Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth jouent-ils leur survie politique lors de cette campagne électorale ? D’un côté, le leader du PTr semble se diriger vers son ultime bataille politique. De l’autre, le leader du MSM pourrait, en cas de défaite, faire face à une série d’enquêtes, comme l’ont promis les dirigeants de l’Alliance du Changement.
À l’inverse des élections de 2019, marquées par une compétition à trois, le scrutin du 10 novembre s’annonce comme un affrontement direct entre deux blocs, incarnés principalement par deux figures politiques : Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth.
Autrefois alliés pendant une brève période, soit entre 2010 et 2011, les deux hommes sont aujourd’hui perçus comme de farouches adversaires, voire des ennemis jurés sur l’échiquier politique. Leur relation, déjà tendue, s’est progressivement détériorée au fil des années, devenant de plus en plus personnelle.
Ces cinq dernières années, les membres de la majorité gouvernementale ont régulièrement interpellé Pravind Jugnauth lors des séances des Prime Minister’s Questions, le ciblant systématiquement sur diverses questions touchant Navin Ramgoolam. Que ce soit sur ses affaires personnelles, sa maladie liée à la COVID-19 ou des révélations concernant des pilules trouvées dans son coffre-fort. Ces attaques témoignent d’une campagne orchestrée systématiquement contre le leader du Parti travailliste.
Désavantagé par les ressources dont dispose l’appareil d’État sous le contrôle de Pravind Jugnauth, Navin Ramgoolam n’a certes pas pu riposter de manière proportionnée. Cependant, chaque fois qu’il évoque le nom de Pravind Jugnauth, son ton acerbe ne laisse aucun doute sur la tension qui existe entre eux.
Une question mérite d’être posée : qui est véritablement en position de faiblesse ? Qui de Navin Ramgoolam ou de Pravind Jugnauth a le plus à perdre en cas de défaite aux prochaines élections générales ? Du côté de l’Alliance du Changement, bien que Navin Ramgoolam ait affirmé qu’aucune campagne de vengeance ne sera menée contre le Mouvement socialiste militant (MSM) et ses alliés en cas de victoire, des sources au sein de l’alliance laissent entendre que deux affaires touchant directement Pravind Jugnauth pourraient être relancées.
Dossiers des uns et des autres
La première concerne l’affaire MedPoint, où l’État a acquis la clinique MedPoint, propriété de la famille Jugnauth, pour un montant de Rs 144,7 millions. Bien que Pravind Jugnauth ait été blanchi dans cette affaire, des contacts réguliers ont été établis entre le PTr et le Mouvement militant mauricien (MMM) avec d’anciens enquêteurs de l’Independent Commission against Corruption (Icac) pour explorer les possibilités de rouvrir cette enquête.
La seconde affaire, qui suscite également l’intérêt de l’Alliance du Changement, concerne l’achat du terrain de Pravind Jugnauth à Angus Road. Du côté du PTr, on soutient que cette affaire avait déjà fait l’objet d’une enquête sous son gouvernement. Ainsi, en cas d’élections, celle-ci pourrait être considérée comme un autre dossier de haute importance pour le prochain gouvernement.
Du côté du MSM, les prochaines élections générales sont perçues comme l’occasion idéale d’éliminer une fois pour toutes le leader du PTr. L’âge avancé de ce dernier sera d’ailleurs mis en avant dans la campagne. On comprend que les stratégies du MSM viseront à établir un parallèle entre Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth.
Qui de Navin Ramgoolam ou de Pravind Jugnauth a le plus à perdre en cas de défaite aux prochaines élections générales ?»
« L’objectif sera de présenter Pravind Jugnauth comme un leader plein de potentiel, capable d’apporter encore beaucoup au pays, tandis que Navin Ramgoolam sera dépeint comme un politicien en fin de carrière », fait-on part au sein du parti soleil. Le discours de Pravind Jugnauth, prononcé le dimanche 6 octobre à Belle-Mare, illustre parfaitement cette stratégie. Il a décrit ses adversaires, dont Navin Ramgoolam, comme des produits arrivant à expiration, renforçant ainsi l’idée que le MSM est le choix de la continuité et du dynamisme face à une opposition vieillissante.
L’observateur politique Faizal Jeerooburkhan estime que la bataille qui s’annonce entre Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam dépasse le simple cadre de l’affrontement politique. Selon lui, il s’agit d’une véritable lutte pour des dynasties politiques. « Les deux noms qui ont le plus marqué la politique à Maurice depuis l’indépendance sont ceux de Ramgoolam et de Jugnauth.
L’un est considéré comme le père de la nation et l’autre comme le père du miracle économique. Ces dernières années, c’est surtout le nom des Jugnauth qui a dominé le paysage politique. Navin Ramgoolam est déterminé à restaurer la réputation de sa famille. Cela représente également une guerre d’ADN et de patronymes », souligne-t-il.
En commentant plus précisément le parcours de Navin Ramgoolam, l’observateur politique met en lumière les deux dernières défaites électorales. Selon lui, une troisième défaite serait fatale pour le leader des rouges, qui pourrait même perdre la direction du PTr en cas d’échec supplémentaire.
Faizal Jeerooburkhan fait toutefois ressortir que Pravind Jugnauth n’est pas à l’abri des inquiétudes. En rappelant les dossiers qui ont marqué le mandat de Pravind Jugnauth ces dernières années, l’observateur politique soutient que ce dernier n’a jamais été véritablement inquiété en raison de son contrôle sur les institutions. Toutefois, il précise que si des organes, tels que la Financial Crimes Commission ou encore la police, venaient à fonctionner de manière indépendante, Pravind Jugnauth pourrait se retrouver avec une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Enquêtes superficielles
L’ancien éditorialiste et observateur politique, Yvan Martial, aborde la question sous un angle différent. Selon lui, peu importent les campagnes de vengeance ou les manœuvres orchestrées contre Ramgoolam ou Jugnauth, elles n’auront pas de véritables conséquences.
« Navin Ramgoolam a certes été arrêté, mais il n’a jamais été condamné. D’ailleurs, malgré toutes les enquêtes ouvertes contre lui depuis 2015, cela ne l’a pas empêché d’être candidat aux élections générales de 2019 et aujourd’hui il s’apprête à nouveau à se présenter », observe-t-il.
Selon lui, ces enquêtes contre les politiciens ne sont souvent que superficielles, destinées à impressionner l’opinion publique. En fin de compte, s’il perd les élections, Navin Ramgoolam ne pourra probablement pas se représenter en 2029, tandis que pour Pravind Jugnauth, « une défaite pourrait lui offrir l’occasion de se reposer et de réorganiser ses idées ».
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