux duellistes dans leurs circonscriptions.
Éviter une « assemblée monochrome »
Cela dit, dans l’entre-deux-tours les leaders des autres partis et mouvements politiques ont invité leurs partisans à ne pas s’abstenir et à aller voter pour leurs candidats afin d’avoir une opposition parlementaire et d’éviter à tout prix l’avènement d’une assemblée monochrome. Cet appel a été entendu et acté par beaucoup quoique insuffisamment. Dans certaines circonscriptions, il aurait été mieux de privilégier certains anciens et nouveaux candidats valables et de voter massivement pour eux. Je pense ici à des candidats comme Nathalie Kosciusko-Morizet (LR), Najat Vallaud-Belkacem (PS), Charlotte Girard, Danielle Simonnet, Manuel Bompard ou encore Farida Amrani (La France insoumise)…
Les résultats étant ce qu’ils sont, force est de reconnaitre qu’Emmanuel Macron a réussi à transformer le paysage politique français. Les grands partis traditionnels (Les Républicains à droite et le Parti socialiste à gauche) en ont fait les frais de l’offensive macronienne...
Après avoir remporté que 113 sièges seulement, le parti LR est miné par des dissensions internes et des menaces de scission. Du côté du PS, c’est la « déroute sans appel » pour reprendre le mot de Jean-Christophe Cambadélis qui démissionne de la direction du PS comme premier secrétaire. En 2012, le PS avait remporté 289 sièges ; aujourd’hui, il n’en compte que 30 sièges, son plus faible score depuis sa création en 1969 !
Autres faits marquants à l’issue de ces législatives… Un nombre record de femmes : 223 députées, soit 38% de l’Assemblée nationale. Bien plus de jeunes et une baisse de 6 ans de l’âge moyen des députés, à 48,8 ans. Plus de gens venus du secteur privé et de la société civile. Et, en gros, 424 novices dans l’hémicycle, ce qui représente un renouvellement à 75% des députés ! Absolument inédit dans l’histoire de la Ve République.
La France insoumise (FI) et le Front national réalisent chacun un meilleur score que prévu par les instituts de sondage. 17 sièges pour la FI – 16 maintenant à la suite d’une défection déjà – et 10 sièges pour le PCF. Mélenchon a gagné son pari à Marseille. Un parisien avec un accent ‘pointu’ élu dans le sud de la France. Espérons qu’il ne va pas tout gâcher maintenant s’il s’obstine à vouloir faire la leçon à tout le monde de manière agressive plutôt d’essayer de convaincre avec son indéniable talent de pédagogue et de fédérer les énergies à gauche au sein de l’Assemblée nationale. Le FN remporte 8 sièges, plus que ce que les instituts de sondage avaient prévu (entre 1 à 5 sièges).
Avec d’un côté Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, Éric Coquerel, Clémentine Autain et d’autres pour La France insoumise et de l’autre Marine Le Pen et ses collègues du FN ainsi que quelques poids lourds de LR et du PS, on peut s’attendre à des débats houleux à l’Assemblée nationale française. Même si la nouvelle équipe de Macron/Philippe compte se prévaloir du 49.3 et gouverner par ordonnances « pour aller vite ».
20/06/17
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