
Ancien Second Deputy Governor de la Banque de Maurice, Gérard Sanspeur propose une approche alternative pour relancer l’économie du pays. Dans une récente publication diffusée sur les réseaux sociaux, il revient sur les propositions qu’il aurait soumises s’il avait été en charge de l’élaboration du budget national.
Publicité
Lors de sa conférence de presse annonçant sa démission, Gérard Sanspeur avait indiqué qu’il détenait des pistes concrètes pour aider le Premier ministre Navin Ramgoolam à relancer l’économie. Il précise aujourd’hui sa vision, qu’il oppose frontalement à l’austérité appliquée depuis plusieurs années. Pour lui, les politiques économiques se sont trop souvent focalisées sur des ratios – dette, déficit, balance budgétaire – au détriment de la vie quotidienne des citoyens.
Gérard Sanspeur décrit cette logique comme celle d’un comptable qui scrute un bilan sans entrer dans l’atelier de production. « C’est dans l’atelier que se crée la valeur, pas dans les colonnes du bilan », écrit-il. À ses yeux, ce n’est pas la maîtrise des chiffres qui sauvera l’économie, mais la relance de l’activité réelle, à travers l’emploi, la formation, l’innovation, et l’amélioration des infrastructures.
Un économiste souhaitant garder l’anonymat est d’avis que ces facteurs sont importants. Il affirme qu’il faut se différencier de l’ancien régime qui avait manipulé les chiffres et présenté une croissance qui n’était pas réelle. « Il y a les chiffres et les réalités du terrain. On peut annoncer des chiffres d’inflation en baisse, mais le panier du ménager reflète l’inverse. Il conviendrait de mettre l’accent sur le combat contre la vie chère », ajoute-t-il.
Gérard Sanspeur développe une analogie précise : face à une entreprise en difficulté, il ne s’agit pas de couper les dépenses en espérant un retour à l’équilibre, mais d’identifier les gisements de valeur ajoutée. Cela passe par l’innovation, la qualité des produits, l'efficacité des processus et la formation des ressources humaines. C’est cette logique qu’il souhaite transposer à l’échelle nationale.
Plutôt que de répéter que la dette est trop élevée, Gérard Sanspeur propose de se poser une question simple : le pays dispose-t-il des ressources réelles pour agir ? Il en dresse une liste, à savoir, une jeunesse à former et à insérer dans l’économie, des terres à cultiver pour garantir la sécurité alimentaire, des énergies renouvelables à développer, et des infrastructures à moderniser. Une source au sein du gouvernement fait comprendre qu’il n’y a rien de nouveau parmi ces propositions avancées. « Cela a fait partie de plusieurs budgets. Il est clair que davantage d’effort doit être fait pour permettre à la jeunesse d’apporter leur contribution au développement économique du pays. Il faudrait comprendre ce que veut dire un secteur productif et évaluer les potentiels sans négliger la main-d’œuvre nécessaire et l’apport de la technologie », fait-elle ressortir.
Concertation
Selon Gérard Sanspeur, les politiques d’austérité ont un coût social et politique trop lourd, en l’occurrence, gel des salaires, dégradation des services publics, réformes impopulaires et pression fiscale croissante. Pourtant, insiste-t-il, une dette utilisée pour financer des projets structurants n’est pas un fardeau, mais un investissement.
S’il avait été en charge du Budget, Gérard Sanspeur affirme qu’il aurait privilégié une méthode de concertation. Il cite à cet égard l’exemple de Mauritiusfinance.com, un exercice de consultation qu’il avait initié dans le passé. Il propose un programme de transformation structuré autour de huit axes, dont la transition énergétique, la sécurité alimentaire, l’éducation, la santé, les infrastructures, la fintech, l’économie bleue et les industries créatives.
Chacun de ces axes est décliné en actions concrètes. Par exemple, développer un hub de fintech à vocation africaine, investir dans l’agritech, réformer l’éducation pour préparer aux métiers de demain, ou encore exploiter durablement la zone maritime.
Au-delà du détail des propositions, Gérard Sanspeur invite à changer de boussole économique. Il rejette l’idée selon laquelle un État fonctionnerait comme un ménage, et plaide pour une lecture plus fine de la réalité économique. « Ce n’est pas dans les ratios que se joue l’avenir d’un pays, mais dans sa capacité à mobiliser ses vraies richesses », a-t-il fait ressortir.
Les propositions de Gérard Sanspeur seront-elles prises en considération ? Une source gouvernementale se demande si ce dernier a véritablement les oreilles du Premier ministre comme il l’a indiqué lors de sa dernière conférence de presse. « Les propositions seront vues étant donné qu’elles ont été publiées sur les réseaux sociaux. Néanmoins, il y a des advisors, des faiseurs d'opinion et des techniciens au sein d’un ministère. Les techniciens ont le rôle d’évaluer les propositions et leur faisabilité ou implémentation. Une mesure a un coût. N’oublions pas qu’un décideur politique porte le chapeau d’un parlementaire et d’un député qui doit répondre sur le terrain. Une mesure peut paraître correcte, mais un politicien a également une population à satisfaire pour espérer être réélu. Cela peut affecter l’implémentation », déclare-t-elle.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !