Le trafic de drogue est un business qui rapporte gros. Il n’est guère étonnant de constater qu’ils sont nombreux, les mineurs à jouer les caïds et surtout à se faire prendre dans les mailles de la brigade anti-drogue. Rien que pour cette année, selon les chiffres fournis par l’Adsu, sur 513 présumés dealers arrêtés, 37 (soit 7,2 %) avaient moins de 18 ans.
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Les chiffres sont alarmants, que nous évoquions la quantité de drogues saisies ou encore le nombre de personnes arrêtées depuis le début de l’année. Du 1er janvier au 19 juillet 2018, la police a procédé à la saisie de Rs 416,8 millions de drogues. Aussi, 1 601 personnes, dont 48 femmes, ont été arrêtées pour divers délits liés à la drogue. On compte, dans ce lot, 513 présumés dealers, avec 37 jeunes (35 garçons et 2 filles) de moins de 18 ans et, dans le groupe des 18 à 30 ans, on note 827 individus.
Depuis le début de l’année, 11 mineurs (10 garçons et une fille) ont été arrêtés pour drug dealing. Pour ce qui est des dealers de drogue synthétique, cannabinoïde et autres, 9 mineurs et 208 jeunes âgés entre 18 et 30 ans sont tombés dans les filets de l’Adsu. 50 individus (18-30 ans) ont été pris pour des cas liés au gandia, alors que pour la cocaïne, on compte une arrestation (18-30 ans). Deux mineurs et 141 jeunes (18-30 ans) ont été inquiétés pour des délits liés à l’héroïne. En ce qui concerne l’ecstasy, ils sont trois individus (18-30 ans) à avoir été interpellés par la police. Pour ce qui est du haschisch, on dénombre huit arrestations (18-30 ans). Alors que cinq personnes (18-30 ans) ont été arrêtées pour possession de sédatifs (psychotropes). Quid des cultivateurs ? Sur 22 individus arrêtés, on en compte cinq âgés entre 18 et 30 ans.
La dernière arrestation a été effectuée au courant de la semaine. Un suspect âgé de 35 ans essayait d’écouler 1,2 kg de drogue d’une valeur de Rs 6,8 millions.
En ce qui concerne les drogues saisies, notons 16,2 kilos d’héroïne, 12 kg de gandia, 3 kg de cocaïne, 4,7 kg de cannabinoïde, 180 grammes d’ecstasy, 300g de haschisch, 800 tablettes de Subutex, 27 500 plants de gandia et 660 psychotropes.
On n’hésite pas à parler d’un rajeunissement chez les dealers, ainsi qu’une certaine féminisation. Les raisons en sont simples. C’est un business lucratif, qui permet de mener une vie de rêve. Les jeunes qui s’y lancent sont attirés par l’argent facile. Ils sont subjugués par le bling-bling, les bolides, les vêtements et chaussures griffés et la farniente… Ils font ainsi fi des lois, au risque de passer une bonne partie de leur vie derrière les barreaux. Ils n’ont cure des peines de prison encourues en cas de culpabilité prouvée. Selon la Dangerous Drugs Act, c’est au minimum 5 ans et un maximum de 60 ans de prison.
Ally Lazer confirme
« Je confirme que les trafiquants de drogue sont de plus en plus jeunes. Il y a cinq ans, j’avais constaté ce rajeunissement. On est aujourd’hui passé à la 4e génération de trafiquants. » C’est ce que déclare Ally Lazer, travailleur social qui mène une lutte acharnée contre la drogue depuis maintenant 40 ans. Il est rejoint par José Ah Choon, responsable du Centre d’accueil de Terre-Rouge. « Il y a plusieurs mineurs dans ce business maintenant », déclare-t-il.
Hedley Jaymangal, du Centre de solidarité, ne peut implicitement confirmer s’il y a un rajeunissement des trafiquants, mais dira : « Les toxicomanes qui veulent suivre une cure de désintoxication nous disent qu’il y a des mineurs qui vendent de la drogue. » Il ajoute : « C’est une stratégie de la part des trafiquants. Un mineur parlera le langage d’un jeune. Il lui sera plus facile de les aborder et de leur vendre sa came. »
Les Mauriciens, de gros consommateurs
Si, depuis janvier 2018, la brigade anti-drogue a saisi Rs 416 millions de drogues, la question qu’on se pose est : toute cette drogue est-elle destinée au marché local ? Surtout que la tendance actuelle se penche plutôt vers la drogue synthétique, qui fait rage chez les jeunes.
Selon Ally Lazer, cette drogue est destinée au marché local (voir plus loin). L’Adsu abonde dans le même sens. Une fois écoulée sur le marché, elle rapporterait gros aux trafiquants. Mais on s’accorde à dire que le quota des consommateurs pourrait avoir diminué avec les opérations « kass lerein » menant à la saisie de grosses cargaisons de drogues.
Les quelque 420 limiers de l’Adsu, menés par le DCP Bhojoo, mènent une lutte sans relâche contre ce fléau au péril de leur vie. Ils ont décidé de ne pas lâcher prise.
Hausse des prix du gramme de poudre blanche
Notre enquête démontre que le prix de l’héroïne est en hausse. Un gramme, qui se vendait entre Rs 4 500 et Rs 5 000 il y a peu, est passé à Rs 6 000 ou Rs 6 500 actuellement. Une dose varie entre Rs 300 et Rs 400 actuellement, contre Rs 200 ou Rs 300 auparavant.
Ally Lazer : «57 kg d’héroïne écoulés par mois»
L’héroïne reste la plus prisée parmi les drogues disponibles chez nous. Selon les chiffres fournis par Ally Lazer, un consommateur a besoin d’au moins trois doses d’héroïne par jour. Ainsi, quelque 57 kg de cette poudre blanche sont écoulés par mois pour plus de 10 000 consommateurs. « Je suis un éducateur formé en Europe et je suis sur le terrain tous les jours. Je sais de quoi je parle », déclare-t-il.
Cette drogue en provenance de l’étranger est-elle destinée au marché local ou est-ce que Maurice est simplement un transit ? Ally Lazer de répondre : « Toute cette drogue est destinée au marché local seulement. Laissez-moi vous dire une chose : 2017 avait été, selon l’Adsu, l’année de tous les records en termes de saisies. Mais ce record est constamment amélioré. Il y a quelque temps, il y avait une pénurie de thé sur le marché local. Pour la drogue, c’est différent. Il n’y aura pas de pénurie, même pas pour une heure ! »
Un ancien caïd en parle
Pour mieux comprendre le mécanisme, nous nous sommes tournés vers un ancien trafiquant qui a déjà payé sa dette envers la société. C’est dans un faubourg de la capitale que nous l’avons rencontré. La cinquantaine, les cheveux gris, il s’est aujourd’hui rangé. De petit distributeur à caïd, ses 12 années en prison l’ont transformé. Tous ses biens ont été saisis par les autorités. L’homme repenti ne cache pas son inquiétude quant à la prolifération de ce fléau, surtout chez les jeunes. « Zordi bann misie la partou e ena boukou informater. Kouma tir latet ou maye. Ou kapav fini ou zenes dan prizon », dit-il.
L’homme nous explique comment l’héroïne s’écoule sur le marché.
Un kilo remis à cinq revendeurs
Au minimum, un kilo d’héroïne, valant Rs 6 M, s’écoule facilement dans les quatre coins de Maurice. Le Boss (ou patron) divise les 1 000 grammes en cinq lots de 200 grammes pour faciliter la distribution et pour être sûr d’avoir son cash upon delivery. Pour les 200 grammes, chaque revendeur lui remettra Rs 1,2 M.
Un simple calcul mathématique nous permet aussi de voir que le petit revendeur peut se faire des centaines de milliers de roupies de profit par jour avec 200 grammes d’héroïne, alors que pour le Boss, les chiffres sont affolants.
Au détail et en gros
Pour un kilo vendu par jour à cinq revendeurs (200g chacun), le Boss touche Rs 6 M. Le revendeur, lui, répartit ses 200 grammes en doses. Avec 40 doses par gramme, il arrive à tirer 8 000 doses de ses 200 grammes. Nous calculons la dose à son prix le plus bas, c-à-d. Rs 200. Ses 8 000 doses lui rapporteront Rs 1,6 M sur une journée (ce qui fait Rs 400 000 de profit par jour). Il se fera Rs 12 M de profit par mois.
Si on se base sur le fait que le toxicomane a besoin de trois doses quotidiennes et qu’il y en a au moins 12 000 à Maurice, il faudra donc 36 000 doses de poudre blanche par jour à Rs 300/dose. Ce qui fait que Rs 10 800 000 changent de main chaque jour.
Pour le Boss, vendre un kilo d’héroïne par jour lui permet de se faire un chiffre d’affaires de Rs 180 M par mois.
Selon l’ancien caïd, cette drogue est mélangée avec du glucose ou une poudre médicinale. « Enn kilo ladrog vinn 1,5 kilo pou zot gagn plis profi. Si sa vo Rs 6 M, enplas enplas zot fini gagn Rs 3 millions avek selma enn sibstans azoute. Ena ki inport bann sibstans ki melanze ar ladrog la pou ogmant so kantite. Ena inport eroin kouma laross, bizin grat li pou tir doz e pli fasil pou melanze », dit-il.
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