Le chef de l'armée pakistanaise a appelé samedi le pays à "rompre avec la politique de l'anarchie" au moment où les partisans de l'ex-Premier ministre emprisonné Imran Khan ont de bonnes chances d'arriver en tête des élections législatives mais pourraient être écartés d'une coalition gouvernementale.
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"Le peuple du Pakistan ayant placé sa confiance dans la constitution du Pakistan, il incombe désormais à tous les partis politiques d'en faire autant en manifestant de la maturité politique et de l'unité", a déclaré Syed Asim Munir selon un communiqué publié samedi.
"La nation a besoin de mains sûres et dotées d'un pouvoir de guérison pour rompre avec la politique de l'anarchie et de la polarisation", a ajouté le général.
Bien que confronté à une féroce répression des autorités, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) d'Imran Khan a surpassé les attentes.
Les candidats indépendants qu'il soutenait obtiennent au moins 100 sièges (dont 89 loyaux envers M. Khan), selon un décompte en date de samedi matin.
Il devance la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif, favorite du scrutin, créditée de 73 sièges. Le Parti du peuple pakistanais (PPP), de Bilawal Bhutto Zardari, est troisième avec 54 sièges.
Une vidéo générée par l'intelligence artificielle (IA) a été diffusée samedi matin par le parti de M. Khan où l'ex-Premier ministre est représenté en train de revendiquer la victoire.
"Selon des sources indépendantes, nous remportions 150 sièges de l'Assemblée nationale avant que la manipulation (de l'élection) ne débute", avance un Imran Khan généré par l'IA sur ces images.
Treize des 266 sièges en jeu doivent encore être attribués.
Faute de majorité absolue, les trois principaux blocs devront négocier des alliances. La PML-N apparaît la mieux placée pour y parvenir, mais toutes les options restent ouvertes.
"Nous invitons les autres partis et les candidats vainqueurs à travailler avec nous", a déclaré Nawaz Sharif, 74 ans, qui a déjà exercé trois mandats de Premier ministre.
Rentré au Pakistan en octobre après quatre années d'exil à Londres, il aurait le soutien de l'armée, selon les observateurs.
Le parti d'Imran Khan n'a, lui, pas été autorisé à figurer sur les bulletins de vote, ses candidats se présentant comme indépendants.
Les partis de moindre envergure ont remporté 27 sièges au total. Ils pourraient susciter les convoitises du PTI ces prochains jours.
Si des indépendants soutenus par le PTI les rejoignent, ils pourraient alors s'attribuer une partie des 70 sièges réservés aux femmes et aux minorités religieuses, alloués proportionnellement en fonction des résultats précédents, auxquels le PTI ne peut prétendre, faute d'autorisation à concourir sous ses couleurs.
Deux partisans du PTI tués
Les candidats pro-PTI ont surtout remporté des sièges dans la province du Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest), son fief, où deux de ses partisans ont été tués et 24 blessés dans des émeutes vendredi soir. Quelques manifestations éparses de partisans du PTI étaient rapportées dans le pays samedi.
Jeudi, 16 personnes ont été tuées au cours de 61 attaques recensées, selon le ministère de l'Intérieur. La veille, 28 personnes avaient péri dans deux attentats à la bombe.
Fondés sur des dynasties familiales et traditionnellement rivaux, la PML-N et le PPP se sont partagé le plus clair du pouvoir avec l'armée depuis des décennies.
Ils ont déjà travaillé ensemble et pourraient renouveler l'expérience. Ils avaient formé un gouvernement de coalition après l'éviction d'Imran Khan du poste de Premier ministre en 2022.
Le PPP s'est ensuite distancé de la PML-N pendant la campagne et semble avoir moins pâti de l'impopularité de ce gouvernement.
Son chef de 35 ans, fils de l'ex-Première ministre Benazir Bhutto, assassinée en 2007, s'est montré critique à l'égard de la PML-N. Mais la politique pakistanaise est coutumière des revirements et arrangements a priori contre-nature.
"Préoccupations"
Pour les électeurs d'Imran Khan, la conclusion risque d'être douce-amère. Beaucoup ont la conviction que la victoire leur a été volée, les retards dans le dépouillement n'ayant fait qu'ajouter aux multiples soupçons de manipulation.
La Commission électorale a invoqué des "problèmes d'internet" pour expliquer la lenteur du processus. La coupure par les autorités des services de téléphonie et d'internet mobiles jeudi avait déjà alimenté les doutes.
La campagne avait également été marquée par des accusations de "fraudes pré-électorales", avec la mise à l'écart du populaire Imran Khan, 71 ans, condamné à trois longues peines de prison.
Washington et Londres ont exprimé vendredi leurs "préoccupations" sur le déroulement des élections.
Le Pakistan, qui dispose d'un arsenal nucléaire, occupe une position stratégique, entre l'Afghanistan, la Chine, l'Inde et l'Iran.
Des manifestations ont eu lieu vendredi soir à Peshawar, capitale du Khyber Pakhtunkhwa, et à Quetta au Baloutchistan.
"On nous a changé nos résultats", proteste Muhammad Saleem, un commerçant de 28 ans, venu parmi quelque 2.000 partisans du PTI, bloquer une grande artère de Peshawar.
La posture anti-establishment d'Imran Khan, ex-star du cricket, continue de nourrir sa popularité, malgré un passage au pouvoir marqué par une détérioration de la situation économique.
Il a défié de front l'armée, qui a dirigé le pays pendant des décennies et était pourtant présumée l'avoir soutenu lors de son élection en 2018. Il l'a accusée d'avoir orchestré sa chute en 2022 et lui a attribué ses ennuis judiciaires.
© Agence France-Presse
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